Et si la pub ciblée était contre-productive | M-Market | Scoop.it

Très prisée des sites marchands, le "retargeting" tape souvent à côté (en voulant viser juste) en proposant au client des produits qui ne les intéressent pas toujours ou qu’ils possèdent déjà...

Petite balade sur un site de vente à la recherche d’une sacoche en cuir. Au hasard Amazon. Dans les jours (les semaines?) qui viennent, vous pouvez être sûrs de voir des sacoches en cuir partout sur internet lors de vos prochaines visites. Votre visite a alerté les "cookies" du site qui ne vous lâcheront plus. Amazon va vous la faire acheter cette fichue sacoche en cuir. Et même quand vous l’aurez achetée, vous aurez encore des pubs pour cette même sacoche (au cas où elle vous plaise tellement que vous voulez en prendre une deuxième...).

Cette pub "ciblée" s’appelle le retargeting et est très prisé par les sites marchands (selon les données du spécialiste Criteo le taux de clics d’une telle pub pourrait monter à 2,5% contre 0,1% en moyenne pour une bannière classique). Après tout c’est assez malin, pourrait-on penser. Au lieu d’avoir une bannière pour une assurance ou une boisson désaltérante, pourquoi ne pas nous proposer une pub pour un produit qui nous intéresse vraiment.

Sauf que ces pubs sont-elles, dans le fond, si intelligentes que ça? C’est la question que se pose la consultante spécialiste en marketing Babette Leforestier dans un billet de blog. Et elle n’est pas la seule. La semaine dernière, le patron de la division e-commerce mobile de Tesco, Luke Vinogradov, a exprimé des doutes sur la pertinence d’une telle stratégie. Des propos tenus à l’occasion d’une conférence sur le retail à Londres et rapportés par le site de Marketing Week. Selon lui, "le retargeting desservirait surtout les marques. Il y a des sites qui me suivent partout où je vais, détaille-t-il, et même si j’ai acheté le produit en question, ils continuent de m’envoyer des pubs pour ce même produit. Au final le retargeting dessert les marques au lieu de les servir lorsqu’elles m’emm.... avec leur pub de produits déjà achetés...". Au moins il n’est pas langue de bois. 

La limite du retargeting est finalement un problème d’intelligence des algorithmes et de manque d’information sur le client. Lorsqu’Amazon vous voit faire une recherche sur son site, l’algorithme en charge des pubs ciblées ne détient finalement que peu d’informations sur vous et il ne fait de ce fait que peu de déductions (et qui plus est pas toujours pertinentes). Un exemple: recherchez des objectifs photos sur le site. Vous aurez des pubs ciblées d’objectifs évidemment mais aussi d’appareils photos reflex. Or les gens qui recherchent des objectifs possèdent souvent déjà un reflex... 

Imaginez la même chose transposée dans le commerce physique: vous vous rendez à la Fnac pour un objectif et le vendeur tient à tout prix à vous montrer les appareils photos. Pire, lorsque vous y retourner une semaine après pour acheter un livre, le vendeur photo vous siffle au loin pour vous remontrer les appareils et les objectifs! Pas très subtile la relation client... 

"Si vous harceler les clients, ils vous laisseront tomber, estime M. Tesco mobile. Ne m’alertez pas chaque jour pour un produit que j’achète pas plus de deux fois par an!"

Comment faire pour donner l’impression au client qu’on lui apporte un service? Le connaitre le mieux possible. On en revient toujours là: l’importance des données, nerf de la guerre du commerce. Et là, les enseignes physiques disposent d’un avantage certain sur les pure players du e-commerce: les cartes de fidélités, le parcours client en magasin, l’historique d’achats... sont autant de données qui permettent d’améliorer la connaissance du client et donc de mieux le "cibler". Ainsi,  la plupart des informations utilisées par Tesco pour cibler les clients proviennent de données qu'elle détient par l'intermédiaire de son programme de fidélité Clubcard. 

Le magasin mais aussi le mobile. Le smartphone recueille en permanence des quantités d’infos comme la localisation et le temps qu’il fait. Or, on connait l’importance de la météo dans la consommation de certains produits. C’est un paramètre pris en compte par la société Mozoo qui vient de lancer une solution de ciblage publicitaire baptisé "Weather Intelligence". "Pour s’en faire une idée, explique Julien Minvielle, président de la société Mozoo. Il suffit d’imaginer comment réagirait une personne recevant une promotion mobile pour des glaces lors d’un été très chaud ou une offre à prix réduit pour des tickets de cinéma lors d’un après-midi pluvieux ! Comme beaucoup le devinent, ce critère, couplé à un ciblage géo-localisé et dans le temps, devient très efficace dans beaucoup de cas."

Au final ce n’est pas la pub ciblée en elle-même qui est contre productive. Il faut simplement réussir à mettre la flèche dans le mille. Peu de site y parviennent aujourd’hui...

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