LExpansion.com fait le point sur l'impact de la mise à jour de l'algorithme de Google sur les résultats de recherche. Accusé de manipuler les classements et de favoriser ses propres services, le n°1 des moteurs répond aux critiques.
Trois semaines après la mise à jour de l'agorithme de recherche de Google, connue sous le nom de Panda, l'heure est aux bilans. Panda, qui avait mis tous les sites français en alerte après les dégâts qu'elle avait causés à certains sites aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne, a-t-elle bouleversé en profondeur les classements dans les résultats du moteur en France ? Les premières études de visibilité, qui donnent des indicateurs de tendances, pointaient le portail Wikio et les comparateurs de prix comme les principales victimes de Panda. Certains en ont d'ailleurs déjà tiré les conséquences: Wikio News et Wikio Experts, l'agrégateur et la ferme de contenus du groupe eBuzzing, ont été arrêtés cette semaine.
Le cas de Wikio et des agrégateurs
Après ce qui s'était passé aux Etats-Unis et en Angleterre, et compte tenu de l'attachement de Google à lutter contre la duplication de contenus (reprise de contenus produits par d'autres sites), les agrégateurs et les fermes de contenus étaient désignés comme les premières cibles de Panda. Ca n'a pas loupé. L'audience du portail Wikio a dégringolé de 40%, en France et partout ailleurs. Des sites comme Suite101 et Paperblog ont aussi beaucoup souffert.
"Dans notre chiffre d'affaires, l'apport du portail n'est que de 1% environ, l'impact financier était donc négligeable, explique Frédéric Montagnon, le directeur marketing de eBuzzing. Mais la perte d'audience n'était pas bonne en termes d'image. Comme le portail était en fait une vitrine technologique pour nous, à destination des agences et des blogueurs, nous avons décidé d'intégrer ses fonctionnalités dans le site eBuzzing." Au final, le groupe s'en sort bien puisque dans le même temps, il indique que sa plateforme de blogs Overblog a gagné en visibilité, de l'ordre de +15%.
Les sites produisant leur propre contenu, comme les sites de presse, ont quant à eux profité pour la plus grande part de Panda, selon les analyses préliminaires de l'agence d'e-marketing Resoneo.
Pour le site Commentcamarche, que certains s'attendaient à trouver dans le groupe des perdants, l'impact est positif. Le site a gagné en visibilité, particulièrement en Espagne, au Portugal et en Italie, où l'audience a augmenté de 10%, atteste Benoît Sillard. "En Amérique latine, où nous devions être copiés-collés par beaucoup d'autres sites, la progression est même de 25 à 30%", indique le patron de CCM-Benchmark, qui ne révèle pas quelle part de son trafic est convoyée par Google. Il précise qu'un travail au long cours, consistant à retirer les questions restant sans réponse et celles qui sont trop datées, a contribué à améliorer la qualité du site et donc à satisfaire les critères de Panda.
Le cas de comparateurs et des guides d'achat
C'est la deuxième catégorie de sites la plus touchée. Chez Leguide.com, on ne donne pas de chiffres pour l'instant, trop tôt, mais on indique que l'impact est moindre qu'au Royaume-Uni, où le site avait perdu 25% de ses visites en provenance de Google, sa principale source de trafic et de loin. L'impact serait plus important en Espagne et en Italie qu'en France. Corinne Lejbowicz, son PDG, n'a rien changé à sa stratégie pour autant, puisque cela fait des années que l'objectif est d'être moins dépendant de Google. Elle a tout de même renforcé ses équipes de référencement naturel, en interne et en externe, pour "comprendre et analyser plus vite".
Kelkoo, lui, s'en tire relativement mieux que ses concurrents. Le site ne souhaite pas encore communiquer de bilan chiffré mais indique qu'il retravaille le contenu du site depuis le début de l'année, et "il se trouve que ça plaît à Google".
Mécaniquement, sur les requêtes liées à des produits, les sites de e-commerce profitent de Panda. C'est le cas de RueduCommerce, qui a gagné environ 30% de visibilité et ajoute que "cela s'est traduit en progression de l'audience". Une remontée qui n'est pas seulement due au recul des comparateurs mais aussi à la mort de certains "parasites" comme Wikio Experts, selon Yannick Simon, directeur général adjoint du site. Panda a également été fatal à Zlio, une plateforme qui permettait aux internautes de créer leur boutique en ligne en vendant des produits d'autres sites e-commerce. Par ailleurs, RueduCommerce s'est adapté au nouveau système en faisant en sorte que les listes de résultats vides ne soient pas conservées dans l'index de Google, ou que seule la première page des listes de produits soit indexée.
Google a-t-il délibérément "descendu" certains sites ?
Vu l'impact potentiel du référencement sur le trafic et le chiffre d'affaires des sites, on imagine que les sites touchés sont un peu énervés... Le ressentiment vient notamment du fait que le critère principal des bouleversements de classements est celui de la qualité. Une notion difficile à évaluer par un algorithme, censé être neutre et pas "éditeur" de contenus. D'où la tentation de prêter à Google des intentions cachées. Après tout, pourquoi un comparateur de prix serait-il forcément un site de mauvaise qualité ?
"Google a fait le ménage dans certains types de contenus, juge Frédéric Montagnon. Il a privilégié certains types d'acteurs et en a déclassé d'autres." David Degrelle, président du directoire de l'agence de référencement 1ère Position, va plus loin dans une interview sur Petitweb. "Des sites peu connus, comme des plateformes de blogs de grands médias utilisées par des spammeurs pour mettre des liens sur leurs sites ne sont pas tombés (...). Google n'arrive plus à lutter contre le spam de manière algorithmique. Nous sommes convaincus que Google intervient manuellement dans son algorithme. (...) Cette intervention manuelle est la porte ouverte aux manipulations."
Google France dément totalement l'accusation. "Panda est une mise à jour de l'algorithme, qui s'applique à l'ensemble du web, explique un porte-parole. Il n'y a aucune sélection manuelle. Nous n'avons pas non plus ciblé de typologies de sites. L'objectif de Panda est d'identifier les contenus de bonne et de moins bonne qualité. Nous ne nous sommes pas dit : 'tel type de sites est forcément de mauvaise qualité'". De même, Google réfute toute " politique qui aurait consisté à cibler certains sites pour l'exemple". "Si certains sites de mauvaise qualité y ont échappé, ce n'est pas impossible, aucun algorithme n'est parfait, et cela sera rectifié", poursuit le porte-parole.
Si tout le monde n'est pas convaincu d'une intervention manuelle, l'algorithme lui-même suscite toutes les spéculations. Il est vrai que les indices laissés par Google (ici ou là) ressemblent plus à des devinettes qu'à un cahier des charges. Certains sont persuadés que le temps passé sur la page et le taux de rebond font partie des critères de qualité. Yannick Simon émet l'hypothèse que les visites via le nom du site entré sur Google vaudraient davantage que celles via un mot-clé. Exemple: taper "Kelkoo" dans Google donnerait plus de points à Kelkoo que taper "TV Samsung" et se retrouver sur le comparateur.
Mais pour Frédéric Montagnon, le problème n'est pas dans l'intervention manuelle ou la définition des critères de qualité. "Le problème, c'est la position dominante de Google et comment on régule ce marché."
Google en profite-t-il pour favoriser Google Shopping ?
Certains concurrents s'interrogent explicitement sur le conflit d'intérêt entre les produits de Google et son algorithme. Bastien Duclaux, DG du comparateur Twenga, écrit sur Twitter "Google a donc décidé de dégager toutes les plateformes de shopping de ses résultats et de privilégier ses propres services". La plupart des acteurs interrogés par Lexpansion.com ont observé une remontée de Google Shopping sur la première page de résultats. Chez RueduCommerce, sa part dans les ventes "ne cesse d'augmenter", confie Yannick Simon, qui reconnaît que le service lui envoie du "trafic hyper qualifié".
Le porte-parole de Google que nous avons contacté est de son côté formel: "Nos propres services bougent en même temps. Nous n'avons pas de politique qui consiste à afficher nos produits avant les autres. Ils sont soumis aux mêmes règles." "Le problème de Panda, c'est que le sujet a été tellement discuté avant même son déploiement en France qu'il a suscité des spéculations et des peurs hors de proportion", déplore-t-il.
En attendant le verdict de l'enquête de la Commission européenne sur un éventuel abus de position dominante de Google, les sites qui ont des réclamations à faire peuvent toujours le faire auprès de Google. Quant aux internautes, ils auront le dernier mot. Un récent sondage du site LesNumeriques montre qu'un tiers des votants estime que les résultats sur Google sont meilleurs depuis Panda. 60% ne voient pas de différence.