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Covid-19, protéger nos concitoyens dans le respect de l’État de droit

Covid-19, protéger nos concitoyens dans le respect de l’État de droit | Re Re Cap | Scoop.it

Le respect de l’État de droit, consubstantiel à la République française, est au cœur de l’action et du projet politique Cap21-Le Rassemblement citoyen.

 

La crise du covid nous confronte à une problématique nouvelle : comment protéger au mieux nos concitoyens d’une épidémie, tout en restant dans un cadre démocratique, ce qui suppose de respecter l’État de droit ?

La restriction des libertés publiques, dans un cadre limité dans le temps et proportionnée à la menace, est admissible et est admise par le conseil d’État comme par le conseil constitutionnel. L’encouragement à la vaccination est parfaitement justifié car, même si le vaccin n’empêche pas la contamination, il réduit le risque de cas graves et pourrait permettre d’éviter l’effondrement de l’hôpital public. Un constat qui trouve sa cause dans une politique catastrophique menée depuis des décennies, accentuée depuis 2017 avec une fermeture accélérée des lits et le refus de payer convenablement le personnel hospitalier qui déserte progressivement l’hôpital. Les effets secondaires des vaccins ne sont pas inexistants, le très récent rapport de l’ANSM en témoigne. Cependant, sur un plan collectif, la politique vaccinale est justifiée sous réserve de la prise en charge par l’État des effets secondaires dans les conditions qui sont examinées ci-dessous.

Pour autant, le projet de loi renforçant les outils de gestion de la crise sanitaire et modifiant le code de la santé publique, déposé le 27 décembre en vue d’une adoption définitive au début de l’année dans sa rédaction actuelle, remet en cause l’État de droit.

En l’état, l’article 1er érige à compter du 15 janvier 2021 le passe sanitaire en passe vaccinal pour l’accès aux activités de loisirs, aux restaurants et débits de boissons, aux foires, séminaires et salons professionnels ou encore aux transports interrégionaux. En clair, l’accès à ces activités ne sera possible qu’à la condition de produire un schéma vaccinal complet, c’est-à-dire, pour l’heure, composé de trois doses successives de vaccins.

Ce choix délibéré institue une discrimination de traitement entre les personnes vaccinées et celles qui ne le sont pas.

Une telle discrimination est contraire au Règlement (UE) 2021/953[1], dont le considérant 36 précise, en des termes on ne peut plus clairs, qu’« il y a lieu d’empêcher toute discrimination directe ou indirecte à l’encontre des personnes qui ne sont pas vaccinées (…). Par conséquent, la possession d’un certificat de vaccination (…) ne devrait pas constituer une condition préalable à l’exercice du droit à la libre circulation ou à l’utilisation de services de transport de voyageurs transfrontaliers tels que les avions, les trains, les autocars ou les transbordeurs ou tout autre moyen de transport. En outre, le présent règlement ne peut être interprété comme établissant un droit ou une obligation d’être vacciné ».

Or, le règlement européen fait partie de l’ordre juridique français et s’applique directement, dans tous les États membres. Il s’impose à tous ceux à qui ils s’applique donc non seulement aux États membres et ses organes, mais également aux personnes privées. Il rend inapplicable les règlementations nationales incompatibles avec les clauses matérielles qu’il contient. Le texte proposé viole donc sciemment l’ordre juridique.

Au-delà, le projet de loi institue une obligation vaccinale comme cela ressort d’ailleurs des propos du ministre de la Santé, Olivier Véran, qui vient d’affirmer que le passe vaccinal est en réalité « une forme déguisée d’obligation vaccinale ». Or une telle obligation est contraire, elle aussi, aux engagements internationaux de la France.

En effet, les vaccins mis actuellement sur le marché ne le sont qu’à titre expérimental en phase 3. L’autorisation de mise sur le marché a été donnée provisoirement et sous condition aux fabricants dans le cadre d’une procédure accélérée par l’Agence européenne des médicaments (EMA)[2] avec des remises de rapports finaux de l’étude clinique qui varient entre mai 2022 et décembre 2023 pour Pfizer.

Il s’ensuit que l’administration obligatoire de ces vaccins en phase expérimentale est prohibée par de nombreux textes internationaux[3] ayant force obligatoire.

En Démocratie, il n’est pas acceptable que la politique de santé soit élaborée dans la plus parfaite opacité au sein d’un conseil de défense qui n’a pas été institué à cette fin. En Démocratie, il n’est pas possible que le législateur lui-même contribue à une fraude à la loi. En effet, le passe vaccinal n’est rien d’autre, aux dires du ministre de la Santé, qu’un procédé destiné à contourner l’interdiction par le Droit, de l’obligation vaccinale. Ce procédé est condamné par tous les systèmes juridiques des États démocratiques au nom du respect du principe général du droit, « Fraus omnia corrumpit », la fraude corrompt tout. Un Etat qui contourne volontairement les principes élémentaires du droit n’est plus respectable. Pas plus qu’un législateur qui prête docilement sa plume finale à une telle manœuvre.

Et, en dernier lieu, ce projet de loi institue un système pérenne de gestion des crises sanitaires et d’urgence sanitaire. Or, c’est précisément ce que voulait éviter le conseil de l’Europe dans le vade-mecum qu’il avait élaboré au début de la pandémie. Cette loi permet un véritable contrôle social, sur simple décision gouvernementale, autorisant sans intervention du Parlement, des atteintes majeures aux libertés publiques, y compris l’internement et la violation du secret médical. Rien ne justifie ce système pérenne.

Nous demandons :

  1. Le maintien du système du passe sanitaire tel qu’il existe aujourd’hui,
  2. La prise en charge par l’Etat de l’indemnisation de toutes les personnes qui se sont fait vacciner et qui sont victimes d’effets secondaires au moyen d’un dispositif ad-hoc.
  3. La modification du projet de loi pour garantir qu’aucun système pérenne de contrôle social ne soit instauré. Cette demande apparaît d’autant plus justifiée qu’un certain nombre d’États dans le monde, dont ceux qui ont eu le plus recours à la vaccination comme Israël, repoussent l’idée d’une quatrième dose pour se diriger vers une politique d’immunité naturelle.
  4. Que les médecins retrouvent le pouvoir qui leur est conféré par l’article L. 1111-4 du Code de la santé publique aux termes duquel « toute personne prend, avec le professionnel de santé et compte tenu des informations et des préconisations qu’il lui fournit, les décisions concernant sa santé ». 

Enfin, CAP21-LRC demande solennellement aux députés et aux sénateurs d’agir en conscience et en responsabilité dans le cadre de la mission qui est la leur, à savoir, d’adopter des lois qui réalisent la synergie entre l’Utile et le Juste pour le bien commun des citoyens auxquels elles s’appliquent.

Parce qu’il constitue une atteinte inadmissible à l’État de droit, le passe vaccinal n’est ni utile, ni juste. C’est la raison pour laquelle nous appelons les députés et les sénateurs à refuser d’en voter la mise en place.

 

Corinne Lepage,

Présidente de CAP21 LRC

Pour le Bureau Politique de CAP21 LRC

Jacques Le Bris's insight:

[1] Relatif à un cadre pour la délivrance, la vérification et l’acceptation de certificats Covid-19 interopérables de vaccination, de test et de rétablissement afin de faciliter la libre circulation pendant la pandémie de Covid-19

[3] Art. 7 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques ; Art. 5 de la convention d’Oviedo pour la protection des droits de l'homme et de la dignité de l'être humain à l'égard des applications de la biologie et de la médecine ; Art. 6.1 de la Déclaration universelle sur la bioéthique et les droits de l’homme adoptée le 19 octobre 2005 ; Le Code de Nuremberg issu de la jurisprudence pénale internationale ; Art. 2, j) et article 3, d) et e) de la directive 2001/20/CE du parlement européen et du conseil du 4 avril 2001 concernant le rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des états membres relatives à l'application de bonnes pratiques cliniques dans la conduite d'essais cliniques de médicaments à usage humain ; Art. 28, h Règlement européen n°536/2014 du 16 avril 2014 ;  Art. 3.2 a) et 2 de la Charte des droits fondamentaux de l'union européenne du 7 juin 2016.

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[Chronique : "La France est-elle prête pour une révolution climatique ?" par Corinne Lepage, 16 juillet 2021]

[Chronique : "La France est-elle prête pour une révolution climatique ?" par Corinne Lepage, 16 juillet 2021] | Re Re Cap | Scoop.it
Il était nécessaire, après le vote de la loi climat qui procède non pas à un changement de degré mais à un changement de nature de l’obligation climatique européenne, de revisiter un certain nombre de textes communautaires. C’est ce qui a été fait avec la présentation par la Commission européenne de 12 directives destinées à réduire les émissions de carbone. Il ne s’agit à ce stade que de la présentation de directives nouvelles qui modifient les directives anciennes, les textes devant bien entendu être ensuite modifiés et approuvés par le Parlement européen et le Conseil. De plus, ce texte devra être suivi d’autres, en particulier sur la question de l’adaptation au dérèglement climatique ou encore celle d’une meilleure coïncidence entre politique climatique, politique de la biodiversité et santé environnementale.

Certes, les élus verts du Parlement européen ont critiqué une ambition insuffisante puisqu’ils réclamaient une réduction de 65 % et non de 55 %, des solutions prenant insuffisamment en compte la question sociale (intégration des émissions, les biocarburants, le chauffage des ménages dans le marché carbone) et surtout l’absence de remise en cause des accords de libre-échange et de la PAC telle qu’elle a été adoptée. Ces critiques sont légitimes.

Il n’en demeure pas moins que les propositions de la Commission sont déjà très ambitieuses est aujourd’hui inatteignables au plan national, ce qui explique que le gouvernement français ait fait partie des Etats qui ont pesé contre des mesures comme l’arrêt de la vente de véhicules thermiques en 2035.

Il ne s’agit pas ici de faire une revue exhaustive des 12 propositions de directives mais brièvement rappeler ce qu’elles contiennent et la capacité de la France en l’état actuel des choses à y répondre.

Ce pacte vert vise en neuf ans à réduire de 55 % des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030 par rapport à 1990, ce qui implique une baisse de près de 3 % par an des émissions cumulées des secteurs transport , bâtiment, déchets et agriculture alors que la baisse était de 0,4 % par an entre 2004 et 2019 (voir le document du réseau action climat).

Une remise à plat de la politique des quotas d’émission

Pour y parvenir, la commission propose une extension du système des quotas de carbone en donnant un prix à toute émission en l’étendant à l’aviation et à la navigation. La baisse des quotas d’émission devrait passer à 4,2 % par an au lieu de 2,2 % entraînant ainsi mécaniquement une remontée du prix de la tonne de CO2 qui a déjà augmenté de 60 % de de l’année. Pour l’aviation, ce sont les quotas gratuits qui devraient disparaître d’ici 2027 et qui devaient être appliqués au trafic maritime. Le kérosène devrait être taxé à partir de 2023.

Le débat risque d’être encore plus important en ce qui concerne la création d’un marché du carbone pour le transport routier et le chauffage des bâtiments. L’objectif est évidemment de valoriser la rénovation thermique des bâtiments et la baisse de la consommation sur l’essence et le gasoil. Le débat porte sur les conséquences sociales d’un tel marché qui pèserait bien entendu sur tous les ménages et en particulier les plus modestes. Pour répondre à cet objectif majeur qui touche non seulement à l’acceptabilité sociale de cette politique mais également à la capacité des ménages d’y faire face, la Commission propose la création d’un fonds de 145 milliards d’euros financés par les revenus de ce marché. Tout dépendra bien entendu du prix de la tonne de carbone lorsque cette réforme sera mise en œuvre mais le système de redistribution est évidemment indispensable.

La réforme envisage également la mise en place d’une taxe carbone frontière, ce qui fut réclamé depuis de longues années. Ce système serait mis en place à compter de 2026 et devrait présenter un triple avantage :

éviter les fuites de carbone liées aux délocalisations
générer des revenus
avoir une valeur d’exemple.

Sur cette politique de quotas demeure une inconnue majeure, celle de la suppression des permis alloués gratuitement. Ce système, en réalité totalement absurde, est à l’origine d’un prix très bas de la tonne de carbone et de l’inefficience du système pendant des décennies. Les grandes industries énergivores s’y opposent évidemment, cependant que les associations ont demandé la suppression du système à compter de 2023. Le sujet n’est pas tranché pourtant. Selon le WWF, entre 2013 et 2018, ces quotas gratuits ont représenté une perte de plus de 70 Mds pour l’Union européenne.

Enfin, le projet prévoit la fin de la vente de voitures et des véhicules utilitaires légers diesel essence en Europe à partir de 2035 alors que huit pays européens ont déjà pris l’engagement de le faire avant 2030. Le problème n’est pas seulement écologique, il est également industriel et c’est en réalité toute la refonte des infrastructures de l’industrie automobile qui est remise en cause. Il va de soi que ce sont ceux qui seront les premiers à être opérationnels qui seront les gagnants.

Le deuxième volet concerne les énergies renouvelables et l’efficacité énergétique

On se souvient que le volet 3 × 20 figurait dans le premier plan de 2008, lequel prévoyait une réduction de 20 % des émissions de gaz à effet de serre, une augmentation de 20 % de l’efficacité énergétique et de porter à 20 % la part des énergies renouvelables en 2020 .

S’agissant tout d’abord l’efficacité énergétique, force est de constater que la consommation d’énergie a en réalité très peu diminué au cours de la dernière décennie d’où la révision de la directive sur la performance énergétique des bâtiments et une hausse des objectifs de la directive efficacité énergétique puisque l’objectif est relevé à une baisse de 38 % d’ici 2030, baisse qui concerne le secteur public comme le secteur privé. Cela devrait représenter une obligation de rénovation de 3 % des bâtiments parents dans le secteur public.

S’agissant des énergies renouvelables, leur part passe de 32 à 40 % dans le mix énergétique de 2030.

Les forêts et les sols

La question des puits de carbone est une question essentielle car les objectifs sont fixés en réduction nette c’est-à-dire déduction faite des tonnes de carbone stocké. D’où l’importance des puits de carbone naturel qui sont constitués essentiellement par les forêts mais également par les sols à la condition que de meilleures méthodes de culture soient mises en place, ce qui n’est pas le cas dans le cadre de la politique agricole commune. L’objectif qui n’apparaît pas contraignant est fixé à 310 millions de tonnes équivalent CO2 d’ici 2030, ce qui représente la plantation d’environ 3 milliards d’arbres.

Ces objectifs sont ambitieux et se heurtent déjà à une forte opposition des lobbys mais aussi de certains Etats dont le nôtre.

Il est bien clair qu’une série de propositions qui figurent dans ces textes sont incompatibles avec nos politiques et orientations actuelles. Sans revenir sur l’arrêt Grande-Synthe qui a caractérisé l’insuffisance des mesures actuellement envisagées, il suffit de regarder la loi climat et résilience pour constater qu’elle n’est pas compatible avec ces projets.

Notre trajectoire climatique est incompatible : nous sommes aujourd’hui dans le meilleur des cas à une trajectoire qui nous amènerait entre -35 – 38 % en 2030, donc très éloignés des -55 % voire même des -50 % après redistribution de l’effort collectif entre les états membres
Nos résultats en matière d’énergie renouvelable sont dérisoires. Parmi les plus mauvais élèves de l’Europe, nous avons été incapables d’atteindre notre objectif de 23 % en 2020, nous serons incapables d’atteindre celui de -30 % a fortiori davantage en 2030. Il faudrait abandonner le tout nucléaire, qui continue à absorber l’essentiel des moyens (plus d’un milliard versé par l’État à Orano pour payer une fois de plus la dette finlandaise), conduit à multiplier les difficultés pour installer les EnR et surtout les massifier.
S’agissant de l’efficacité énergétique, la faiblesse des investissements de la rénovation des bâtiments en particulier est une évidence dans la loi climat et résilience; elle ne nous permettra évidemment pas d’atteindre les objectifs prévus s’agissant des véhicules, la loi climat fixe un objectif à 2040 alors que l’objectif communautaire est de 35%.
Enfin, en ce qui concerne la forêt, le Haut conseil pour le climat se montre particulièrement sévère sur la manière dont les tonnes de carbone économisées ont été calculées, en considérant que la gestion actuelle de la forêt ne permettait en aucune manière d’atteindre les niveaux prétendus.

Autrement dit, ces propositions ne sont qu’une pierre supplémentaire dans le jardin du gouvernement pour reprendre complètement la loi climat ou plutôt en préparer une seconde, alors même qu’un sondage récent rappelait que 60 % des Français attendent cette réforme comme la première de toutes.
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Coronavirus et pollution de l'air: le monde économique joue toujours plus avec notre santé

Coronavirus et pollution de l'air: le monde économique joue toujours plus avec notre santé | Re Re Cap | Scoop.it

Un Chinois porte un masque de protection alors qu'il passe à l'heure de pointe dans le quartier central des affaires de Pékin en Chine, le 13 février 2020.

 

La pollution atmosphérique devient le symbole de ce que nous sommes en train de vivre avec la crise du covid-19.

 

La question de la pollution de l’air, qui devrait être traitée comme un sujet de santé public majeur (48.000 morts par an en France), et qui est très généralement traitée par le mépris, revient dans le débat public comme un boomerang.

Ce sujet est très irritant, pas seulement pour les poumons et les bronches mais surtout pour les grands lobbys de la pétrochimie, de l’agriculture, de l’automobile notamment. Sans s’appesantir sur la loi sur l’air, qui va fêter ses 24 ans mais dont l’application reste à géométrie très variable, force est de constater que plan national santé/environnement après plan national santé/environnement, condamnation de la France après condamnation de la France par la justice communautaire, la progression dans la lutte contre la pollution atmosphérique reste très modeste… dans une indifférence quasi générale de la part de l’État qui, malgré le fait qu’il s’agit d’une des causes majeures de décès dans ce pays, (deux tiers du nombre des morts par le tabac qui fait l’objet de campagnes étatiques permanentes) n’agit peu ou pas.

On aurait pu penser qu’avec le Covid-19, le sujet de la pollution de l’air perdait de son intérêt. En effet, la baisse drastique de la circulation automobile et de l’activité industrielle ont effectivement réduit massivement la pollution par le dioxyde d’azote, les Nox et autres composés aromatiques polycycliques. Même si les conditions printanières, que nous vivons, ne permettent pas aujourd’hui de constater par rapport aux années précédentes une baisse significative des particules fines liée à l’augmentation du chauffage résidentiel et au maintien des activités agricoles, si on compare avec des météos similaires, nous aurions franchi les seuils de pic de pollution de nombreux jours en mars et avril. Et, de fait, des pics de pollution aux PM2.5 ont été constatés à de nombreuses reprises notamment dans la région parisienne.

 

Le court-termisme et la cupidité conduisent ceux qui portent une part de responsabilité dans les crises que nous vivons à accélérer le mouvement en se dissimulant derrière les exigences de la crise sanitaire.

 

 

Or, le sujet de la pollution de l’air devient un sujet central pour deux raisons qui conduisent à des politiques diamétralement opposées:

- les liens entre pollution atmosphérique et Covid-19 qui imposent un renforcement de la législation et surtout de son application

- les efforts massifs faits par le MEDEF, l’AFEP et divers secteurs économiques pour obtenir un abaissement des normes en lien du reste avec le lobbying pour réduire les obligations en termes climatiques, les deux sujets se croisant souvent.

Tout d’abord, les liens entre pollution atmosphérique de fond et sensibilité aux maladies à effet pulmonaire sont connus depuis des décennies. Mais il y a beaucoup plus. En effet, une série d’études récentes (Harvard, 2 études italiennes,1 étude chinoise) met en évidence les liens entre présence massive de coronavirus et pollution atmosphérique et également le rôle que les particules fines (PM10  et PM2.5) pourraient jouer dans l’exposition au coronavirus (voir également deux articles du Monde et un article du Guardian). Or, ce lien que le Conseil d’État a consacré dans l’ordonnance rendue le 20 avril 2020 met en évidence, compte tenu de l’absence de pollution habituelle, l’importance de la pollution agricole, à la fois celle des épandages, source d’ammoniac et de particules fines et celle des pesticides, le tout représentant globalement près de 30% de la pollution atmosphérique habituelle. Or, la puissance du lobby agricole est suffisamment forte pour obtenir en ces temps de coronavirus que non seulement aucune contrainte habituelle ne lui soit opposée mais encore que des dérogations massives puissent être autorisées en ce qui concerne en particulier les pesticides, contribuant ainsi à fragiliser encore davantage nos concitoyens à l’exposition au covid-19. C’est bien entendu une absurdité car le constat des liens particuliers avec le covid-19 ajouté à la catastrophe sanitaire que constitue en temps normal la pollution atmosphérique devrait conduire nos gouvernants à mettre en place des politiques drastiques. C’est bien entendu dans l’intérêt sanitaire des populations mais c’est aussi dans l’intérêt économique de la nation. Mais, visiblement, cet argument rationnel n’a pas convaincu.

Dans le même temps, les lobbys s’affairent tant auprès de la commission européenne que du gouvernement français pour prendre prétexte du covid-19 pour obtenir un allègement des normes concernant la pollution, mais aussi concernant les efforts à faire pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, les deux sujets pouvant souvent se recouper. Ainsi, le courrier adressé à Élisabeth Borne par le MEDEF comme les prises de position à l’échelle européenne des industries de l’automobile, qui sont à ce jour les positions connues, mais, il est fort à parier qu’il y en a bien d’autres, témoignent de ce qu’une partie du monde économique refuse d’admettre le rôle de la lutte contre les pollutions et en particulier la pollution atmosphérique dans la prévention sanitaire alors même que ce sujet devient central non seulement pour les politiques publiques mais également pour les entreprises privées. D’une certaine manière, une partie du monde économique est donc en train de marquer consciencieusement contre son camp, sans parler bien entendu du fait qu’il bute, et cela de manière tout à fait volontaire, contre le camp de l’intérêt général.

La pollution atmosphérique devient d’une certaine manière le symbole de ce que nous sommes en train de vivre. De même que la folie de l’humanité et l’avidité de certaines multinationales ont fait que les conséquences tragiques du dérèglement climatique sur l’arctique se traduisent par des forages pétroliers qui augmentent encore le dérèglement climatique, de même le court-termisme et la cupidité conduisent ceux qui portent une part de responsabilité dans les crises que nous vivons à accélérer le mouvement en se dissimulant derrière les exigences de la crise sanitaire! C’est tragique.

 

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    Corinne Lepage Avocate, ancienne ministre de l'Environnement, députée européenne de 2009 à 2014, Présidente de CAP21/Le Rassemblement Citoyen
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Deux associations ont déposé un recours contre la cellule Déméter

Deux associations ont déposé un recours contre la cellule Déméter | Re Re Cap | Scoop.it

Rassemblement contre la création de la cellule Déméter devant la préfecture du Morbihan, le 30 janvier 2020.

Mardi 14 avril, Pollinis et Générations futures ont déposé un recours devant le tribunal administratif de Paris pour obtenir l’annulation de la convention de partenariat entre le ministère de l’Intérieur, la FNSEA et les Jeunes Agriculteurs permettant la mise en œuvre de la cellule Déméter.

Comme Reporterre le racontait, cette cellule de renseignement est officiellement dédiée au « suivi des atteintes au monde agricole ». « Ce partenariat choquant entre la gendarmerie nationale et des organismes privés, fervents défenseurs du modèle agricole conventionnel, permet en réalité la mise en place d’un dispositif de surveillance dont les contours sont dangereusement flous », ont dénoncé les deux organisations dans un communiqué. Car la cellule permet de suivre les « actions de nature idéologique », y compris « de simples actions symboliques de dénigrement du milieu agricole » qui relèvent de la liberté de penser et d’expression.

 

Dans le recours qu’elle a déposé pour les deux associations, Me Corinne Lepage a dénoncé « l’atteinte à la liberté de communication et au secret de l’instruction et des enquêtes » ainsi que « la rupture d’égalité entre les syndicats agricoles représentatifs et la délégation grave des missions de police administrative à des acteurs privés ».

« Les activités de Générations futures et de Pollinis remettent en cause par définition les dérives des pratiques agricoles du modèle conventionnel — comme l’usage immodéré des pesticides chimiques de synthèse », ont expliqué les deux associations, qui ont estimé se trouver « menacées de délation et de mesures coercitives alors même qu’elles n’ont jamais mené d’actions violentes ou illégales ».

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Procédures contre les responsables publics : ce qui sera juridiquement possible (ou pas)

Procédures contre les responsables publics : ce qui sera juridiquement possible (ou pas) | Re Re Cap | Scoop.it

Si le moment n’est certainement pas à la recherche des responsabilités juridiques mais à celui de la gestion de la crise, les procédures se multiplient.

 

Atlantico.fr :  "L'heure n'est pas à la polémique"  et pourtant plusieurs procédures pénales ont dores et déjà été lancées contre le gouvernement. En cause, sa mauvaise gestion de l'épidémie de coronavirus. Une accusation qui, si elle planait déjà, a été aggravée par les révélations d'Agnès Buzyn la semaine dernière.

Alors que l'épidémie de coronavirus perdure, un certain de nombre de plaintes - 5 d'après le quotidien Le Monde - ont déjà été envoyées à la Cour de la justice de la République. N'est-ce pas encore trop tôt pour demander des comptes et des réparations ? 

Régis de Castelnau : Sur le plan judiciaire, ces procédures lancées exclusivement contre les ministres en saisissant la Cour de justice de la République n’ont aucun intérêt. Sur le plan médiatique, et par conséquent politique elles sont au contraire importantes et nécessaires.

Je m’explique : la gestion de la crise par le gouvernement et par l’État depuis le début du mois de janvier a été, chacun le sait bien aujourd’hui, calamiteuse. Les aveux pleurnichards d’Agnès Buzyn n’en sont finalement qu’une confirmation. Comme j’ai déjà eu l’occasion de m’en expliquer dans vos colonnes, le comportement de nos dirigeants a été marqué par l’impréparation, la désinvolture, le cynisme, et beaucoup de leurs actes relèvent de l’application du code pénal. Homicides par négligences, mise en danger délibéré de la vie d’autrui, non-assistance à personne en danger, détournement de biens (disparition des stocks de masques et de chloroquine) nous avons affaire à un véritable florilège. Mais il faut bien comprendre que ce sont toutes les chaînes de commandement de l’État qui sont impliquées. Il n’y a pas que les ministres, Jérôme Salomon par exemple est un haut fonctionnaire. Or saisir directement la Cour de Justice ce n’est viser que les ministres puisque cette juridiction est justement prévue pour les juger eux. Le directeur général de la santé relève quant à lui des tribunaux ordinaires. Le processus normal serait de saisir directement les parquets qui alors demanderaient l’ouverture d’informations judiciaires et la désignation de juges d’instruction. Si dans le cours de celle-ci apparaissent des faits susceptibles d’être reproché aux ministres, cette partie du dossier serait alors transmise à la Cour de Justice. Il y a un autre problème celui de la recevabilité des plaintes déposées en général si j’ai bien compris par des organisations syndicales ou associatives qui à mon sens n’ont pas d’intérêt pour agir en se constituant partie civile. L’article 2 du code de procédure pénale est très clair : 

«L'action civile en réparation du dommage causé par un crime, un délit ou une contravention appartient à tous ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par l'infraction. »

Ce sont donc bien les victimes ou leurs proches qui devront déposer les plaintes le moment venu. C’est-à-dire quand la justice sera en capacité de le recevoir et de les traiter.

En revanche je peux comprendre les démarches actuelles dont les médias se font l’écho. Il me semble que les principaux objectifs sont d’abord d’appeler l’attention des Français sur la responsabilité de ces politiques et fonctionnaires claquemurés dans leur sentiment d’impunité. Ensuite de faire peser sur les épaules de cette caste, le poids de ses responsabilités qu’ils exercent normalement au nom de la nation et pas au service de leur petite carrière. 

Et l’argument selon lequel il conviendrait d’attendre la fin de la crise pour faire les comptes, pour favoriser l’union nationale est une imposture. C’est au contraire le moment de dire à ceux qui nous gouvernent que nous les regardons, que nous allons faire notre devoir, mais que nous leur demanderons des comptes sur la façon dont ils ont rempli le leur. Et que dans l’appréciation, le fait qu’ils se soient ressaisis pourra être porté à leur crédit.

Donc les procédures pénales actuelles n’ont pas d’utilité judiciaire, mais elles sont un signal politique fort. Nous n’oublierons rien.

En revanche les procédures administratives qui fleurissent ces temps-ci devant Conseil d’État ont-elles, utilité immédiate. En effet il est possible de demander à la haute juridiction de délivrer des injonctions au pouvoir gouvernemental afin qu’il prenne enfin les mesures qu’impose la situation. 

 

Corinne Lepage : En effet, il sera nécessaire de comprendre ce qu'il s'est passé et de poser la question des responsabilités, mais pour l'heure il semble plus important de gérer la crise que de demander des comptes. Une fois le gros de la crise derrière nous, viendra l'heure des critiques mais aujourd'hui il faut s'assurer que toute l'attention du gouvernement est portée sur la crise sanitaire. Ils doivent pouvoir prendre les meilleures mesures possibles pour la contenir sans être gênés dans leur démarche. Ensuite, une fois l'ouragan passé, ils auront bien évidemment de nombreux comptes à rendre et ils le savent. 

A titre personnel, je me suis déjà exprimée plusieurs fois sur la gestion de l'épidémie de coronavirus, laquelle est selon moi catastrophique. Qu'il s'agisse de l'absence de masques, de gel hydroalcoolique, de gants, du peu de réactivité face aux découvertes du Professeur Raoult qui, en mon sens, auraient dû être testées plus tôt - qu'elles soient très efficaces ou non - ou encore de l'attitude laxiste face au tourisme - les touristes chinois continuaient de voyager librement en France alors que la Chine était déjà confrontée à l'épidémie. Le gouvernement a sans aucun doute tardé à réagir. 

Mais encore une fois, l'heure n'est pas encore aux explications notamment parce qu'il nous manque de nombreux éléments, lesquels sont essentiels pour déposer une plainte et lancer une procédure pénale. Aujourd'hui on sait que le gouvernement a tardé à réagir mais on ne sait pas encore pourquoi, on ne connaît pas encore les motifs de ce retard. On sait qu'Agnès Buzyn suivait la crise de près et en avait compris l'ampleur possible dès le mois de décembre mais on ne sait pas pourquoi elle n'a pas, à ce moment même, commandé des masques ou du gel hydroalcoolique. On sait qu'au mois de janvier elle a prévenu Edouard Philippe mais on ne sait pas pourquoi ce dernier n'a pas réagi, ni commandé de tests. On ne sait pas non plus pourquoi, dès janvier, des millions d'euros n'ont pas été injectés dans le système hospitalier alors que Jérôme Salomon, Edouard Philippe et Emmanuel Macron avaient, tous trois, été informés de l'ampleur possible de la crise. Or tous ces éléments sont essentiels pour lancer des procédures juridiques. En droit pénal l'élément intentionnel est crucial. Or, on ignore aujourd'hui si ce manque de réactivité découlait de choix budgétaires conscients - a-t-on préféré sauver l'économie et sacrifier des vies? - ou d'une erreur d'évaluation et sans ces éléments il est encore impossible d'incriminer qui que ce soit. Cependant, toutes ces questions seront posées et sont essentielles. Ces cas précis pourront permettre de construire, pour les crises à venir, une gestion de crise digne de ce nom. 

Une fois le gros de l'épidémie derrière, il apparaît clair que le gouvernement devra rendre des comptes. Quels hauts responsables de l'Etat risquent d'être mis en cause et par le biais de quelles procédures ?

Régis de Castelnau : Comme je viens de vous le dire, il y aura deux sortes de mis en cause susceptibles d’être poursuivi devant les juridictions pénales.

En application du principe de la séparation des pouvoirs, le juge de droit commun ne peut pas juger les ministres ayant commis des fautes pénales dans l’exercice de leurs fonctions. Il s’agit bien évidemment de fautes commises dans l’exercice précis de leurs responsabilités. Si un ministre dans une crise de colère à son domicile tue son conjoint à coups de revolver, il sera bien évidemment justiciable de la cour d’assises. En revanche si un ministre de l’intérieur participe à la décision de maintenir le premier tour d’une lecture municipale et ordonne à ses collaborateurs de l’organiser (l’organisation du scrutin est une compétence municipale exerçait au nom de l’État) malgré l’évidence du risque mortel que l’on fait courir à la population ainsi appelée aux urnes, cette violation grossière de l’article 221–6 du code pénal relèvera bien de la Cour de Justice de la république. Mais, tous les fonctionnaires de la chaîne de commandement et tous ceux qui ont été impliqués dans les fautes commises pourront voir leur responsabilité pénale recherchée devant le juge judiciaire. Et à ce stade il convient de tordre le cou à une légende selon laquelle obéir aux ordres seraient exonératoires de responsabilité pénale. L’article 28 du statut de la fonction publique prévoit effectivement un devoir d’obéissance pour le fonctionnaire, mais aussi sa contrepartie, le devoir de désobéissance. Celui-ci doit être appliqué dans le cas où l'ordre donné est manifestement illégal et de nature à compromettre gravement un intérêt public. La plupart des absurdités qui parsèment la gestion par ce gouvernement de la crise relevaient pour les fonctionnaires qui les ont accomplis du devoir de désobéissance. Ils devront donc en répondre.

Seront donc exposés au moment de la reddition pénale des comptes sur la gestion de la pandémie, les ministres et les hauts fonctionnaires.

Emmanuel Macron, le décideur final est protégé par son immunité présidentielle.

 

Corinne Lepage : Le seul qui ne risque rien, d'un point de vue juridique, c'est le Président de la République qui, sur le plan pénal, est irresponsable. Hormis Emmanuel Macron, tous les autres ministres et hauts fonctionnaires peuvent être inquiétés sur le plan juridique. Ils pourraient être poursuivis pour négligences graves ou imprudences en fonction de l'aspect intentionnel de l'infraction. Etant donné qu'il y a faute, toute procédure pénale est envisageable. 

Mais, à l'exception des poursuites pour fautes administratives - qui, selon moi, n'ont aucun intérêt puisqu'elles se retourneraient contre le contribuable - la poursuite qui me paraît avoir le plus de chance d'aboutir est celle pour omission de combattre un sinistre. En effet, l'article 223-7 du code pénal sanctionne le fait "de s’abstenir volontairement de prendre ou de provoquer les mesures permettant, sans risque pour soi ou pour les tiers, de combattre un sinistre de nature à créer un danger pour la sécurité des personnes" ce qui me paraît tout à fait de mise dans le contexte actuel. 

Mis à part cette procédure, on pourra bien sûr lancer des poursuites pour mise en danger d'autrui mais parce qu'elles exigent d'apporter quatre types de preuves cumulatives - existence d'une obligation particulière de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement ; violation manifestement délibérée de cette obligation ; exposition directe d'autrui ; existence pour autrui d'un risque immédiat de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente - la probabilité qu'elles aboutissent est plus faible.

Mais encore une fois, si ces procédures auront lieu et semblent à la fois nécessaires et inévitables, l'heure n'est pas encore aux réclamations et de nombreux éléments manquent encore. Il faudra attendre septembre et le lancement d'enquêtes parlementaires pour avoir un certain nombre de réponses et alors ces procédures pourront voir le jour. 

Risque-t-on, une fois la crise passée, de se retrouver face à un scandale qui pourrait être comparable à celui de l'affaire du sang contaminé ? 

Régis de Castelanau : La jurisprudence est pleine de décisions relatives à des gestions d’accident intervenu en matière de sécurité civile. Mais il est clair que la pandémie est une catastrophe sans précédent. Les deux seules affaires qui peuvent peu ou prou s’y rattacher sont celles de l’amiante, de la vache folle, de l’hormone de croissance et surtout du sang contaminé. Dans cette dernière, il était reproché au directeur du Centre National de Transfusion Sanguine d’avoir continué à distribuer du sang infecté par le virus du sida sans qu’il ait été chauffé au préalable, technique connue qui aurait permis d’inactiver le virus. Michel Garretta fut lourdement condamné par la juridiction correctionnelle. Mais en parallèle trois ministres dont Laurent Fabius furent jugés par la Cour de la justice de la République pour n’avoir pas mis en place suffisamment à temps une réglementation rendant obligatoire le chauffage du sang.

C’est donc dans ce cas de figure que nous nous retrouverons lorsque la justice pénale se sera emparée de la gestion de la tragédie. Les fonctionnaires et toutes les autres personnes impliquées dans les fautes pénales commises pourront être poursuivies devant le tribunal correctionnel. Les ministres et le premier d’entre eux Édouard Philippe, auront à répondre de leurs actes devant la Cour.

Quant au scandale, compte tenu de ce que l’on sait déjà, il sera sans commune mesure avec celui du sang contaminé. Et ce d’autant que si certaines infractions relèveront des atteintes involontaires à l’intégrité humaine, il y en a malheureusement d’autres qui semblent se rattacher plutôt à des comportements malhonnêtes. Il faudra que l’on sache où sont passés les stocks de masques, où sont passés les stocks de chloroquine, pourquoi l’État renoncé à faire respecter le confinement dans certaines cités. Là on parle de détournement de biens publics et de mise en danger délibéré de la vie d’autrui.

 

Corinne Lepage : L'affaire du sang contaminé a été fiasco. Laurent Fabius a été mis hors de cause, le ministre de la Santé de l'époque n'a pris qu'une petite sanction après des années de procédure et finalement, ce ne sont que quelques hauts fonctionnaires qui ont réellement été punis. L'affaire actuelle, celle de la mauvaise gestion de l'épidémie de coronavirus, comprend des points de comparaison avec l'affaire du sang contaminé mais elle reste sensiblement différente. Dans le deux cas, il y a eu un manque d'anticipation mais le scandale actuel est beaucoup plus grand. 

En outre, les points de comparaisons avec les Etats étrangers seront bien plus nombreux, et l'on remontra bien plus loin dans le temps notamment pour comprendre pourquoi le choix de ne pas renouveler les réserves de masques, de gants et de gel hydroalcoolique a été fait à plusieurs reprises. Au delà du scandale sanitaire en lui-même, c'est une affaire qui remettra également en cause les approches budgétaires à court terme qui apparaissent désormais découler d'une logique irrationnelle et catastrophique. Le bilan humain et le coût économique de cette affaire seront bien plus lourds, malheureusement, que dans le cas de l'affaire du sang contaminé. 

 

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Corinne Lepage : Avocate spécialisée en droit de l’environnement

Corinne Lepage : Avocate spécialisée en droit de l’environnement | Re Re Cap | Scoop.it

Amoco Cadiz, Erika, Xynthia.... Le nom de l’ancienne adjointe au maire de Cabourg est associé à presque toutes les grandes catastrophes naturelles ou industrielles qu’a eu à connaître la France, ces dernières années. Personne ne s’étonnera donc de le voir ressurgir à la faveur de l’accident de Lubrizol.

 

La dernière fois que son cabinet avait eu à traiter d’un dossier relatif à la Normandie, c’était celui de la ligne Serqueux-Gisors dans lequel il défend les opposants du Val d’Oise. Cette fois, l’ex-ministre de l’Environnement revient dûment mandatée par la jeune association Rouen Respire créée dans la foulée de l’incendie par un collectif de citoyens. Une arrivée en fanfare comme l’on pouvait...

 
 
 
 
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Corinne Lepage pour la hausse du prix du diesel : «Le problème des particules fines est une réalité»

Corinne Lepage pour la hausse du prix du diesel : «Le problème des particules fines est une réalité» | Re Re Cap | Scoop.it

Ministre de l’Environnement de 1995 à 1997, Corinne Lepage voit dans la taxation du diesel l’occasion pour les Français d’adopter des véhicules plus propres.

 

 

Ancienne ministre de l’Environnement, Corinne Lepage « soutient » le gouvernement dans sa volonté de rapprocher le prix du diesel de celui de l’essence.

20 % des stations-service de l’Hexagone affiche un prix du diesel supérieur à celui du gazole. Du jamais vu. Car le diesel est en grande partie responsable de la pollution aux poussières fines, les gouvernements successifs ont régulièrement revu sa fiscalité, ces dernières années, faisant monter les prix. Ministre de l’Environnement de 1995 à 1997, aujourd’hui avocate, Corinne Lepage soutient cette hausse.

 

Êtes-vous favorable à la hausse des prix du diesel ?

CORINNE LEPAGE. Je comprends très bien que ce soit désagréable pour les gens. Mais il faut que l’on sorte du diesel car le problème des particules fines est une réalité. Je soutiens le gouvernement qui a eu un vrai courage politique avec cette réforme (NDLR : rapprocher le prix du gazole à celui de l’essence) qui n’est pas populaire.

 

 

D’autant que les Français ont longtemps été incités à acheter des véhicules diesel…

 

 

C’est vrai. Je me suis d’ailleurs battue contre cela, il y a vingt ans. Et j’ai perdu. L’État encourageait alors massivement les Français à acheter du diesel car c’était aussi une manière de soutenir nos constructeurs automobiles. Aujourd’hui, il y a une responsabilité collective pour changer les choses.

 

Que faut-il faire ?

L’étape d’après, c’est d’aller vers d’autres types de véhicules. Cela peut être des voitures électriques, si elles ne sont pas fabriquées avec le nucléaire ou le pétrole, ou les voitures hybrides, qui consomment moins.

 

Laisser une voiture diesel pour investir dans un véhicule hybride ou électrique ne coûte-t-il pas trop cher ?

Il faut développer des incitations bien plus importantes. Les primes doivent être versées plus rapidement et les Français qui vivent en zone rurale doivent être, selon moi, privilégiés, en plus des critères de revenus.

 

Le dispositif de prime à la conversion ne fonctionne pas : 70 000 automobilistes attendent toujours d’être payés. L’État a-t-il les moyens d’inciter les Français à changer de véhicule ?

L’État ne prend pas ses responsabilités dans ce dossier. Le gouvernement a par ailleurs décidé d’augmenter les prix du diesel pour l’aligner sur les prix de l’essence. Il aurait pu faire l’inverse et baisser les prix à la pompe. Si ces mesures sont bonnes pour l’environnement, elles font aussi rentrer de l’argent dans les caisses de l’État.

 

LIRE AUSSI >Taxe sur le diesel : la CLCV dénonce «un matraquage contre le pouvoir d’achat»

 

Propos recueillis par Aurélie Lebelle (@AurelieLebelle)

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L’économie et l’écologie sont-elles conciliables ?

REPENSER L’ÉCONOMIE – Mettre au point une régulation adaptée, favoriser l’économie circulaire, développer la sobriété. Deux experts, Corinne Lepage avocate spécialisée dans la protection de l’environnement et Antoine Frérot, PDG de Veolia –, débattent des moyens de rendre compatibles développement économique et respect de l’environnement.

 

La Croix : Trois ans après l’accord de Paris sur le climat, la situation est-elle aussi désespérée que certains l’affirment ?

 

Corinne Lepage : Je suis juriste, pas scientifique, mais toutes les études montrent que nous connaissons une dégradation accélérée préoccupante. C’est vrai pour le climat, mais aussi pour la biodiversité et les ressources naturelles – l’eau, l’air, les sols. En 1995, lorsque j’étais ministre de l’environnement, les prévisions pessimistes évoquaient une augmentation moyenne de 1,5 °C pour 2100. La hausse atteint déjà 1,2 °C et un scénario à plus 3 °C ou 4 °C en 2100 n’est pas à exclure si l’on ne réagit pas plus et vite.

 

Pourquoi est-il si difficile d’avancer sur ce sujet ?

 

C. L. : La COP21 a été un succès de la diplomatie française. Mais pour trouver un accord entre tous les États, on a dû faire des concessions, en particulier aux pays producteurs de pétrole. Surtout, on n’a pas réussi à imposer des engagements contraignants et sanctionnés. Du coup, l’accord n’a pas été suivi d’effets suffisants car le poids des industries fossiles demeure puissant. Ajoutons les politiques à géométrie variable de certains pays comme les États-Unis de Donald Trump, sortis de l’accord de Paris.

Malgré tout, les choses bougent. Des coalitions de villes ou de régions deviennent des acteurs très actifs de la transition énergétique sur leur territoire. Des compagnies comme E.ON, Engie et Total réorientent une partie de leurs activités dans les renouvelables. Dans tous les secteurs, de la finance à l’agriculture, une nouvelle économie se met en place.

 

La mutation indispensable pour stopper le réchauffement climatique est-elle compatible avec le modèle libéral fondé sur une croissance matérielle continue ?

 

C. L. : On constate que oui dans la pratique. Prenez l’exemple du fonds souverain norvégien, l’un des plus puissants du monde grâce à l’argent du pétrole et du gaz. Il s’inscrit pleinement dans le système capitaliste et passe pourtant pour l’un des plus vertueux par ses choix d’investissements non productivistes. On peut aussi évoquer les fondations qui permettent aux entreprises de travailler avec ce que l’on appelle une « finance patiente ».

Une chose est sûre : parler de croissance infinie est une aberration puisque les ressources de la planète sont limitées. De même, prôner la décroissance à l’échelle planétaire me paraît compliqué alors que la population mondiale ne cesse d’augmenter – de 7,5 milliards aujourd’hui à 10 milliards en 2050 – et que les pays du Sud ont des besoins colossaux.

 

Les entreprises ont-elles suffisamment pris conscience de leurs responsabilités sociétale et environnementale ?

 

C. L. : C’est vrai, beaucoup d’entreprises ont évolué. On peut citer en exemple le Mouvement des entrepreneurs de la nouvelle économie, créé en 2015, qui rassemble plus de 10 000 PME, start-up ou entrepreneurs individuels, de tous les secteurs participant à l’économie verte.

Pour les grandes entreprises, la situation dépend beaucoup de la structure et des exigences de leur actionnariat qui leur permet, ou non, de s’inscrire dans le long terme.

Certaines ont encore des comportements indécents – le pétrolier Exxon, par exemple, qui a financé pendant des années des études niant le changement climatique, ou l’agrochimiste Monsanto mis en cause dans de nombreux procès.

Mais pour nombre d’entre elles, la responsabilité sociétale des entreprises est une préoccupation croissante.

 

Beaucoup de secteurs – automobile, banques, énergie, agroalimentaire, chimie – sont encore des freins au changement. Comment les faire bouger : par la réglementation ou la responsabilisation ?

 

C. L. : L’appel à la responsabilité, ça ne marche pas. Les deux choses qui marchent sont la responsabilité personnelle et le porte-monnaie. Quand les dirigeants doivent répondre d’agissements fautifs, ils font plus attention. Et quand on touche au porte-monnaie d’une entreprise, elle change.

Il y a plusieurs manières de s’y prendre. D’abord, par l’angle des consommateurs, via les campagnes de boycott – interdites en Europe –, les actions de classe devant la justice – aux États-Unis, c’est très efficace – ou le « name and shame » qui consiste à pointer du doigt publiquement celles qui se comportent mal.

La deuxième méthode appelée « internalisation des coûts externes » dépend de l’État. Concrètement, il s’agit d’intégrer dans le prix d’un produit ce qu’il coûte vraiment à la société. On peut citer en exemple la taxe carbone.

Enfin, la troisième manière est de faire payer aux responsables les dommages qu’ils ont créés, ce qui est très difficile en Europe parce que la charge de la preuve repose principalement sur la victime, alors que le système judiciaire américain s’y prête beaucoup mieux.

 

L’urgence appelle des solutions radicales, mais le pragmatisme incite à mener une politique du pas à pas. À quel rythme avancer ?

 

C. L. : Les petits pas ne suffisent pas même si c’est toujours mieux que les pas en arrière. Ce qu’il faut, c’est définir un objectif politique et fixer, étape par étape, le calendrier pour y parvenir en se dotant des moyens nécessaires pour s’adapter et rendre le changement acceptable.

 

Les citoyens sont-ils prêts à changer de mode de vie ?

 

C. L. : Oui, si l’on rend les choses possibles, financièrement, techniquement et culturellement. La France compte 8 millions de pauvres. Comment leur demander de consommer des produits bio s’ils ne peuvent pas se les payer ? Le bio devrait être moins cher que l’agriculture conventionnelle qui est beaucoup plus subventionnée. De même, il faut mettre à disposition des solutions techniques simples et efficaces. En zone rurale, qui va acheter une voiture électrique à faible autonomie ? Enfin, il faut changer les imaginaires d’une société où l’idéal est de consommer toujours plus. L’écologie politique doit apprendre à vendre non pas du « moins », mais du « mieux ».

 

(...)

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Déshabillons-Les : Glyphosate : " Une affaire qui est très mal passée dans l'opinion publique "

Pour A. Champremier-Trigano « Quand Nicolas Hulot marque des points, il n’est pas capable de l’exprimer, quand il en perd, il s’en réjouit »

Star du gouvernement à son arrivée, les débuts de Nicolas Hulot au ministère de la Transition et de l’écologie suscitaient des espoirs et très vite des interrogations sur sa capacité à porter ses convictions. Sur le renoncement à la construction d’un aéroport à Notre-Dame-des-Landes, le ministre s’est clairement effacé alors que la décision du gouvernement aurait pu être sa victoire. Concernant l’interdiction du glyphosate, après s’être défendu auprès d’agriculteurs en colère sur les Champs-Élysées, il a plutôt donné l’impression d’ « avaler une couleuvre » lorsque le gouvernement a décidé de ne pas inscrire le pesticide dans la loi Agriculture et Alimentation. Autant de revers qui semblent affaiblir le ministre et qui interrogent sur ses compétences. Retour sur l’année politique de Nicolas Hulot et sa communication sur ces dossiers épineux.  

Par Prescillia Michel
5mn

Notre-Dame-des-Landes : une victoire « très » discrète pour Nicolas Hulot

Le 17 janvier dernier, Édouard Philippe annonce l’abandon du projet de construction d’un aéroport à Notre-Dame-des-Landes. Cette décision aurait dû être une victoire pour le ministre de l’écologie qui s’est toujours battu contre ce projet. Pourtant, il ne la revendique pas pour autant, se disant même dans les médias, « effacé » sur le dossier.

AFP

Pour Corinne Lepage, ancienne ministre de l’environnement, « il n’est pas là pour défendre sa vision mais pour défendre l’environnement » sur ce projet, c’est son rôle de ministre.
Pour elle, son absence au moment des débats puis sa réaction lors de l’abandon du projet révèlent les difficultés de Nicolas Hulot à être membre du gouvernement.

Un point de vue partagé par le communicant Arnauld Champremier-Trigano. Dans ce dossier, « Nicolas Hulot fait la démonstration qu’il n’est pas fait pour ce poste. Il n’en a ni les codes, ni les envies, ni les réflexes ».
Une communication qui tranche avec celle du Premier ministre, que le communicant salue : « lui n’a pas fait de la novlangue politique mais a assumé les mots abandon et renoncement ».
D’autant plus que, selon l’hypothèse de Corinne Lepage : « ce ne sont pas les raisons environnementales qui ont été mises en avant dans la décision de l’abandon du projet. Ce sont plutôt les raisons économiques ».
Le rôle de ministre de la Transition écologique n’a donc été ni visible sur ce dossier, ni décisif pour la cause environnementale.

Glyphosate : « Nicolas Hulot perd un point et il s’en réjouit »

Si Nicolas Hulot ne sait pas revendiquer ses victoires, visiblement il ne sait pas revendiquer non plus ses défaites. Exemple avec le glyphosate. L’interdiction de ce pesticide sous 3 ans n’a pas été inscrite dans la loi Agriculture et Alimentation votée le 29 mai dernier. Pourtant, selon Nicolas Hulot, « l’objectif n’est pas remis en cause ».

PUBLIC SENAT

Pour Corinne Lepage, le ministre se voile la face quand il affirme « l’objectif n’a pas changé, ce sera toujours interdit dans trois ans ». Car pour elle, si cela avait été l’objectif de la majorité, « il serait inscrit dans la loi ».
De plus, l’ancienne ministre explique : « Si vous ne mettez pas un point dans la loi, vous pouvez être sûrs que ce n’est pas appliqué du tout ».

Arnauld Champremier-Trigano ajoute : Nicolas Hulot « perd le point et pourtant il s’en réjouit ».
Sur ce dossier, il avait deux solutions qui s’offraient à lui, comme le souligne le fondateur de l’agence Faubourg :

« Soit on se dit, il colle au gouvernement, au président et au Premier ministre en épousant ce qui a été décidé. Soit, et moi c’est plutôt l’impression que j’ai, comme on lui a oralement promis l’interdiction du glyphosate, pour lui c’est pareil ».

L’excès de confiance affiché par le ministre sur un engagement moral « n’est donc pas le fait d’un homme politique » assure le communicant.
Sur ces deux dossiers, Nicolas Hulot ne recueille donc pas le soutien de l’opinion publique, comme le souligne Gaël Sliman de l’institut Odoxa.
Si les Français doutent, le ministre se pose également des questions sur son avenir au gouvernement. L’heure du bilan viendra « cet été », échéance fixée par Nicolas Hulot à maintes reprises dans les médias.

Retrouvez l’intégralité de l’émission Déshabillons-Les, Hulot : le dur métier de ministre, samedi 23 juin à 15h sur Public Sénat.

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Le prix du nucléaire

Le prix du nucléaire | Re Re Cap | Scoop.it
Cœur du réacteur nucléaire déconnecté de l'Unité 1, contenant l'uranium combustible au fond de la piscine, à la centrale nucléaire de Civaux, dans la Vienne, le 25 avril 2016, lors d'une visite de contrôle Crédits : Guillaume Souvant - AFP

 

LE PODCAST :

https://www.franceculture.fr/player/export-reecouter?content=6be6ead2-7f55-473b-a5e1-e39fe0049545

 

 

Troisième jour de notre série consacrée à l’énergie. Hier, nous avons mesuré les enjeux stratégiques des ressources et de l’énergie en général sur la scène internationale. Aujourd’hui, c’est le secteur particulier du nucléaire qui va nous occuper. Si le pétrole est connu pour être le produit le plus ‘conflictogène’, le nucléaire peut se targuer d’être le plus polémique et le plus clivant. Il faut dire qu’il centralise les grands arbitrages énergétiques que devront faire les Etats, dans les prochaines années. Alors en sortir ou ne pas en sortir ? Voilà une question épineuse, qui irradie la sphère publique et s’invite dans les débats, lors de chaque élection. Mais en amont des décisions politiques, se pose la question de l’évaluation globale des effets réels du nucléaire et de son prix. Son prix tout court - dont le calcul est bien périlleux - mais aussi son coût écologique, social et sanitaire… Derrière le nucléaire, se trouve enfouie la question de notre responsabilité et de capacité politique à penser un avenir lointain...

"Oui, la question des déchets produits est une des externalités négatives. Mais le nucléaire est une industrie qui ne pollue pas pas l'air, ne rejette ni particules fines, ni polluants atmosphériques, contrairement au charbon." (Valérie Faudon)

"Quand on autorise une centrale nucléaire à fonctionner, on l'autorise à éliminer des rejets radioactifs et chimiques dans l'air et dans l'eau. Non, une centrale nucléaire n'est pas toute propre." (Corinne Lepage)

Références sonores : 

  • Quantic, "Time Is The Enemy", extrait de l'album The 5th Exotic, Tru Thoughts, 2001 (générique)
  • Jean Debiesse, alors directeur du Centre d'études nucléaires de Saclay, dans une archive du 16 novembre 1961
  • Elton Britt, "Uranium Fever", 1955
  • Dick Thornburgh, gouverneur de Pennsylvanie, annonce des mesures d’urgence suite à un incident nucléaire en 1974
  • L’économiste Patrick Criqui, dans Cultures Mondes sur France Culture le 23 novembre 2016. 
  • Yom & The Wonder Rabbis, "Picnic in Tchernobyl", extrait de l'album With Love, 2011
 
 

Les Nouvelles de l'éco

Le fantôme de l'atome
 
 

Intervenants

  • Déléguée générale de la Société française d’énergie nucléaire (SFEN)
  • Avocate, présidente de CAP21/Le Rassemblement Citoyen
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Corinne Lepage : Une femme en avance

Corinne Lepage : Une femme en avance | Re Re Cap | Scoop.it

INFLUENCEUR. Après avoir lutté toute sa vie en faveur d’un développement véritablement durable, Corinne Lepage s’inscrit aujourd’hui comme une référence en matière d’écologie. Portrait d’une militante libre, pragmatique et pionnière du droit de l’environnement en France.

Ce qui fait la force de cette écologiste de la première heure ? Sa liberté, son indépendance et sa lucidité. Dès le début des années 1970, alors que la protection de l’environnement n’intéresse ni la sphère économique ni l’univers politique, l’avocate en est convaincue : l’écologie sera le grand sujet du XXIe siècle. À l’initiative de l’un des premiers cabinets dédiés au droit public, Corinne Lepage s’inscrit au fur et à mesure de sa carrière comme la référence en matière de protection de l’environnement, jusqu’à devenir la bête noire des lobbies automobiles et nucléaires. « Nous sommes passés en quelques années de la simple nuisance locale à un enjeu sanitaire mondial et irréversible », alerte l’experte engagée en politique depuis les années 1980.

Porter des idées

« Le but n’était pas forcément d’être élue, mais de porter des idées », raconte celle qui a toujours milité en faveur d’une écologie pragmatique, résolument ancrée dans le réel. Devenue adjointe au maire de Cabourg, elle est choisie par Alain Juppé pour prendre la tête du ministère de l’Environnement en 1995. « Il s’agissait à l’époque d’un petit portefeuille ministériel, se souvient l’avocate. Rien à voir avec aujourd’hui. » 

Dès le début des années 1970,  l’avocate en est convaincue : l’écologie sera le grand sujet du XXIe siècle. 

Un an après son arrivée au gouvernement, Corinne Lepage fait voter la première loi sur l’air. Un texte visant à prévenir et lutter contre la pollution atmosphérique —  prévoyant notamment la possibilité d’instaurer une circulation alternée dans certaines agglomérations en cas de pic de pollution —, qui mettra plus de vingt ans à être appliqué. En cause : le manque de « détermination » de son successeur Dominique Voynet, et la pression des lobbies automobiles, « qui ne veulent pas entendre parler de protection de l’air ». Pas question pour autant d’y voir un échec. « C’est simplement une grande perte de temps », estime celle qui, consciente des limites de l’action gouvernementale, depuis 1996, multiplie les « fronts d’action » au sein de la société civile.

« Changer nos priorités »

Présidente du Criigren (comité de recherche et d’information indépendante sur le génie génétique), du parti politique Cap 21 ou encore du think tank « 2 degrees investing »… Corinne Lepage travaille, bouscule, interpelle, jusqu’à plaider en faveur d’un « new deal écologique » en 2006. En l’espace de 15 ans, elle aura porté au total près de 500 propositions économiques en faveur de la protection de l’environnement.

Corinne Lepage travaille, bouscule, interpelle, jusqu’à plaider en faveur d’un « new deal écologique » en 2006

Son souhait pour l’avenir ? Que nous arrivions collectivement à « changer nos priorités » et à « compter autrement »« Il faut arrêter de calculer la croissance en fonction du PNB », estime cette ancienne proche de François Bayrou, qui a très vite apporté son soutien à Emmanuel Macron. Et si elle reconnaît à son ministre de la transition écologique et solidaire, Nicolas Hulot, les qualités d’un « homme sincère et authentique », elle craint que son champ d’action soit limité. « Il ne s’engage que sur du long terme, or nous avons besoin d’actions immédiates », alerte-t-elle. Fière des combats remportés, mais consciente qu’il reste encore beaucoup à faire pour un développement véritablement durable, l’avocate s’emploie dorénavant à « passer le relais ». Humble et optimiste, Corinne Lepage le sait : elle n’a plus rien à prouver, mais tout à transmettre. 

 

@CapucineCoquand

 

Sa plus grande fierté ? Lorsqu’en 1996, alors ministre de l’Écologie, elle refuse de signer le décret d’autorisation de redémarrage du réacteur nucléaire de Creys-Malville en raison d’irrégularités juridiques. « J’ai tenu bon » se souvient celle qui ne craint ni les critiques ni les attaques. 

 

Déclaration universelle des droits de l’humanité - Charte pilotée par Corinne Lepage en 2015 qui comprend quatre grands principes : la responsabilité, la dignité, l’équité intergénérationnelle et la continuité de l’espèce humaine et qui a vocation à être signée à la fois par les États et par les entreprises. 

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Compte-rendu des Rencontres de France Audacieuse autour de Corinne Lepage

Compte-rendu des Rencontres de France Audacieuse autour de Corinne Lepage | Re Re Cap | Scoop.it

Corinne Lepage et Alexia Germont

 

France Audacieuse : "Compte-rendu des Rencontres de France Audacieuse autour de Corinne Lepage"

 

Première édition des Rencontres de France Audacieuse avec Madame Corinne Lepage, Avocate, ancienne ministre, ancienne députée européenne, autour du thème « Industrie et Développement Durable », le 28 septembre 2017, en partenariat avec la Société d’Encouragement pour l’Industrie Nationale.

 

La Rencontre est accueillie par Olivier Mousson, Président de la Société d’Encouragement pour l’Industrie Nationale, association créée en 1801 par Bonaparte et première association reconnue d’utilité publique.Il évoque les valeurs communes de la Société d’Encouragement pour l’Industrie Nationale avec  France Audacieuse et sa Présidente fondatrice, Alexia Germont, à savoir notamment mettre en avant en Europe, le développement de l’économie durable. Il souhaite, avec France Audacieuse, faire de l’Hôtel de l’Industrie, un hub pour tous les Think Tanks qui partagent ces  idées communes. Le thème de la conférence de ce soir correspond bien à l’esprit de la Société d’Encouragement de l’Industrie Nationale : l’industrie en 1801 désignait l’ensemble des activités économiques donc non seulement l’industrie manufacturière mais également l’agriculture, la finance, le commerce, c’est-à-dire le développement durable.

 

Alexia Germont introduit le débat en présentant Corinne Lepage, première invitée de France Audacieuse, dans ces Rencontres : Corinne Lepage est Audacieuse, libre et compétente, à l’avant-garde des combats d’idées. Il était tout naturel qu’elle fût la première invitée des Rencontres de France Audacieuse. Think Tank indépendant créé fin 2016, France Audacieuse est un laboratoire d’idées, libre dans le ton, regroupant des personnalités issues de la société civile, légitimes par leurs parcours et leurs compétences et sans attaches dogmatiques. Association à but non lucratif effectuant un travail de pédagogie auprès du plus grand nombre, France Audacieuse vise à faire entendre les propositions de la société civile dans le débat démocratique autour de deux axes phares :

  • un pilier « Economie » traitant essentiellement de la richesse produite au travers des sujets économiques, bancaires, financiers et juridiques. L’innovation et l’entrepreneuriat sont au cœur de ses préoccupations.
  • un pilier « Organisation Sociétale » couvrant les politiques de santé, les nouvelles technologies, l’environnement, la Défense (y compris la lutte contre le terrorisme), la culture, le sport et la cohésion sociale.

France Audacieuse regroupe aujourd’hui 20 contributeurs, a déjà produit plus de 100 publications et a rassemblé plus de 100 000 visiteurs uniques et 420 000 visites de son site internet.

 

Ouverture du débat

Alexia Germont : J’ai deux questions introductives : 1/ À quel moment en France situez-vous le passage de l’écologie politique et militante à l’écologie inclusive et transversale ? 2/ Et pourriez-vous brosser les grands enjeux du développement durable ?

Corinne Lepage:

Pour le premier point : C’est lié au changement de nature  des problèmes auxquels nous sommes confrontés. Il y a quatre décennies, parler d’environnement, c’était parler de pollution locale, de Nature, de problèmes de pollution réversibles et qui concernaient peu de personnes. Aujourd’hui les questions auxquelles nous sommes confrontés sont d’une nature totalement différente car il s’agit de l’insertion de l’espèce humaine dans le monde qui l’entoure. Le passage à une nouvelle ère fait que nous avons bouleversé les mécanismes et les équilibres de la planète : or la planète peut se sauver toute seule, sans nous, le sujet c’est la survie de l’Homme. C’est de savoir comment nous faisons face aux problèmes auxquels nous sommes confrontés.

Pour le second point : La question des grands enjeux du développement durable, c’est est-on capable de faire un modèle de développement économique pour faire vivre une humanité de 9 milliards de personnes? Il y a quelques décennies nous étions 3 milliards d’êtres humains, nous sommes à présent 7 milliards et demi et nous sommes partis pour 9 milliards. Comment faire vivre 9 milliards d’être humains avec les impacts croissants sur ce qui les entoure ? Et ce n’est pas seulement la question du climat. Ce problème du changement climatique est lié aux autres problèmes, aux autres bouleversements : les problèmes liés à la perte de biodiversité qui rompt les équilibres, les problèmes liés aux questions de santé environnementale, tout est lié. Nous sommes en face d’un enjeu colossal : dans un temps court il faut transformer le modèle économique pour continuer d’avoir un développement économique et sans que l’espèce humaine disparaisse. L’enjeu est là. Et ce n’est pas un problème de pays riches non plus. Car l’inégalité s’ajoute à l’inégalité, et les pays pauvres sont les premières victimes alors qu’ils sont les moins responsables. Par exemple, les habitants des îles Vanuatu qui vont disparaître, ou les Lapons qui vivent dans les zones les plus polluées du monde, sont les premières victimes. Les plus demandeurs sont les pays du Sud, pas les pays du Nord.

 

I/ Les constats

Alexia Germont : Une fois le débat posé en matière d’enjeux de développement durable, arrêtons-nous rapidement sur les constats. Dans un premier temps, il convient de faire une mise en perspective du poids de l’industrie dans l’économie française. Quelques repères : une étude du Cercle de l’Industrie présidé par Philippe Varin a été présentée juste avant les élections présidentielles. Il en ressort les quelques chiffres suivants : décrochage de l’industrie en France qui est aujourd’hui à 12,5 % du PIB contre 16,5 % en 2000, alors qu’en Allemagne l’industrie représente encore environ 23 % du PIB ; destruction du quart des emplois sur les 10 dernières années : elle emploie encore 2,7 millions de salariés directs hors intérim, et cela concerne 235.000 entreprises industrielles. Une fois ces balises posées comment, dans votre expérience, l’industrie manufacturière appréhende-t-elle les enjeux de développement durable ?

 

Corinne Lepage : Nous sommes assez fascinés par ce que Jeremy Rifkin appelle l’âge de l’accès. Le passage à ce qu’on appelle une économie de fonctionnalité. Vous n’achetez plus un produit, mais un service qui est l’utilisation de ce produit. La création de valeur se fait sur l’usage mais on a oublié que pour faire l’usage,  il faut le produit, et il faut le fabriquer. Les Français et les Anglais ont fait l’erreur de l’oublier. Ensuite, on avait des industries assez traditionnelles dans certains secteurs comme l’aciérie et qui n’ont pas toujours su prendre le tournant comme le montre l’exemple d’Arcelor. Progressivement, on a perdu notre base de départ qui était l’acier. Et on a eu du mal à se mettre dans le train de la transformation du 21e siècle. Avec une deuxième difficulté : en France, nous avons de très grands groupes, on a des startups et des PME mais on ne fait pas des ETI. On a aussi beaucoup de mal à renouveler le tissu industriel: la quasi totalité du CAC 40 n’a pas changé depuis 30 ans, à la différence de la situation aux Etats-Unis. Par ailleurs, une entreprise, au sens réel, a pour but de durer. Et pour cela il faut qu’elle soit durable : il lui faut avoir une conception  de son mode de fabrication, de son produit, de son marché qui lui permette de durer, or nous sommes dans un monde nouveau avec de nouveaux critères. Un juge australien vient de condamner une entreprise pour n’avoir pas suffisamment intégré l’action climatique dans ses modalités d’action: cela revient à considérer cette attitude comme une faute de gestion. Il faut donc prendre en compte les matières premières, l’action sociale dans le développement durable. Il y a 3 pieds en interaction dans le développement durable : l’économique, le social, l’environnemental. Donc l’entreprise qui se veut durable va forcément s’intégrer dans le développement durable, ce qui veut dire par exemple des rapports aux salariés différents, l’économie circulaire, l’innovation salariale avec des microstructures dans l’entreprise. La pression se fait dans ce sens là et quand ce n’est pas fait dans ce sens alors l’écologie est punitive.

 

Alexia Germont : Mais il serait réducteur de n’évoquer que l’industrie traditionnelle sans s’arrêter avec vous sur l’industrie énergétique. Quelques repères : 5 entreprises du secteur de l’énergie sont dans le CAC 40 ; cela représente 136.000 emplois soit 0.6% de l’emploi industriel total en 2012 et 2% de la valeur ajoutée en France. Une fois ces balises posées comment, dans votre expérience, l’industrie énergétique appréhende-t-elle les enjeux de développement durable ?

 

Corinne Lepage : Elle est bien obligée de les appréhender. C’est un sujet colossal car l’énergie est au cœur de toute l’économie. Nous vivons une révolution énergétique en rythme accéléré. Ce qui était hyper subventionné est devenu hyper rentable. Le photovoltaïque connaît une deuxième baisse des prix de 70 % en cinq ans. Pour les centrales électriques les plus développées, l’électricité sort à 3 centimes du kWh, l’éolien sort à 7 centimes, le vieux nucléaire à 5/6centimes, le nouveau à 12 centimes, l’éolien terrestre à 6/7centimes, l’éolien maritime est maintenant à 7 centimes. En Europe, on a des pays avec plus de 50 % du renouvelable dans le bouquet énergétique. C’est une transformation complète. Là les sortants sont ceux qui promeuvent les vieilles énergies. Et ils ne veulent pas sortir du marché. Le charbon, l’énergie la plus contributrice en gaz à effets de serre, baisse en consommation. La Chine est championne à présent du renouvelable. Et il y a une pression des O.N.G. pour ne plus financer des centrales à charbon en Chine ou ailleurs. Car ce n’est pas une pollution qui reste locale. Pour le pétrole : on s’est bien trompé. On pensait qu’il n’y en aurait plus, or il y en a toujours. Et si on veut en rester à 2 degrés, il faudrait laisser 60 % des hydrocarbures dans le sous-sol. On n’est pas parti pour, d’autant qu’on cherche maintenant des pétroles non conventionnels, très émetteurs de gaz à effets de serre. Les Accords de Paris c’est bien, mais il n’y a rien d’obligatoire et les problèmes d’argent ne sont pas réglés. Le fond vert n’est pas alimenté et qu’en est-il des pays pétroliers qui veulent être indemnisés alors que les victimes pensent que ces pays devraient être les payeurs, car étant les principaux responsables. Et l’effet prix (il avait considérablement monté) n’a pas joué car les États-Unis ont développé des gaz et pétrole de schiste et l’Arabie Saoudite a cassé le marché en augmentant sa production : tous les Etats producteurs ont vu leur rente pétrolière divisée par trois. En face il y a le bouleversement du nucléaire : il a représenté 2 % de la consommation électrique mondiale en 2016. Nous sommes le seul pays au monde à croire que c’est l’énergie d’avenir. Les autres n’en font plus car ce n’est pas rentable et c’est plus cher que le renouvelable. La Caroline du Sud a ainsi arrêté cet été le chantier de deux réacteurs.

Il y a la question du stockage de l’électricité : le jour où on trouve la solution technique et pas trop chère, il n’y aura plus de problème d’intermittence de l’énergie renouvelable et tout le reste sera mort. Et il y a une chose très intéressante qui se passe en Afrique : on voit sur l’énergie la même chose que ce qui se passe pour le téléphone. 4 milliards d’Africains ont un portable. Les pays du Sud ont ainsi économisé tous les investissements en infrastructures lourdes pour le téléphone fixe, et pour l’électricité c’est la même chose: ils pourront avoir directement une électricité décentralisée solaire pour permettre au particulier d’alimenter le portable.

 

Alexia Germont : Le panorama ne serait pas complet si l’on n’évoquait pas l’industrie financière ; le terme exact devrait plutôt être les services bancaires et financiers, y compris assurance. Quelques repères à avoir en tête : le poids de l’économie du secteur bancaire et financier se monte à 4,6% du PIB contre 4,9% pour la moyenne européenne ; le secteur bancaire emploie environ 400.000 personnes, c’est l’un des premiers employeurs privés en France ; l’activité du secteur pèse 3% du PIB en 2011 contre 2,4% en 2008 au plus gros de la crise. De votre expérience, l’industrie bancaire et financière intègre-t-elle les enjeux de développement durable ? Et si oui de quelle façon ?

 

Corinne Lepage : Je ferais une différence dans l’approche entre l’assurance et la banque. L’assurance prend «plein pot » les questions dont nous avons parlé. Le coût des catastrophes naturelles a augmenté d’un facteur dix en l’espace de 10 à 12 ans ce qui a amené un assureur à déclarer « je ne sais pas assurer un monde où l’augmentation de la température dépasse deux degrés« . Tout le système en matière d’assurances, qui est basé sur l’aléa, est remis en cause par l’augmentation croissante des catastrophes naturelles qui ne pourront plus être couvertes. Par exemple le littoral : la couverture assurancielle ne couvre plus les maisons au-delà de trois inondations. On est alors obligé de vendre la maison qui ne vaut plus rien car elle n’est plus assurable. A partir de l’assurance, on repose la question du modèle et de son changement. Les assureurs sont plutôt des alliés du changement de mentalité et de modèle de développement, car leur propre modèle ne marche plus.

La banque, ce n’est pas tout à fait pareil mais elle se transforme. Longtemps la banque a plutôt financé des activités conventionnelles, considérées comme plus rentables. J’ouvre une parenthèse : nous avons un système économique, comptes publics et comptes privés, qui est borgne, car le système ne prend en compte que les flux et pas les stocks. Quand vous imaginez faire de la création de valeur en augmentant les flux et détruisant les stocks, cela pose un problème ; il est évident que nous allons devoir aller vers l’internalisation des coûts externes, c’est à dire prendre en compte les coûts portés aux stocks. Le système de PNB, par exemple, qui est uniquement un système de flux est absurde car une tempête augmente le PNB alors même que le patrimoine baisse. Or tant qu’il n’y a pas de système d’internalisation des coûts, il y aura un problème car les secteurs de la banque et la finance ne peuvent pas eux-mêmes intégrer ces coûts quand le système ne les intègre pas. Par ailleurs, en ce qui concerne la question climatique, les choses ont commencé à changer très sérieusement quand les banques ont compris que financièrement cela devenait dangereux : une entreprise qui ne prend pas en compte son risque climat, s’expose et son équilibre financier peut être menacé. Le risque doit donc être pris en compte dans sa stratégie tant économique que financière. Le monde de la finance commence à s’intéresser à ces questions. Et des instruments spécifiques sont en train d’être inventés. Par exemple les Green Bonds, nouvel outil financier qui existe depuis trois ans.

 

Questions de la salle

Éric Thuillier, Délégué Général du Pacte Civique : Je n’ai pas entendu le mot de sobriété. Or il semble au Pacte Civique que ce serait une vertu qui pourrait aider à résoudre le problème qui se pose. Quel serait l’impact d’une industrie qui serait sobre ?

Corinne Lepage : Oui la sobriété est importante. En même temps que l’on dit cela,  on vit une révolution digitale or pour l’emploi c’est terrifiant. Et maintenant des métiers plus qualifiés sont touchés aussi, le droit, la santé, et d’autres  transformations s’annoncent avec la disparition de la monnaie. Comment faire pour marier les deux, la sobriété qui est indispensable – depuis le mois d’août de cette année, on vit à crédit- et la révolution numérique, avec la restriction de l’emploi : on a tout sur le dos en même temps.

 

Catherine Kratz, Avocate : Il s’agit plutôt d’une remarque concernant l’industrie pétrolière qui s’engagerait dans une voie optimiste en terme d’environnement, en pensant que l’adaptation serait possible.

Corinne Lepage : Les pétroliers ont d’abord payé des scientifiques pour dire qu’il n’y a pas de changement climatique puis ils ont dit que ce n’était pas la faute de l’Homme. Mais pendant ce temps ils ont aussi investi dans les nouvelles énergies par exemple Total investit dans une centrale solaire du Texas, le but était de gagner du temps.

 

Richard Deville, Centre des Professions Financières : Quel est l’impact sur l’environnement, d’Internet, des batteries au lithium, de l’énergie consommée pour transporter et stocker les données ?

Corinne Lepage : L’énergie utilisée par Internet représente 7 % des gaz à effet de serre, plus que l’aviation civile. Aujourd’hui il y a des Data Centers qui réutilisent la chaleur qu’ils produisent pour chauffer les habitations.

 

Stéphane Brabant, Avocat : Les principes directeurs de l’ONU, appuyés par d’autres textes comme la Directive 2014 sur l’évaluation environnementale, ne démontrent-ils pas qu’il devient obligatoire pour les entreprises de s’impliquer ? Que ce n’est plus du droit souple ?

Corinne Lepage : Je faisais partie de ceux qui étaient contre le droit « mou » considérant que c’était de la communication. Mais progressivement on va vers un monde où les juges pensent qu’une charte est un droit très dur car elle engage. Par exemple, dans le dossier Erika, la Cour de cassation a considéré que le fait que Total  n’ait pas respecté ses propres règles de contrôle était la preuve de sa négligence grave. Et dans la justice climatique, on voit des citoyens saisir des juges pour faire condamner des États et les contraindre à aller dans la direction des accords de Paris. Je travaille depuis 2 ans et demi à l’adoption d’une déclaration universelle des droits de l’Humanité. Aujourd’hui, elle a été signée par des ONG, des institutions, des villes, des régions, un État et elle a été adressée en avril 2016 par la France à l’ONU. Son adoption, si elle intervenait, serait une forme d’engagement à faire. Donc on va vers un monde où d’un côté le politique est frileux, et de l’autre la société civile avec les juges, est en train de construire autre chose.

 

Danielle Nocher, Valeurs Vertes : Ne pensez-vous pas que le développement durable est devenu un facteur d’innovation technologique et social et que peut faire l’Europe pour aider le mouvement?

Corinne Lepage : Il y a des innovations formidables dans tous les domaines : par exemple, le bio mimétisme, c’est à dire imiter ce que la Nature a su faire – ainsi le Kevlar a été pensé à partir de la toile d’araignée- on peut donc inventer de nouveaux produits et de nouveaux process ; ou bien l’économie circulaire.

 

II/ Les pistes de réflexion pour faire avancer les objectifs de développement durable

 

Alexia Germont rappelle qu’en 2015, le Rapport sur le Nouveau Monde commandé par les pouvoirs publics, a été remis par Corinne Lepage à Madame Ségolène Royal, Ministre de l’Environnement, du développement durable et de l’Energie et lui demande d’en partager la synthèse.

 

Corinne Lepage : On a fait le constat que les réussites citoyennes, entrepreneuriales, territoriales se multiplient; en les regroupant à grande échelle, un nouveau modèle économique est possible mais la bascule n’a pas encore eu lieu. On a réfléchi à ce qui bloquait : on est incapable de faire la massification de ce qui marche. Comment faire pour massifier, développer les bonnes pratiques ? Ce type de réflexion est transverse. 100 propositions ont été faites dans ce rapport : 80 concernent l’Etat et 20 concernent les autres acteurs, et parmi ces dernières propositions, il y a en une qui était de constituer une organisation d’entreprises d’une dizaine de secteurs très divers, avec beaucoup de grosses fédérations pour s’adresser à 8 à 10000 entreprises, il s’agit du MENE, Mouvement des Entreprises de la Nouvelle Economie. Nous mettons nous-mêmes en œuvre ces propositions. Nous proposons ainsi à nos membres, un indice, l’Indice MENE, pour voir l’impact sociétal d’une entreprise, ce qu’elle apporte à la société. Il est calculé à partir de critères comme l’emploi, la fiscalité. Et on voit que la petite entreprise est extrêmement profitable sur le plan sociétal, on arrive à des indices de 60 quand on a de grandes entreprises qui ont des indices de 10 ou 15 parce que la fiscalité part ailleurs ou parce qu’il y a moins d’emploi. La petite entreprise apporte donc plus que la grande sur le plan sociétal. C’est une autre philosophie. On fédère aujourd’hui 8 à 9000 entreprises avec les fédérations. Cela marche dans tous les secteurs.

 

Alexia Germont : Vous avez vous-même mis en œuvre des propositions issues de la société civile, comme quoi cela fonctionne la société civile !

Lors de la préparation de ce débat, nous avons isolé ensemble trois grandes thématiques comme susceptibles de faire progresser les objectifs de développement durable : les passerelles entre transition numérique et développement durable, une Europe leader de la transition énergétique, un secteur financier utile au développement durable. Déclinons donc ensemble chacun de ces trois thèmes.

 

Premier thème : Comment concevez-vous l’utilisation de la transition numérique en matière de progression du développement durable ? D’abord quelques repères à considérer ; Vincent Champain souligne les impacts positifs de la transition numérique : l’impression 3D pour la production et le prototypage, l’optimisation de la production, la maintenance prédictive pour réduire les arrêts de la production, les jumeaux numériques pour suivre l’état précis d’une machine sans devoir arrêter l’unité de production.

 

Corinne Lepage : Il y a en effet aussi un aspect très positif dans le numérique. De fait, on ne peut pas avoir de transition énergétique sans numérique. Il ne peut pas y avoir de ville durable sans numérique. Par exemple la voiture en ville : on sait que 30% des voitures tournent pour trouver une place. Le jour où on pourra avoir une application qui indiquera à l’automobiliste le trajet et l’endroit où il trouvera de la place, comme pour l’Autolib, on désengorgera le trafic de l’ordre de 30%. Il y a donc des progrès qu’on peut faire avec Internet.

 

Deuxième thème : Pensez-vous qu’il existe une brèche pour l’Union Européenne pour devenir leader mondial de la transition énergétique?

 

Corinne Lepage : Le problème c’est que l’Europe a été leader.  Quand j’étais ministre en 1997, j’ai négocié pour la France le « partage du fardeau » qui a préparé Kyoto. À l’époque on était arrivé à obtenir un niveau de 25% de réduction des gaz  à effet de serre au niveau de l’Europe. À Kyoto on s’est arrêté  à 11% parce que les autres ne voulaient rien faire globalement. À l’époque, c’était l’Europe qui était championne. Il y avait des entreprises allemandes et espagnoles dans le solaire et l’éolien. Cela commençait. Puis on a abandonné le lead depuis. Peut-on retrouver le lead? Sur certains secteurs c’est extrêmement difficile, par exemple, les panneaux chinois restent très bon marché. Certaines entreprises en Europe (allemandes et même françaises) font des panneaux solaires plus sophistiqués de deuxième génération qui peuvent entrer en concurrence mais cela va être très difficile. Il y a un domaine où on peut être leader, c’est le stockage. On en est au tout début. Si on met vraiment tous nos efforts pour faire un vrai « Airbus » du stockage, c’est à dire à égalité entre les uns et les autres, on peut vraiment devenir des leaders mondiaux et là il y a beaucoup d’activités et d’emplois.

Troisième thème : Est-il réaliste de mobiliser davantage le secteur financier pour financer les investissements nécessaires à la transition énergétique? Pour mettre en perspective ce thème, il faut rappeler les conclusions d’un rapport rendu en juillet 2017 par France Stratégie, qui partait d’un constat, le marché intérieur des Etats-Unis va être éclaté entre les Etats fédérés qui vont suivre les accords de Paris et ceux qui ne vont pas les suivre et choisir une utilisation intensive des énergies fossiles. En conséquence, ce rapport proposait 4 chantiers : 1/ une stratégie unifiée du prix du carbone ; 2/ développer le potentiel du marché unique ; 3/ le soutien en matière de recherche et de développement dans la transition énergétique à l’échelle européenne ; 4/ une mise en perspective d’un financement innovant et  politique par la BCE et par la Banque européenne d’investissement, parce que là il y a de l’argent à flécher.

 

Corinne Lepage : C’est clair qu’il y a de l’argent à flécher. Il y a beaucoup d’argent et pas forcément là où il faut, sans compter un sujet dont on ne parle jamais mais qui est sous-jacent, c’est la manière dont l’économie  noire a envahi l’économie grise et l’économie blanche. C’est un sujet tabou, dont on ne parle jamais mais qui est majeur, parce que les choix d’investissement sont souvent liés à ce qui est « derrière ». Cela on n’en parle pas alors que c’est un vrai sujet.

 

Alexia Germont : La réserve des paradis fiscaux est évaluée à 6.000 milliards de dollars.

Corinne Lepage: Il y a 20 ans on savait bien identifier l’argent noir et puis le reste. Aujourd’hui on ne sait plus. Car l’argent noir devient gris et quand il est gris, il est blanc. Concernant les préconisations de France Stratégie, c’est très intéressant mais il y un problème avec des stratégies de mix énergétique en Europe qui sont trop divergentes. Cela ne peut pas continuer comme cela pour un marché européen unifié. On a des pays du nord de l’Europe qui sont à 70% de renouvelable, d’autres comme le Luxembourg qui sont à 3% de renouvelable, la France qui est dépendante du nucléaire, l’Allemagne, l’Italie et la Belgique qui ont arrêté le nucléaire. On ne peut pas faire un marché de l’énergie avec un mix énergétique qui part dans tous les sens, ce qui a des conséquences y compris sur le sujet abordé, le prix du carbone. Car il faut un prix du carbone. Mais ceux qui ne veulent pas du nucléaire disent que cela favorise trop la France, parce qu’avec le nucléaire, il n’y a pas de carbone. Il y a des problèmes liés à des mix énergétiques trop divergents. C’est donc un sujet à mettre sur la table.

 

Alexia Germont : Continuons sur le secteur financier utile au développement durable. Il y a beaucoup à dire, c’est un sujet passionnant et extrêmement valorisant pour tous les membres de l’industrie financière et il y a en a beaucoup ce soir dans la salle.  Juste quelques repères avant de vous poser une question. On parlait de l’offre de financement qui est considérable, avec une épargne massive. Quelques chiffres : Norges Bank, le fonds souverain norvégien qui gère les revenus du pétrole, gère quelques 700 milliards de dollars. La réserve de change en Chine, c’est 3.200 milliards de dollars. La richesse des paradis fiscaux est évaluée à 6.000 milliards de dollars. Les subventions des énergies fossiles s’élèvent à environ 550 milliards de dollars, chiffre OCDE. Donc on voit bien que la problématique de la finance utile c’est l’organisation du fléchage et il y a aujourd’hui un outil qui est disponible, qu’on appelle « impact investing », c’est une stratégie d’investissement qui génère des synergies entre impact social, sociétal ou environnemental tout en générant un retour financier neutre ou positif. D’ailleurs vous avez écrit une tribune dans un prochain numéro du magazine du Centre des Professions Financières qui sortira sur le sujet de la Finance Verte.  La question est donc la suivante. Vous paraît-il réaliste de mobiliser davantage le secteur financier pour financer les investissements nécessaires à la transition énergétique ?

 

Corinne Lepage : J’y crois beaucoup. Il y a tout à fait la possibilité de joindre l’utile et l’agréable.  C’est à dire d’avoir des fonds qui sont rentables et qui sont investis d’une manière juste et dans le sens de la durabilité. La démarche norvégienne est tout à fait remarquable. C’est l’exemple d’un pays qui a une richesse, qui l’utilise mais l’argent de cette richesse est également utilisé de façon équitable et durable. Il ne finance pas les armes, le charbon, les cigarettes. Or c’est un fonds très puissant, l’un des plus puissants du monde. On peut donc avoir une vision éthique dans la gestion de l’argent. Cela fonctionne bien. Il y a beaucoup de fonds éthiques et on se rend compte qu’ils rapportent autant que les autres.

 

Questions de la salle

 

Thierry Chesneau, partner dans une société de conseil en stratégie patrimoniale : On reçoit de plus en plus de clients qui souhaitent placer leur épargne de façon éthique, or il y a beaucoup de labels et on a des difficultés à s’y retrouver. La performance, ça viendra. Mais aujourd’hui c’est compliqué de pouvoir s’y retrouver, de choisir et d’apporter de la valeur ajoutée qui va dans le sens de l’éthique. Est-ce qu’il va y avoir une réflexion qui va nous permettre d’avoir quelque chose de plus stable et de plus durable ?

Corinne Lepage : Je l’espère mais je n’ai pas la réponse à cette question. Je travaille un peu sur la finance carbone parce que je préside une ONG qui s’appelle « 2 degrés investing », une association qui fait des études sur la finance carbone ; les études donnent des perspectives intéressantes sur l’article 173 de la loi sur la transition énergétique. Mais c’est nécessaire d’avancer sur cette question des labels, qui ne concerne pas que la finance d’ailleurs, car on a trop de labels dont on ne peut connaître la valeur.

 

Alexia Germont: La Fédération Bancaire Française essaie de pousser l’idée d’avoir un « Green supporting factor » qui serait un label qui permettrait de faire une cartographie des bilans des entreprises.

 

Éric Thuillier, Délégué Général du Pacte Civique: Qu’en est-il avec la caisse des dépôts et consignations qui manie beaucoup d’argent?

 

Corinne Lepage : La CDC travaille beaucoup sur ces sujets : elle a des outils de biodiversité, mais elle pourrait le faire de manière plus large pour donner plus de visibilité à ces thématiques.

Par ailleurs, je souhaiterais conclure sur une idée que j’ai depuis plusieurs années : créer un fond de restauration. On a beaucoup détruit et il faut maintenant réparer. Il n’y a pas suffisamment d’argent pour le faire, que ce soit dans le public ou le privé. Il faudrait donc faire un fond de remédiation  dans lequel on accepterait de placer l’argent sur du très long terme, en bénéficiant d’un régime fiscal analogue à celui de la forêt, qui est très avantageux en particulier sur les droits de succession car fondé sur le long terme. Par exemple on pourrait placer l’argent sur 30 ans et vos enfants ou la collectivité pourraient en bénéficier. On pourrait avoir ainsi plusieurs centaines de millions d’euros pour avoir des chemins de fer là où il n’y en a plus, adapter notre environnement au changement climatique.

 

Alexia Germont : Une clôture sur l’avenir !

Rendez-vous le 23 novembre prochain, dans le même lieu pour une prochaine Rencontre pour parler innovation avec Monsieur Philippe Tibi, Professeur d’Economie à Polytechnique et Sciences Po, ancien Président de UBS France, ancien Président de l’Association des Marchés Financiers et qui a commis avec Francis Kramarz le dernier ouvrage qui a reçu le prix Turgot de l’Economie, préfacé par un certain Emmanuel Macron.

D’ici là je vous propose de méditer ces quelques mots de Jean Cocteau qui nous servent de boussole : « Le tact dans l’audace c’est de savoir jusqu’où on peut aller trop loin. »

 

Nathalie Kaleski

14 octobre 2017

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"Les menaces sur l'électricité sont dues aux défaillances de notre parc nucléaire", selon Corinne Lepage

"Les menaces sur l'électricité sont dues aux défaillances de notre parc nucléaire", selon Corinne Lepage | Re Re Cap | Scoop.it

Corinne Lepage a été ministre de l'environnement de 1995 à 1997 et est avocate écologiste

 

"Les tensions sur le réseau électrique prévues cet hiver, c'est à cause de la guerre en Ukraine". "Le nucléaire permet de garantir notre indépendance". "C'est l'énergie la moins chère". "Les renouvelables ne produisent rien"... Autant de "contre-vérités" autour de l’énergie nucléaire et des énergies renouvelables qu'entend dénoncer Corinne Lepage, ancienne ministre de l'environnement (de 1995 à 1997) et avocate écologiste alors que la France prépare l'avenir de son mix énergétique. 

 

 

Vous avez récemment publié une tribune, dans Le Monde, pour dénoncer des contre-vérités autour du nucléaire. Quelles sont-elles ?

Une armée de trolls se met en branle sur les réseaux sociaux dès que vous dites quelque chose sur le nucléaire et cette intimidation empêche d'avoir un débat apaisé. De surcroît, les médias sont totalement incompétents ou désinformés sur le sujet et on entend des absurdités du type "les éoliennes et le solaire ne produisent rien du tout". On assène comme une vérité d’évangile des affirmations sur le nucléaire qui sont totalement fausses, par exemple sur le fait que c’est l’énergie la moins chère, qu’elle nous assure une totale indépendance, qu’elle incarne le meilleur du savoir-faire français – ce fût vrai mais ce n’est plus le cas – ou encore qu’un scénario 100% renouvelables est impossible. Dans ce contexte, il est difficile pour nos concitoyens de se faire une idée car ils sont dans une vérité alternative sur la réalité du nucléaire et l’intérêt des énergies renouvelables.

"La guerre en Ukraine est responsable de la crise énergétique que nous traversons", voici une autre des contre-vérités que vous dénoncez. En quoi est-ce faux ?

La guerre en Ukraine a en effet peu à voir avec la situation dans laquelle nous nous trouvons aujourd’hui en France. Celle-ci est due uniquement à la défaillance du parc nucléaire, qui produit 50% de moins d'électricité par rapport à ce qu’il pourrait produire. Cela résulte de plusieurs facteurs. D’abord, des retards d’investissement sur l’entretien et la maintenance des réacteurs, qui n’est pas le fait, comme on l’entend souvent, de l’État ou de politiques changeantes qui, je le rappelle, portaient sur le rythme de fermeture des centrales. Il y a eu le Covid qui nous a fait certes perdre un peu de temps mais enfin c’était il y a déjà deux ans. À ce défaut d’investissements s’est ajoutée la découverte dans une quinzaine de réacteurs de problèmes de corrosion importants. Ce qui a fait chuter notre production d’électricité d’origine nucléaire alors que la consommation n’a pas diminué. Désormais donc, nous importons beaucoup d'électricité de nos voisins européens qui, eux, sont affectés par la guerre en Ukraine parce qu’ils produisent de l’électricité à partir du gaz, notamment en Allemagne, chez qui nous nous approvisionnons. Cela provoque une réduction de l’offre et une envolée du prix qui nous impacte parce que nous sommes obligés d’importer de l’électricité alors qu’avant nous en exportions.

Certains mettent également en cause la fermeture de la centrale de Fessenheim, qu’en est-il ?

C’est encore une contre-vérité. La loi prévoit un plafonnement de la production d’électricité d’origine nucléaire en France. Donc pour faire démarrer la centrale de Flamanville, il fallait fermer celle de Fessenheim. EDF, n’anticipant pas les retards de Flamanville, n’a pas fait les travaux nécessaires à Fessenheim. Et en 2020, on s’est retrouvés au pied du mur : Flamanville n’était toujours pas ouverte et Fessenheim ne pouvait plus continuer à tourner car elle n’était plus dans les clous. L’histoire est toujours réécrite…

Selon Greenpeace, la France continue de s’approvisionner en uranium enrichi en provenance de Russie. Cela remet en cause l’indépendance du nucléaire ?

Nous importons de l’uranium naturel du Kazakhstan, un pays très dépendant de la Russie, ou encore du Niger, avec les problèmes que nous rencontrons au Mali. Nous sommes également dépendants de Rosatom (entreprise publique russe spécialisée dans le secteur de l'énergie nucléaire, ndr) pour le retraitement de nos combustibles usés et l’enrichissement de nos combustibles. L’Union européenne est aussi encore très dépendante de la Russie, de 20 à 25%, pour le nucléaire. Dès lors, nous constatons que les sanctions européennes prises contre le Kremlin ne concernent pas le nucléaire, qui n’est pas traité de la même façon que le pétrole ou le gaz. Et personne n’en parle !

Selon vous, quel devrait être l’avenir du nucléaire en France ?

Je crois que nous ne pourrons jamais réaliser les six EPR annoncés par le gouvernement, ni financièrement ni techniquement. On repart sur des prototypes alors qu’on n’arrive pas à faire fonctionner Flamanville. On va au-devant d’un mur d’investissements colossal, avec une entreprise EDF déjà très endettée et un manque de compétences en interne et au niveau national. Je pense qu’on devrait se contenter de faire fonctionner les centrales existantes le temps qu’on pourra sans prendre de risque. L’avenir énergétique de la France ne passe pas par le nucléaire selon moi, mais par les énergies renouvelables et la sobriété. Je crois beaucoup à la décentralisation de la production électrique avec l’autoproduction et l’autoconsommation. Malheureusement, l’État est irrationnel sur la question du nucléaire parce qu’elle est liée à la grandeur de la France.

Propos recueillis par Concepcion Alvarez @conce1

 

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CAP21 Le Rassemblement Citoyen trouve un nouveau souffle

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Penser l'après Covid-19 : vers quels modèles économiques se tourner ?#1 L'économie planétarisée

Penser l'après Covid-19 : vers quels modèles économiques se tourner ?#1 L'économie planétarisée | Re Re Cap | Scoop.it

Depuis le début de la crise liée à l'épidémie de coronavirus, l'économie française est grippée. Dans ce contexte de fragilisation économique, Techniques de l'Ingénieur s'est entretenu avec plusieurs personnalités qui expliquent la crise et imaginent les modèles futurs. Rencontre avec Corinne Lepage, ancienne ministre de l'Environnement, pour qui l'économie devrait être à l'avenir plus « planétarisée » que mondialisée.

 

Face à la crise économique provoquée par l’épidémie de coronavirus, Corinne Lepage a un avis clair. Cette avocate, ancienne ministre de l’Environnement et auteure chez LexisNexis, estime que l’État aurait pu mieux prévenir la propagation de la maladie. En pensant à une reprise économique future, Corinne Lepage espère que les grands enjeux écologiques seront pris en considération.

Techniques de l’Ingénieur : Une crise telle que celle que l’on vit aujourd’hui était-elle prévisible ?

Corinne Lepage : Une crise sanitaire était prévisible depuis l’épidémie de H1N1, mais celle-ci et dans les conditions exactes que nous vivons aujourd’hui, je ne crois pas. Pourtant, déjà à l’époque, il était très clair qu’il y aurait d’autres épidémies. On sait également que le dérèglement climatique entraîne un risque épidémique supplémentaire dans la mesure où la fonte du pergélisol [sol gelé des régions arctiques, NDLR] libère des molécules susceptibles de faire apparaître des maladies dont nous ignorons encore l’existence.

Le secteur médical était-il suffisamment préparé ?

Pour des raisons budgétaires, ce gouvernement a refusé de faire les investissements qui étaient nécessaires dans les hôpitaux. Si au fil des années, on a fermé 100.000 lits dans les hôpitaux, ce n’est pas pour des raisons des santé, mais pour des raisons budgétaires. Cela est inadmissible.

Cette crise met à mal notre système économique. Qu’en conclure ?

Il est clair qu’il y aura un avant et un après. Et nous avons une chance historique qu’il y ait un après qui réduise les risques auxquels nous sommes exposés. Le grand sujet, c’est de savoir comment on repart.

Donc, comment faire évoluer notre modèle économique ?

D’abord, je pense que nous avons besoin de réfléchir sur l’organisation de l’État et la manière dont nous utilisons nos fonds publics. Nous sommes un pays hyper fiscalisé, nous avons plus de 50 % de notre PNB qui repart à l’État. Une partie part en redistribution sociale, ce que je ne remets pas du tout en cause. L’autre partie sert au fonctionnement de l’État. Quand on regarde les schémas qui sont faits autour du monde de la santé, on se rend compte qu’une immense partie des fonds finance des organismes administratifs qui n’ont rien à voir avec le soin direct aux patients. Donc il faut repenser notre organisation, et je peux dire la même chose pour la justice et l’éducation nationale. Il est urgent de remettre le service public au cœur des priorités, et non l’organisation administrative qui l’entoure. L’argent doit aller aux hôpitaux, à la recherche, et aux personnels qui doivent être payés convenablement.

Ensuite, il serait nécessaire de se poser la question de l’échelle des salaires. On se rend compte que ce sont les gens sous-payés qui tiennent la société. Ce sont le monde médical, les professeurs, les livreurs, les caissiers, les travailleurs du BTP, tous ce qui fait que la société ne peut plus fonctionner si ces gens ne travaillent pas. Pourtant, ce sont les gens qui, dans notre pyramide sociale, sont les moins bien considérés, et les plus mal payés. Bien sûr, il faut garder à l’esprit la notion de compétitivité, car on ne peut pas augmenter nos coûts pour ne plus pouvoir vendre nos produits et services à l’étranger, c’est une évidence. Mais simplement, il y a une échelle des rémunérations à revoir.

Idéalement, dans quel contexte cette restructuration économique devrait-elle être mise en place ?

Deux écoles s’affrontent de manière binaire. Or, le binaire est toujours dangereux. D’un côté, il y a les gens qui disent qu’il faut mettre de côté toutes les normes sociales et environnementales au profit du business pur et dur. De l’autre, la planète écolo affirme que le moment est venu de complètement changer notre fusil d’épaule, et de repenser une organisation économique totalement différente. Mon cœur penche évidemment pour cette deuxième solution. Mais je la pense très difficile à mettre en œuvre dans l’économie très dégradée qui va être la nôtre. Donc, il me paraît essentiel de définir des priorités. On peut éviter d’investir dans ce que l’on sait être contraire au long terme. Je veux dire par là que le redéploiement économique doit se faire en considération des impacts sur le climat, la biodiversité, la santé, et la lutte contre la fraude. Les activités économiques qui sont mauvaises pour le climat, la biodiversité et la santé ne doivent pas être encouragées. Ainsi, nous pourrions entrer dans un cercle beaucoup plus vertueux.

Cette crise annonce-t-elle le déclin de la mondialisation économique ?

Je pense que la mondialisation comme on l’a connue, qui est à l’origine des inégalités, il faut lui tourner le dos. Non pas pour revenir à une fermeture des frontières et à un protectionnisme, mais pour revenir à beaucoup plus d’autonomie territoriale. On ne peut plus faire fabriquer tous nos médicaments en Chine. On ne peut plus dépendre des autres sur tout ce qui est vital. Donc, penser en termes d’autonomie alimentaire, sanitaire, énergétique, digitale, me paraît absolument essentiel. Je n’envisage pas nécessairement une autonomie à l’échelle nationale. Il faut une échelle d’autonomie du local à l’européen. L’échelle européenne devrait être la bonne échelle pour l’industrie, à la condition de faire disparaître ce qui ne marche pas en Europe. En revanche, il faut avoir conscience de l’interdépendance que nous avons les uns envers les autres et des besoins de solidarité. Et la crise du Covid-19 le montre bien. Il est essentiel de prendre en compte ce qui a bien marché à un endroit. En ce sens, il faut une vision planétaire. Le dérèglement climatique, c’est planétaire, la biodiversité, c’est planétaire. Et on a compris que la santé, c’est également planétaire. Donc on a besoin de planétarisation, c’est-à-dire de penser à l’échelle de l’humanité, les sujets qui concernent toute l’humanité.

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Vu sa gestion absurde du coronavirus, ce n'est pas de l'État que dépendra le succès du déconfinement

Vu sa gestion absurde du coronavirus, ce n'est pas de l'État que dépendra le succès du déconfinement | Re Re Cap | Scoop.it
Une femme porte un masque pour se protéger du coronavirus et passe devant une banderole de l'artiste Regis Leger alias Dugudus, remerciant les soignants, les commerçants, les forces de l'ordre, le personnel de la poste et les agriculteurs, le 16 avril 2020 à Paris.

 

Les préfets n’ont rien de mieux à faire que de poursuivre les maires qui prennent des arrêtés pour obliger à porter des masques, alors que dans la crise du coronavirus, les collectivités s’adaptent plus vite.

 

Les relations entre collectivités et État depuis les lois de décentralisation sont très souvent conflictuelles et se focalisent généralement sur trois points: la clarification des compétences, l’allègement des contraintes normatives et les relations financières. La loi NoTRe de 2015 devait améliorer les relations entre État et collectivités, pourtant un sujet devient récurrent dans ces conflits, celui de la protection des populations et notamment les sujets de santé publique.

Soucieux de l’inquiétude de leur population au regard d’un certain nombre de technologies ou de produits, de nombreux maires ont été conduits à prendre des arrêtés pour réduire, encadrer voire interdire un certain nombre d’agissements. Il y avait eu des précédents voici une dizaine d’années avec les arrêtés anti-OGM que l’État avait violemment combattus, avec le plus souvent des succès devant les juridictions administratives. Le fait est que les maires ont finalement gagné puisque la France ne cultive pas d’OGM. Ils avaient simplement anticipé une orientation qui paraissait inéluctable dans la mesure où ces produits n’avaient strictement aucun intérêt pour les consommateurs et les populations. 

La bataille a continué depuis 2017 avec l’expansion du compteur Linky contre lequel de très nombreux maires sont intervenus pour interdire leur pose de force sur leur territoire. Fidèle allié de l’État, le conseil d’État a tranché en sa faveur en considérant que les maires n’avaient aucune compétence pour agir en la matière car la compétence avait été transférée aux communautés de communes et d’agglomération. Ce faisant, il n’a pas eu à trancher sur le fond et en particulier les questions liées à la santé (en particulier l’impact sur les électro-sensibles, les hypertendus, les diabétiques etc.), à l’utilisation abusive des données (reconnue ultérieurement), au risque d’incendie et surtout à l’absence totale d’intérêt pour 98% des consommateurs. Heureusement, les tribunaux judiciaires ont opportunément rappelé que le domicile était inviolable et que Enedis et ses sous-traitants ne pouvaient y pénétrer de force. De plus, certaines communes ont directement traité avec Enedis et ont obtenu que ne soient posés les compteurs que chez les personnes qui l’acceptaient. En conséquence, une fois encore, les maires ont peut-être perdu devant le tribunal administratif et le conseil d’État mais ont néanmoins fait progresser le sujet et défendu leur population.

Avec la question des arrêtés anti-pesticides, le sujet a changé de dimension, la question sanitaire était cette fois-ci indiscutable tant les études accablantes pour la toxicité des pesticides et en particulier du glyphosate se sont accumulées au cours des dernières années. Les tribunaux administratifs ne s’y sont du reste pas trompés puisque même si certains ont donné tort aux communes, cependant que d’autres leur donnaient raison, ils ont quasiment tous admis la toxicité du produit et la carence de l’État à protéger la population. Dans ces conditions, pourquoi avoir validé les déférés préfectoraux contre les arrêtés du maire? Tout simplement parce que l’État, effectivement titulaire d’une police spéciale en matière de pesticides, a voulu faire juger que même lorsque cette police n’était pas exercée convenablement (ce que le Conseil d’État avait estimé dans un arrêt précédent de juin 2019), les maires n’étaient pas pour autant autorisés à protéger leur population. C’est bien entendu gravissime et témoigne d’une double erreur juridico-politique:

 

- D’une part, la prétention d’un État qui fait de la prévention sanitaire un objectif plus que subsidiaire à interdire aux autorités publiques locales au motif qu’elles seraient “incompétentes”, “non-sachantes” de mettre en place des politiques de prévention

- Une fausse interprétation du principe de précaution qui en quelque sorte ne trouverait plus à s’appliquer à partir du moment où l’État aurait décidé de ne pas en faire usage. 

Le sujet du COVID-19 est une illustration à la puissance 10 de l’“absurdie” dans laquelle nous vivons. Depuis le début de l’épidémie, l’incapacité dans laquelle l’État s’est trouvé de disposer de masques l’a conduit, au lieu d’encourager tous les Français à se protéger autant qu’ils le pouvaient, à nier l’efficacité des masques voire à déconseiller leur usage et à faire croire aux Français (mais qui l’a cru) qu’ils étaient trop stupides pour savoir mettre un masque.

Désormais, non seulement l’Organisation Mondiale de la Santé recommande l’usage massif des masques mais surtout les exemples des pays étrangers démontrent que ceux qui s’en sortent le mieux sont ceux qui ont distribué des masques à leur population et ont testé leurs population pour isoler les malades. Désormais, on sait que le déconfinement est impossible sans masques. Cela signifie que cette politique au minimum stupide sur le plan sanitaire va de plus être catastrophique sur le plan économique. En effet, le déconfinement sera gagné ou perdu à une échelle locale et les villes vont jouer un rôle majeur comme l’a rappelé Carlos Moreno qui, depuis le début de cette pandémie n’a cessé de suggérer de bonnes solutions qui n’ont été adoptées que très tardivement ou pas adoptées du tout. Il n’est donc pas surprenant de voir des villes, à commencer par la Ville de Paris et sa maire Anne Hidalgo, proposer une stratégie de déconfinement le 12 avril, l’État n’ayant pas été encore capable de présenter à l’échelle nationale une telle stratégie.

De même de nombreux maires, aujourd’hui, anticipent le déconfinement, notamment en prenant des arrêtés obligeant le port du masque sur leur territoire à partir bien entendu du moment où ils permettent à leurs concitoyens d’en disposer. Ce qui est intolérable c’est que les préfets n’aient rien de mieux à faire que de poursuivre les maires qui prennent des arrêtés pour obliger à porter des masques et qu’un tribunal donne raison à l’État en considérant que c’est une atteinte aux libertés. Certes, devoir porter un masque est une atteinte à la liberté, mais devoir rester chez soi est une atteinte aux libertés bien plus considérable et si la réduction de cette atteinte en passe par le port du masque obligatoire, merci le masque!

Les collectivités territoriales s’adaptent nettement plus vite que l’État jacobin. S’il existe deux catégories de masques -les masques de protection respiratoire (type FFP2…) pour la protection du porteur, les masques chirurgicaux (masques médicaux) pour la protection de l’environnement du porteur- dont la fabrication est fortement encadrée par un règlement européen, les maires de manière beaucoup plus pragmatique face à une absence de stock, prônent l’utilisation de barrières anti-projections dont l’efficacité ne peut être optimale qu’avec un usage généralisé.  

Depuis le changement de doctrine, chaque employeur, dont les collectivités territoriales, se doit d’avoir un stock de masques pour ses employés. Les collectivités n’y dérogent pas. C’est pour ça que depuis le début du confinement les agents d’entretien de la ville de Paris portent un masque. Ces stocks sont exclusivement limités aux agents.

Néanmoins, pour parfaire les stocks pour d’autres usages, les collectivités font appel à leur réseau pour importer des masques réglementaires. Il n’est pas étonnant dès lors de voir des présidents de région et des maires de grandes villes commander directement des masques. Ainsi, Jean-Pierre Hamon, président de la fédération des médecins de France estime: “Il y a eu une défaillance totale de l’administration centrale sur les masques, c’est normal que les présidents de régions et les maires se prennent en main pour en obtenir”. 

S’il est logique qu’il y ait un contrôle et une gestion des priorités collectives, la réquisition sur le tarmac des aéroports, sans avoir prévenu personne et après l’avoir nié, des masques commandés par des régions, n’est pas logique en dehors des masques FFP2 qui doivent être destinés aux soignants en priorité et dont le circuit de distribution passe par les organes centraux de l’État. 

Les différents reculs de l’État dans la protection des populations et l’incapacité d’un état central d’être prêt face à une crise et pire encore de reconnaître son impréparation sont lourds de conséquence. C’est pour cela que les collectivités se chargent de prendre le relais pour réussir le déconfinement en temps et en heure et c’est en bonne connaissance des territoires qu’elles ont la capacité d’amorcer un redémarrage économique solide.

Et pourtant ce n’est pas la stratégie envisagée, en effet celui-ci réduit autant que faire se peut le pouvoir des maires pendant que dans le même temps le gouvernement augmente ceux des préfets par un train de déconcentration accompagné d’une liberté quasi-totale de déroger à toutes les normes. C’est une hérésie économique, sociétale et politique.

Le caractère de plus en plus liberticide et antidémocratique du fonctionnement actuel de nos institutions est lourd de menaces pour l’avenir politique mais il est à très court terme catastrophique sur le plan de la lutte immédiate contre le covid-19, pour le déconfinement et le redémarrage de l’économie puisque grâce à cette politique, la France risque de perdre un ou deux mois dans la reprise par rapport à ses voisins immédiats qui ont beaucoup mieux géré qu’elle la crise (pays du Nord et Allemagne en particulier et bien entendu par rapport à l’Asie).

Soutenons nos maires et nos collectivités territoriales contre cet acharnement insensé.

 

Corinne Lepage Avocate, ancienne ministre de l'Environnement, députée européenne de 2009 à 2014, Présidente de CAP21/Le Rassemblement Citoyen  

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Pandémie de Coronavirus : méfiance à tous les étages ?

Alors qu'en France, l’union sacrée a prévalu face à l’irruption de la pandémie de Covid-19, cette dernière semble se fissurer à mesure qu’apparaissent les premières questions sur la gestion de la crise sanitaire et sur l'après-pandémie.

De plus en plus de questions se posent : faut-il ou non généraliser le port du masque pour freiner la progression de la pandémie de coronavirus ? Doit-on aller plus loin, et surtout plus vite, dans l’usage de la chloroquine, ce médicament initialement développé contre le paludisme et les lupus ? Ou encore, faut-il surveiller étroitement les mouvements de tout un chacun, afin d’éviter une deuxième vague de contamination, une fois le confinement levé ? Débat entre nos invités, autour de Raphaël Kahane.

Nos invités :

- Corinne Lepage, avocate, ancienne ministre de l’Environnement, présidente de CAP21/Le Rassemblement Citoyen

- Anne Nivat, grand reporter, reporter de guerre, indépendante,

- Philippe Douste-Blazy, médecin cardiologue, ancien ministre de la Santé, président de UnitLife

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3 questions à Corinne Lepage, avocate, ancienne ministre de l’Environnement

3 questions à Corinne Lepage, avocate, ancienne ministre de l’Environnement | Re Re Cap | Scoop.it

Amplification des catastrophes naturelles, épidémies à répétition, perte de biodiversité et plus largement perte de richesses, les prises de conscience sur les changements que notre monde subi et que nous subissons en retour se font de plus en plus aiguisées et un thème semble émerger : celui de notre responsabilité. Partagez-vous cette approche ?

 

Nous vivons une époque dont je crois pouvoir dire qu’elle n’a pas de précédent historique puisque le sujet n’est pas historique mais anthropologique. Cela ne relève pas d’un nouveau temps historique ; ce que nous vivons n’est pas le passage de l’ère préindustrielle à la première révolution industrielle, nous vivons quelque chose d’infiniment plus important dans la mesure où le modèle de développement que nous avons collectivement choisi a provoqué de telles modifications sur la planète que celle-ci s’en trouve considérablement transformée, et c’est pour cela que l’on parle d’anthropocène. Bien sûr, nous avons tous à l’esprit la question climatique, mais il y a aussi la biodiversité, c’est-à-dire le vivant. Aujourd’hui, il n’existe plus une région française qui échappe au constat de la transformation des espèces vivantes, des insectes, des oiseaux, des animaux, des végétaux… Par ailleurs, la question de la santé environnementale est indissociable des précédentes. C’est bien la question de notre responsabilité collective qui est posée

 

 

Dans ce contexte, quel rôle joue le droit ?

 

Le droit joue un rôle tout à fait novateur. Il ne s’agit pas de fustiger tel ou tel acteur en parlant de la responsabilité personnelle qui existe, mais de voir comment, au niveau planétaire, les juridictions changent actuellement les règles du jeu. Il ne s’agit plus de faire de la responsabilité une question d’aval mais une question d’amont. Il est intéressant d’utiliser le levier de la responsabilité pour éviter que le mal ait lieu et afin d’être dans la prévention. Cela nécessite une épée de Damoclès suffisamment importante pour qu’elle puisse jouer son rôle, mais encore faut-il pouvoir la mettre en place. Or, nous constatons que, sur le plan international, cette épée de Damoclès n’a pas d’influence. Nous avons les accords de Paris, qui sont un succès diplomatique français absolument indéniable, mais malheureusement nous pouvons constater cinq ans plus tard qu’ils n’ont pas empêché les émissions de gaz à effet de serre de croître de manière considérable. Nous assistons aujourd’hui à un phénomène très nouveau qui traduit la responsabilité que certains acteurs croient devoir prendre à l’égard de cette situation concernant la justice sanitaire et climatique. Il y a dans le monde actuellement 1 500 procès de justice climatique. Ce sont des procès dans lesquels des villes ou des ONG demandent aux tribunaux de condamner les États à faire ou à réparer et à changer leurs pratiques.

 

 

Les institutions se saisissent également du sujet et une décision très importante (décision n° 2019-823 QPC) vient d’être rendue le 31 janvier 2020 rendue par le Conseil Constitutionnel. Pouvez-vous nous en dire plus ?

 

Il s’agit d’un arrêt révolutionnaire dans lequel le Conseil constitutionnel a été cherché le préambule de la Charte de l’environnement, où il est inscrit que l’environnement est un patrimoine commun et que le long terme et l’environnement sont des Objectifs de valeur constitutionnelle (OVC). Le long terme et la préservation de l’environnement sont donc reconnus par le Conseil constitutionnel comme des impératifs que le législateur et toutes les juridictions doivent prendre en compte. Cette jurisprudence est une reconnaissance de la responsabilité que nous avons à l’égard du long terme, c’est une prise de conscience des juridictions suprêmes au sein de plusieurs pays. Cela permet de travailler en amont, ce qui est essentiel. La responsabilité arrive quand on a fauté ou que l’on est puni, tout comme la responsabilité civile, la responsabilité administrative ou la réparation des différents préjudices. Utiliser à bon escient la responsabilité environnementale permet ainsi de prévenir et nous pouvons donc essayer dans nos textes d’anticiper en faisant de la responsabilité une priorité.

 

 

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Fessenheim est le symbole de l’hypocrisie énergétique française

Fessenheim est le symbole de l’hypocrisie énergétique française | Re Re Cap | Scoop.it

La décision du Conseil d’État, jeudi 25 octobre, d’annuler le décret de fermeture de la centrale nucléaire de Fessenheim révèle, selon l’autrice de cette tribune, l’hypocrisie d’un système énergétique sur lequel le pouvoir politique n’a pas de prise.

 

L’annulation du décret de fermeture de Fessenheim par le Conseil d’État est apparue comme une forme de scandale : comment l’absence de délibération correcte (sans doute tout à fait volontaire) de EDF (dont l’État possède 84 % des parts) pour demander la fermeture de la centrale peut-elle primer sur une volonté politique très clairement affichée ? Pourtant, le scandale n’est pas dans la décision du Conseil d’État, même si ce dernier a toujours validé (sauf pour Creys-Malville) toutes les décisions, même les plus illégales, dès lors qu’elles défendaient le nucléaire. Il est dans l’organisation même du système. En fait, Fessenheim est le symbole de la parfaite hypocrisie du système, qui semble s’inscrire dans l’État de droit mais qui n’est qu’une stratégie permanente de contournement des règles.

Contournement tout d’abord des normes de sécurité qui conduit à une prise de risque délibérée. Cette centrale, construite dans une zone hautement sismique, en contrebas de plus de 8 m du canal du Rhin, avec une simple enceinte de confinement, sans tour de refroidissement, est en elle-même le modèle de ce que l’expérience nous a appris à éviter si nous ne souhaitons pas Fukushima chez nous. D’où l’exaspération de nos voisins et la concentration de la contestation européenne sur cette centrale. Mais il y a plus grave encore.

  • Incapable de respecter les normes européennes en ce qui concerne la concentration des produits chimiques dans l’eau, EDF a obtenu néanmoins l’autorisation de fonctionner par dérogation, l’absence de motivation de ces dérogations ayant fait l’objet d’un arrêt du Conseil d’État sans aucun effet puisque le même arrêté a été repris sans davantage de motivation. La seule motivation est qu’il n’est pas possible de faire autrement… mais est-ce une motivation ?
  • Incapable de respecter les règles de sûreté mises en œuvre en ce qui concerne la tenue des générateurs de vapeur, puisque certains générateurs de vapeur de Fessenheim font partie des pièces falsifiées construites au Creusot. EDF a obtenu de l’Autorité de sûreté nucléaire le droit de fonctionner sans que les règles de qualité ne soient remplies et sans que les critères initiaux ne soient satisfaits…
  • Incapable enfin de respecter les propres règles que l’Autorité de sûreté nucléaire vient de fixer pour la fermeture. En effet, l’Autorité de sûreté nucléaire vient de reconnaître que, faute d’avoir fait les travaux nécessaires à une prorogation au-delà de 40 ans ni même de les envisager, Fessenheim devait fermer une fois passé le délai de 40 ans. Sauf que ce délai est passé, puisque la centrale a été mise en service le 1er janvier 1978… elle aurait dû fermer au 31 décembre 2017. Mais là encore, contournement des règles puisque le délai est computé non pas à partir de la mise en service mais en computant le délai par tranche de 10 ans, en se fondant sur les visites décennales qui ont été repoussées au fur et à mesure du temps. La dernière visite décennale ayant eu lieu en 2012, cela donne un délai à 2022.. soit 45 ans.

Il serait peut-être temps d’appliquer à l’industrie nucléaire des règles de rationalité

Le deuxième système de contournement mis en place est purement financier. Pour « accepter » la fermeture de Fessenheim, EDF a obtenu de l’État le versement d’une indemnité de 400 millions d’euros plus le manque à gagner résultant d’un fonctionnement possible de 50 ans. On croit rêver ! Il s’agit tout simplement d’une supercherie destinée à contourner les règles d’aides d’État qui interdisent à la France de continuer à subventionner comme elle le fait le système nucléaire. Rappelons que le contribuable a déboursé la bagatelle de 7 milliards d’euros en 2017 pour renflouer Areva et EDF, la première étant en faillite et la seconde fort mal en point. Mais, la fermeture de Fessenheim étant maintenant décidée par l’ASN pour cause de manquement aux règles de sûreté indispensables au prolongement de la durée de vie au-delà de 40 ans, il n’existe plus aucune raison pour que le contribuable se voie contraint de verser la moindre indemnité à EDF. A fortiori, cette centrale ne présentant évidemment pas les qualités nécessaires et ce d’autant plus que les règles post-Fukushima y sont inapplicables, EDF ne dispose d’aucun fondement juridique pour demander quelque autre indemnité que ce soit. Il serait peut-être temps d’appliquer à l’industrie nucléaire des règles de rationalité, d’admettre ce que tous les autres pays ont admis, à savoir l’absence de rentabilité de cette énergie et de développer réellement et massivement le renouvelable, le stockage et l’efficacité énergétique. Ce n’est visiblement pas la stratégie choisie, la France continue à investir massivement dans cette industrie du passé et, pour éviter les fourches caudines de la Commission européenne, la pseudo indemnisation de Fessenheim est une trouvaille.

Enfin, le comble de l’hypocrisie réside dans l’organisation juridique, qui prive le pouvoir politique de réaliser ses choix énergétiques. En effet, le Code de l’environnement dans sa rédaction actuelle exclut toute intervention du pouvoir politique pour fermer une centrale nucléaire et donc appliquer les choix énergétiques qu’il prétend faire. Une centrale nucléaire ne peut fermer que si l’exploitant le demande ou si l’Autorité de sûreté nucléaire l’exige pour des raisons de sûreté. Dans ce cas, le pouvoir politique peut également agir sur avis de l’ASN. EDF ayant décidé de porter la durée de fonctionnement de ses centrales nucléaires à 50 ans - c’est ce qui figure dans sa comptabilité comme si l’ASN n’existait pas –, elle n’a aucune raison de demander leur fermeture. Sa seule obligation consiste à respecter le plafond –et non le plancher comme elle le soutient – de production d’électricité nucléaire prévu par la loi. D’où la contrainte de demander la fermeture de Fessenheim si Flamanville ouvrait un jour….

Il est donc indispensable de sortir de l’hypocrisie et de modifier la loi pour permettre au gouvernement de décider, pour des raisons de politique énergétique, de la fermeture de centrales nucléaires. Ne pas procéder à ce changement équivaut à continuer à prendre les Français pour des imbéciles en prétendant faire des choix que l’on est dans l’impossibilité de réaliser.

En définitive, l’arrêt du Conseil d’État a pour avantage de nous ramener dans la réalité et non dans la fiction dans laquelle nous avait introduit le « faux » décret de fermeture de Fessenheim. La programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) et les limites évidentes de l’exercice qui résulte de l’absence de pouvoir juridique du gouvernement confortée par l’inutilité totale de ses représentants au conseil d’administration — qui s’abstiennent sur les sujets majeurs pour cause de conflits d’intérêts — doivent conduire à sortir de l’hypocrisie et à répondre enfin au souhait d’une majorité de Français : organiser une sortie raisonnée et rationnelle du nucléaire.

 

Corinne Lepage est présidente de Cap21/Le Rassemblement citoyen.

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Le lobby nucléaire est aux commandes, au mépris de la sécurité des Français

Le lobby nucléaire est aux commandes, au mépris de la sécurité des Français | Re Re Cap | Scoop.it

Les débats finaux –si tant est qu'il y en ait- autour de la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) sont à pleurer tant ils méprisent l'intérêt des Français, les choix qu'ils ont exprimés lors du débat public, leur porte-monnaie et leur vie.

 

Les débats finaux –si tant est qu'il y en ait- autour de la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) sont à pleurer tant ils méprisent l'intérêt des Français, les choix qu'ils ont exprimés lors du débat public, leur porte-monnaie et leur vie.

Le lobby nucléaire est bien obligé de sortir du bois pour préciser le nombre de centrales qu'il est prêt à fermer... Après 2029, puisque chacun a bien compris que c'est lui qui décidait de la politique énergétique de la France et par voie de conséquence des risques auxquels les français sont exposés et des coûts qu'ils seront bien obligés de supporter.

EDF serait donc prêt à fermer entre 7 et 12 réacteurs entre 2029 et 2035. Ils auront alors plus de 50 ans (sic). RTE plus raisonnable propose d'en fermer 6 d'ici 2028. EDF, qui traîne un boulet de plus de 50 milliards de dettes, mais est convaincu que le contribuable français la comblera comme il l'a fait pour partie pour Areva (tous les "trucs" sont bons pour éviter la colère de l'Union européenne et contourner l'interdiction des aides d' État) veut en plus construire 6 EPR à 10 milliards l'unité ... à condition qu'il soit capable déjà d'en construire un, ce qui n'est pas démontré. On croit rêver!

Tout ceci se fait bien entendu comme si l'autorité de sûreté nucléaire n'existait pas, mais il est vrai que sa complaisance lorsqu'il s'agit de prendre des décisions fortes se fait de plus en plus grande... voir son attitude déraisonnable par exemple sur les générateurs de vapeur de Fessenheim ou sur l'absence de réalisation dans les délais prévus des unités de secours des diesels qui devaient être réalisés sur toutes les centrales nucléaires (décision de 2012) et qui ne le sont que sur deux réacteurs à ce jour.

Tout ceci se fait au mépris de la sécurité et de la sûreté. Ainsi, grâce à une députée allemande, l'autorité de sûreté nucléaire a été mise dans l'obligation de publier la liste des événements dits précurseurs définis comme étant "ceux qui conduisent un accroissement de risque de fusion du cœur par rapport à la probabilité de fusion du cœur pris en compte lors de la conception des installations". Pas moins de 158 événements de ce type se sont produits entre 2003 et 2014 dont 14 pour Fessenheim 1 et 17 pour Fessenheim 2, nombre maximal atteint par quatre autres réacteurs -dont Bugey-. Ainsi, alors que le risque d'accident nucléaire s'accroît de manière considérable avec des réacteurs de plus de 40 ans qui ont été prévus initialement pour durer 30 ans, EDF n'hésite pas, pour son intérêt économique propre, à exposer les Français à des centrales de 50 ans d'âge.

 
 

Tout ceci se fait au mépris de l'avis émis par les Français lors du débat public qui s'est déroulé entre mars et juin 2018, sous l'égide de la commission nationale du débat public. La volonté de réduire la part du nucléaire en favorisant le renouvelable, et ce dans les délais les plus rapides, et de fermer les centrales vieillissantes s'est exprimé de la manière la plus claire. Mais, au mépris des exigences communautaires qui imposent de prendre en considération l'avis du public lorsqu'il est sollicité, le lobby nucléaire qui s'exprime désormais au plus haut niveau n'en a cure.

Tout ceci se fait enfin au mépris de nos intérêts économiques et industriels puisque le lobby nucléaire bloque tout développement sérieux de l'autoconsommation collective qui pourrait permettre une progression fulgurante de l'énergie renouvelable en France; il interdit aux collectivités locales de distribuer par des boucles locales l'énergie qu'elles pourraient produire, réduisant ainsi leur capacité économique. Et, il continue dans la contrevérité qui consiste à soutenir que nucléaires et renouvelables vont de pair alors que c'est faux puisque le marché stagne et que la production d'électricité nucléaire empêche toute progression des énergies renouvelables.

Tout ceci enfin se fait au mépris de l'intérêt économique et financier des Français. L'énergie nucléaire est désormais reconnue par le monde entier comme étant la plus chère du monde et, d'anciens dirigeants de l'AIEA reconnaissent eux-mêmes qu'elle n'est plus compétitive. Nous réengager dans la voie du nucléaire condamne la France et les Français à perdre encore en compétitivité, et à payer leur énergie beaucoup plus chère que ce que paieront à brève échéance nos voisins européens.

La responsabilité qui est prise actuellement à la demande du lobby nucléaire par les responsables politiques est immense et il va de soi que si un accident se produisait, ils en porteraient une responsabilité qui ne serait pas seulement morale. Dans tous les cas, ils porteront pour l'histoire la responsabilité d'une génération de dirigeants qui n'a pas compris la transformation du monde, a cru que communication pouvait longtemps dissimuler inaction et contre-action et qui se trouvera confrontée très rapidement à une réaction de la société civile qui refusera toute électricité qui ne sera pas verte...

 

Corinne Lepage

Avocate, Ancienne députée européenne Cap21,

ancienne ministre de l'Environnement                                     

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L'inscription de la protection de la biodiversité dans la constitution est un nouveau coup de bluff du gouvernement

L'inscription de la protection de la biodiversité dans la constitution est un nouveau coup de bluff du gouvernement | Re Re Cap | Scoop.it

Cette modification voulue par le ministre la transition écologique a-t-elle réellement la moindre portée juridique ?

 

L'Assemblée nationale a adopté le 13 juillet une modification de l'article premier de la constitution aux termes duquel "la République agit pour la préservation de l'environnement et la diversité biologique et contre les changements climatiques".

Cette modification voulue par le ministre la transition écologique a-t-elle réellement la moindre portée juridique? Les envolées lyriques de la Garde des Sceaux saluant un outil politique et un outil juridique puissant ou de Richard Ferrand parlant d'une "avancée politique et symbolique majeure" dissimulent mal les interrogations quant à la portée juridique de cette insertion.

Il n'y a aucun doute sur le fait qu'il s'agit bien avant tout d'une opération de communication, traduite par la référence à l'avancée politique. Satisfaction est donnée à Nicolas Hulot sur un sujet qui serait majeur si sa portée juridique était réelle. Ainsi, dans le bilan des arbitrages perdus et gagnés, la modification de la Constitution sera-t-elle présentée comme une victoire essentielle permettant dans la foulée de justifier la perte d'arbitrages sur le nucléaire (probable), la montagne d'or, les forages pétroliers, les nouvelles autoroutes... se plaçant dans la continuité de Jacques Chirac et de la charte de l'environnement, le Président de la République et son ministre de l'écologie pourront-ils ainsi apparaître comme ayant attaché leur nom à la modification de la Constitution en faveur de l'environnement. Opération de communication qui ne pourrait être que réussie -à la condition que les trois cinquièmes du Parlement l'accepte- car l'opinion publique aura bien du mal à rentrer dans le détail de la réalité juridique de l'affaire.

S'agit-il d'un symbole fort? D'un symbole oui dans la mesure où le sujet environnement rejoint celui de l'égalité des droits ou de la laïcité qui sont les bases de la République française. Mais ce symbole est-il fort? Pour répondre à cette question, il faut entrer plus avant dans la question juridique.

 

Le verbe retenu est celui d'agir. Ce faisant, il est infiniment plus faible que le mot "assure" utilisé pour caractériser l'égalité de tous les citoyens devant la loi. Cela signifie donc que sur le plan symbolique comme sur le plan juridique, ces objectifs ont une valeur moindre que celle de l'égalité des droits. On peut discuter du bien-fondé de cette différenciation; on ne peut pas discuter de son existence. Et, l'intervention de très mauvaise foi de Madame Belloubet prétendant que pour le conseil constitutionnel l'un et l'autre se valent se retourne contre elle car si c'était le cas pourquoi ne pas avoir choisi le mot assure plutôt que le mot agit. Le mot agit n'implique même pas une obligation de moyens. On peut en effet agir de bien des manières et avec une force plus ou moins grande. Et le juge administratif a eu l'occasion, à propos de l'article L229-1 du code de l'environnement qui fait de la lutte contre le changement climatique une priorité nationale qu'il ne s'agissait que d'un objectif et non d'une règle de droit. Si une obligation de moyens figurait, le mot favorise aurait pu être utilisé comme il l'est pour l'égalité dans l'accès aux emplois entre hommes et femmes. En réalité, ce terme très flou n'engage à rien. C'est un peu comme si le législateur écrivait qu'il faut agir pour le bien et contre le mal...

De plus, cette rédaction peut en réalité se révéler très contre-productive car elle est très en deçà de la charte de l'environnement. Certes, la charte n'est qu'adossée à la Constitution. Mais, le conseil constitutionnel en a fait une obligation pour le législateur ce qui fait que la valeur constitutionnelle de la charte est acquise. Or, si la charte ne fait effectivement pas mention du climat, elle est beaucoup plus ambitieuse que le projet de loi constitutionnelle. Elle rappelle tout d'abord que la préservation de l'environnement doit être recherchée au même titre que les autres intérêts fondamentaux de la Nation. Or, comme on vient de le rappeler, l'utilisation du verbe agir et non du verbe assure met cet objectif en-deçà de l'objectif d'égalité. De plus, l'article 2 de la charte se réfère à l'amélioration de l'environnement alors que le projet constitutionnel ne vise que sa préservation. D'autre part, la diversité biologique est visée par la charte qui rappelle que l'avenir et l'existence même de l'humanité sont indissociables de son milieu naturel. Dès lors, en se contentant d'affirmer que la République agit pour la biodiversité sans aucune référence à l'exploitation excessive des ressources et au long terme, l'article premier est plus faible que la charte de l'environnement.

Enfin, l'affirmation selon laquelle la République agit contre le changement climatique n'apporte strictement rien au droit positif dans la mesure où les conventions signées par la France l'obligent déjà et s'imposent en vertu de l'article 55 de la Constitution au législateur.

En définitive, avec la rédaction retenue par l'Assemblée nationale, nos concitoyens auront le sentiment que la lutte contre changement climatique, le respect de l'environnement et de la biodiversité ont progressé. En réalité, sur le plan juridique, aucun progrès n'aura été accompli car l'État ne sera pas plus contraint demain qu'hier à abandonner les actions contraires à l'intérêt de l'environnement et de la biodiversité comme le maintien de l'usage des pesticides, la construction de nouvelles routes, le refus de toute mesure contraignante sur le diesel, l'autorisation de nouveaux forages pétroliers, les milliards de subventions données aux hydrocarbures etc... Ce sera donc une opération de communication parfaitement réussie... mais, toucher à la Constitution doit-il se réduire à une opération de communication ?

 

  • Avocate,
  • Ancienne députée européenne Cap21,
  • ancienne ministre de l'Environnement

 

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Avec Macron et Hulot, « nous sommes entrés dans une ère de régression » de la politique d’environnement

Avec Macron et Hulot, « nous sommes entrés dans une ère de régression » de la politique d’environnement | Re Re Cap | Scoop.it

L’ancienne ministre de l’Environnement Corinne Lepage, qui avait appelé à soutenir Emmanuel Macron en 2017, reconnaît dans cette tribune s’être trompée : le gouvernement nous a fait entrer en matière écologique « dans une ère de régression d’autant plus dangereuse qu’elle s’accompagne d’une communication permanente et habile directement contraire à la réalité des choix qui sont opérés ».

 

Lorsque j’avais décidé à la fin de l’année 2016 de soutenir la campagne d’Emmanuel Macron, je ne l’avais pas fait en raison de ses convictions écologistes mais parce que je pensais sincèrement que son intelligence lui avait permis de percevoir la gravité des défis auxquels nous sommes confrontés et la nécessité d’entreprendre dans ce domaine comme dans les autres des réformes de structure permettant de changer de logiciel. La nomination de Nicolas Hulot numéro trois du gouvernement était d’excellent augure.

Malheureusement, je me suis trompée car la politique menée aujourd’hui par M. Macron est différente de celle de ses prédécesseurs, mais au mauvais sens du terme. Nous sommes en effet entrés dans une ère de régression d’autant plus dangereuse qu’elle s’accompagne d’une communication permanente et habile directement contraire à la réalité des choix qui sont opérés.

Les discours sont brillants, qu’il s’agisse de ceux du président de la République, qui se veut le chantre mondial de la lutte contre le dérèglement climatique, ou de ceux du ministre d’État, qui défend d’autant mieux une vision écologique du monde qu’elle concerne le très long terme et permet donc de passer sous silence les décisions catastrophiques et contre-productives qui sont prises. À ceci s’ajoute le fait que le ministre d’État s’est vu imposer de présenter lui-même comme de bonnes décisions les arbitrages qu’il a perdus, donnant ainsi le sentiment que plus personne ne défend l’environnement.

Et pourtant, sur quelques dossiers, les régressions sont patentes. Commençons par l’énergie ; l’abandon du 50 % de nucléaire en 2025 qui se double d’une volonté qui s’affirme chaque jour davantage de construire de nouveaux réacteurs nucléaires et de faire durer jusqu’à 60 ans des réacteurs dont les défaillances ne cessent de croître. Pour maintenir ce haut niveau de nucléaire, les choix avancés dans le cadre de la Programmation pluriannuelle de l’énergie sont les plus mauvais pour les énergies renouvelables comme pour l’efficacité énergétique et ils s’accompagnent de tout ce qui peut être imaginé pour réduire l’autoconsommation, défavoriser la croissance du renouvelable et faire supporter par les contribuables la dette démesurée d’EDF.

Continuons par la lutte contre la pollution de l’air : avec des feuilles de route qui n’ont convaincu personne et surtout pas la Commission européenne, le refus de s’attaquer réellement au diesel et de prendre quelque mesure que ce soit qui pourrait être désapprouvée par le monde de l’automobile.

Poursuivons avec la délivrance de permis d’hydrocarbures, notamment en outre-mer, et de permis miniers passés d’autant plus inaperçus que la communication autour de la loi sur l’interdiction de nouveaux permis d’hydrocarbures a laissé supposer aux pauvres citoyens que nous sommes que ceux-ci étaient effectivement interdits.

 

Le plus grave tient aux atteintes multiples portées au droit de l’environnement

Et que dire de l’abandon en rase campagne de la plupart des engagements pris en faveur du bio, du refus de créer un fonds d’indemnisation des pesticides au motif que les études sont insuffisantes ou encore d’inscrire dans la loi l’engagement de sortir du glyphosate dans les trois ans ? Ceci s’ajoute à la position catastrophique prise par la France au niveau communautaire sur la définition des perturbateurs endocriniens directement opposée à la position courageuse de Ségolène Royal.

À quoi encore s’ajoutent la remise en cause de la loi Littoral dans la loi Élan alors que le grignotage des côtes du fait de l’érosion marine devrait conduire au contraire en étendre le contenu, l’abandon des mesures de protection de la loi Abeille concernant les ondes électromagnétiques, alors même que l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) vient enfin de reconnaître la réalité des pathologies liées à l’électrosensibilité et une série de décisions individuelles qui sont autant de décisions défavorables à la protection des ressources, de la biodiversité et de la santé humaine : usine Total de la Mède, qui va utiliser massivement de l’huile de palme venue de Malaisie (contre, dit-on, la vente de Rafale), autorisation des rejets et de stockage à terre pour Alteo, etc. La liste n’est pas exhaustive.

Le plus grave tient sans doute aux atteintes multiples portées au droit de l’environnement, qui devient dans bien des cas une option et non une obligation. Au nom de l’expérimentation, il est désormais possible de s’affranchir des normes environnementales ; les études d’impact sont réduites à leur plus simple expression, la rubrique des installations classées soumises à autorisation se réduit comme une peau de chagrin au bénéfice d’installations soumises à une simple déclaration voire à rien.

Et la démocratie environnementale s’est perdue dans les sables mouvants d’une réforme constitutionnelle dans laquelle la troisième chambre, qui aurait dû être celle du long terme avec les droits de veto indispensables, va rester un accessoire peut-être même dangereux si la réforme prétend la substituer à toutes les autres expressions de la société civile.

 

 

Un quinquennat dure cinq ans. Il reste quatre ans pour changer de braquet, de direction et de sens.

 

Corinne Lepage est présidente de Cap21/Le Rassemblement citoyen.

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"Non, Monsieur le président d'EDF, l'EPR n'est pas en conquête si ce n'est du porte-monnaie des Français"

"Non, Monsieur le président d'EDF, l'EPR n'est pas en conquête si ce n'est du porte-monnaie des Français" | Re Re Cap | Scoop.it

Une fois encore et malheureusement, les autorités françaises font du nucléaire l'alpha et l'oméga de leur politique industrielle et diplomatique

 

Dans un article publié le 16 janvier 2018 dans Le Figaro, le président d'EDF vante les mérites de l'EPR, la qualité du travail du Creusot, tout en soulignant la solidité du contrat qui lie EDF aux autorités anglaises pour Hinckley Point et en rappelant que le "nucléaire est une industrie de souveraineté".

 

Il faut décrypter. Le nucléaire est une industrie de souveraineté... quand il s'agit de payer. En effet, les seuls pays au monde qui aujourd'hui développent quelques réacteurs nucléaires sont ceux dans lesquels les Etats payent tout simplement parce qu'aucune banque ne veut financer un réacteur nucléaire. Cette énergie est en passe de devenir la plus chère du monde et par voie de conséquence le secteur privé n'y voit aucun intérêt, sans compter bien entendu la question du risque. Il est évident que si l'État français n'avait pas renfloué EDF et Areva, au détriment des besoins élémentaires de nos services publics, Areva aurait déposé le bilan depuis longtemps et EDF rencontrerait de très grandes difficultés. Le pire est à venir dans la mesure où Hinckley Point, qui, rappelons-le, a entraîné le départ de M. Piquemal, directeur financier d'EDF, et la démission d'un membre du conseil d'administration d'EDF, va coûter près de 20 milliards. Il faut ajouter la falaise financière que constitue la mise aux normes des réacteurs nucléaires français et qui ne pourra être financée qu'en vendant les bijoux de famille du patrimoine industriel français, ce qui a déjà commencé dans la plus grande opacité et sans communication.

 

En bref, nous vendons les actions que nous détenons dans des entreprises rentables et d'avenir pour financer une entreprise non rentable et du passé. En revanche, on ne parle plus de souveraineté quand il s'agit, pour des raisons financières, d'accepter des deals avec des entreprises chinoises qui consistent en réalité à leur transmettre ce qui reste de notre savoir-faire. C'est le cas en Grande-Bretagne où le troisième réacteur sera construit par les Chinois. Et nous n'avons pas encore toutes les révélations concernant les entrées au capital d'Aréva...

 

Le soin que prend le président à assurer de la solidité du contrat passé avec les Britanniques s'explique par le questionnement sur les effets du Brexit d'une part (qui fait sortir la Grande-Bretagne d'Euratom et l'oblige en conséquence à remettre en place tout un système de contrôle coûteux et long à se mettre en place) et surtout sur la remise en cause en Grande-Bretagne de ce contrat par tous ceux qui sont affolés du prix délirant auquel le gouvernement a consenti le rachat des kilowattheure nucléaires, prix qui entraînera un surcoût de plusieurs milliards d'euros au détriment des consommateurs britanniques. Les Français sont heureux d'apprendre que la solidité du contrat est garantie par un traité bilatéral passé dans un État tiers, dont évidemment la représentation nationale, ni sans doute la plupart des membres du gouvernement français, n'ont jamais entendu parler.

 

Oser parler de la qualité du Creusot quand on sait que du fait des malfaçons- pour éviter d'employer un terme pénal- l'autorité de sûreté nucléaire a été obligée d'avaler son chapeau et de donner son feu vert provisoire à Flamanville, dont la marge de sûreté a été réduite de 50%, ne manque évidemment pas d'audace ! Et que dire de tous les défauts retrouvés dans les réacteurs français, qui expliquent que jusqu'à 20 réacteurs ont été mis à l'arrêt en même temps. Enfin, n'oublions pas la sympathique société de défaisance d'Aréva, calquée sur le fameux modèle du CDR qui a coûté une fortune aux Français, et dans laquelle a été logée la dette d'Aréva (7Mds, et les risques de l'EPR finlandais -déjà plus de 2 milliards et les dommages qui devront être versés du fait des malfaçons du Creusot-).

Enfin, se glorifier des projets de vente d'EPR à l'étranger rappelle fâcheusement les envolées lyriques de Madame Lauvergeon qui se vantait de 16 projets de vente pour 2015... la France n'a pas vendu un EPR depuis 2007 (mis à part la Grande-Bretagne et qui n'est pas à proprement parler une vente internationale puisque l'opérateur est français). N'oublions pas que le réacteur finlandais n'est toujours pas en service, que Flamanville démarrera peut-être mais en faisant courir un risque inadmissible à la population française et que dans ces conditions, qu'il s'agisse du coût (10 milliards le réacteur) ou du risque, on voit mal quel Etat accepterait aujourd'hui de commander un EPR.

Bref, une fois encore et malheureusement, les autorités françaises font du nucléaire l'alpha et l'oméga de leur politique industrielle et diplomatique pendant que les allemands, les pays du nord, les espagnols, les japonais, les coréens essayent de devenir des champions du monde des énergies renouvelables. Qui se trompe de siècle?

 

  •  
    Corinne Lepage Avocate, Ancienne députée européenne Cap21, ancienne ministre de l'Environnement

 

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"Monsieur Macron, la fin de l'hébergement inconditionnel est une déshumanisation venue du plus haut de l'État"

"Monsieur Macron, la fin de l'hébergement inconditionnel est une déshumanisation venue du plus haut de l'État" | Re Re Cap | Scoop.it

J'en appelle à vous, à votre générosité, à votre humanisme et à votre indulgence. Vous êtes homme d'esprit, avec cette intelligence aiguë, vive et parfois mordante.

 

Monsieur le Président,

 

Lors de votre campagne présidentielle, je me suis penché et investi sur votre programme. J'ai d'ailleurs modestement mais activement contribué à l'écriture d'une partie de celui-ci, notamment dans le groupe "pauvreté".

 

Nous avons même commis une tribune dans l'entre deux tours, qui affirmait que "voter pour vous le 7 mai, c'était voter pour plus de solidarité".

Tribune que je n'ai eu de cesse d'afficher sur mon compte twitter en "tweet épinglé", comme un cri, un espoir, un rappel d'une situation dont je ne voyais pas de signes significatifs depuis le début de votre mandat.

 

L'une de mes contributions, la première, se nommait très exactement: "Pour un hébergement d'urgence diffus, pérenne et inconditionnel..." Tout était dit dans le titre...

 

J'y rappelais que les professionnels comme les associations de bénévoles œuvrant dans le secteur de l'urgence sociale, se retrouvaient confrontés quotidiennement au manque de places disponibles et donc de prise en charge de ces populations.

 

Que ce principe hypocrite de la "gestion au thermomètre" des sans-abri ne devait plus être admissible dans ce "nouveau monde" en devenir. Parce que cette logique qui présidait depuis toujours, et aujourd'hui encore, consistait à abandonner les personnes dès que les températures remontent.

Les gens passent de la rue à l'hébergement précaire, pour retourner à la rue... et n'accèdent jamais à un logement stable. 70 % des personnes qui appellent le 115 sont déjà connues des services sociaux. Sur les dix dernières années, on constate une augmentation de 44 % du nombre de sans-abri, avec 150.000 personnes à la rue lors du dernier recensement. En décembre 2016, seule une personne sur deux est arrivée à obtenir une réponse positive à sa demande d'hébergement au 115.

Je rappelais que les demandes de logement de familles avec enfant augmentent largement d'années en années, et qu'au 115, ces familles représentent maintenant plus de 40 % des appels. Dans la plupart des cas, il s'agit de gens issus de bidonvilles ou de squats régulièrement soumis à des expulsions et donc privés de tout accompagnement social. Or, le parc d'hébergement actuel est conçu sur le modèle de l'homme isolé célibataire. Il n'est plus adapté. L'État recourt aux nuitées d'hôtels où les conditions de vie sont indignes. Et les familles de demandeurs d'asile qui n'obtiennent pas de place en centre d'accueil viennent également grossir les rangs.

L'État a la charge d'assurer à toute personne sans-abri et en situation de détresse médicale, psychique ou sociale un hébergement d'urgence. La loi précise que «toute personne sans abri en situation de détresse médicale, psychique et sociale a accès, à tout moment, à un dispositif d'hébergement d'urgence", ce qui est loin d'être la réalité.

Le département, qui est chargé d'une mission de protection de l'enfance, n'est susceptible d'intervenir qu'à deux titres. Mais l'État ne peut plus et ne sait plus gérer les nouvelles conditions que la précarité grandissante et que les vagues migratoires successives font de l'hébergement d'urgence. Néanmoins, il se doit de continuer à soutenir des délégations que l'échelle communale et intercommunale doit prendre en compétence...

Nous devions, devons donc imaginer de nouvelles solutions durables comme celle d'un hébergement diffus, permanent et réparti entre les communes sur de petites unités, en fonction de leurs capacités d'encadrement et de leurs moyens.

Dans les années 60, plus de 65.000 personnes vivaient dans des bidonvilles et la France a fait un choix juste en agissant pour la résorption de l'habitat indigne. Aujourd'hui, on estime que 20.000 personnes vivent dans des bidonvilles et beaucoup sont bloquées aux marges de l'hébergement d'urgence. Alors que le défi est sans commune mesure par rapport à ce qu'il fut il y a cinquante ans, les issues semblent plus éloignées que jamais!

L'état doit fortement impulser un principe de quota d'hébergement d'urgence à l'identique de la loi SRU, sur la base du décret du 13 décembre 1994 sur les résidences sociales. Ce décret doit servir de cadre réglementaire à ce type de logement avec quelques adaptations, comme déroger à la règle fixant à deux ans la durée maximale du séjour.

Les lieux éclatés ou diffus correspondent mieux aux besoins actuels des personnes seules, en couple, avec ou sans enfants. Leur situation présente ne leur permet pas de prétendre à l'accès direct à un logement, en l'absence de ressources suffisantes, d'une situation administrative non à jour, ou encore de problématiques de santé ou d'addiction.

De plus, en raison d'une recrudescence en matière de violences conjugales, un accueil de ce type privilégie aussi l'accueil des femmes ayant rencontré cette problématique.

Des habitations communautaires de petites tailles doivent être créées et généralisées pour permettre à des personnes en phase de désocialisation de renouer des liens avec la société. Ce serait des lieux d'hébergement où ils pourraient rester sans limite de temps.

Ils y trouveraient un ou des hôtes qui leur donneraient le coup de main nécessaire pour revivre dignement.

Une répartition diffuse de l'accueil permettrait de développer l'offre quantitative et donc le nombre de places d'hébergement d'urgence nécessaire, sans créer de lieux ingérables ; la petite dimension des lieux permet aussi d'accentuer les aspects qualitatifs des services et de l'encadrement des populations accueillies. Le 115, le SAMU Social ou d'autres partenaires adresseraient des personnes sans domicile fixe (hommes, femmes, de tous âges et familles avec enfants) vers l'hébergement. L'objectif étant de stabiliser des personnes dans un habitat durable et adapté à leur problématique physique, psychologique et sociale. Un habitat communautaire de petite taille, associant la jouissance de logements privatifs à la présence de lieux collectifs pour partager les repas ou les loisirs. Ces structures pourraient également prévoir l'accueil de personnes accompagnées d'animaux.

L'accueil doit se dérouler suivant les prestations définies par la loi. L'hébergement d'urgence doit permettre, dans des conditions d'accueil conformes à la dignité de la personne humaine, de bénéficier de prestations assurant le gîte, le couvert et l'hygiène, une première évaluation médicale, psychique et sociale, [...] et d'être orientée vers tout professionnel ou toute structure susceptibles de lui apporter l'aide justifiée par son état.

Lorsque la loi parle d'accueil immédiat et inconditionnel, celle-ci concerne toute personne, quelle que soit sa situation administrative. Les demandeurs d'asile, les personnes en situation irrégulière ou les ressortissants de l'Union Européenne démunis d'autorisation de travail doivent donc être pris en charge, sans distinction de statut administratif en centre d'hébergement d'urgence.

Aucune discrimination ne saurait se justifier légalement pour distinguer les prestations offertes à ce public.

Mais aujourd'hui, votre ministre de l'Intérieur, Monsieur Gérard Collomb, et son homologue de la cohésion des territoires, Monsieur Jacques Mézard, cosignent une circulaire mettant fin à l'hébergement inconditionnel, permettant par la même occasion à des équipes mobiles de l'Office français de l'immigration et de l'intégration de vérifier l'identité des personnes bénéficiaires d'une place en centre d'hébergement d'urgence, afin de faire sortir les sans-papiers du dispositif, et de libérer des places pour les personnes sans domicile fixe en situation régulière, alors que dans bien des régions, les Samusociaux sont débordés.

Monsieur le Président, j'en appelle à vous, à votre générosité, à votre humanisme et à votre indulgence. Vous êtes homme d'esprit, avec cette intelligence aiguë, vive et parfois mordante.

Et parce que vous êtes cet homme, avec le rang qui est maintenant le vôtre, vous ne pouvez cautionner une telle gestion de ces populations. Cette déshumanisation qui s'opère au plus haut de l'état, est aux antipodes des situations que nous pouvons trouver quotidiennement au sein de nos villes, de nos rues.

N'exclure personne, cela signifie aussi de ne pas oublier d'où l'on vient, et ce que nous voulons laisser à nos successeurs. Le monde compte aujourd'hui 14 millions de réfugiés et leurs histoires, tant individuelles que collectives, témoignent d'une incidence inquiétante des violations des droits de l'homme, de conflits politiques et ethniques, d'un déséquilibre économique et déjà, d'un désastre écologique.

Tant au plan de ses causes qu'au plan de son impact, le problème des réfugiés a de multiples facettes et ne peut être dissocié d'autres grands défis politiques que doit relever notre monde.

En prendre conscience c'est comprendre également la nécessité d'adapter l'action à l'ampleur de la tâche qui consiste à traiter efficacement des questions de réfugiés en gardant au centre des préoccupations les droits et les aspirations des personnes concernées.

Je reste à votre disposition, et je vous prie d'agréer, Monsieur le Président, l'expression de ma haute considération.

 

 

Fondateur du Samu Social de Grenoble, Conseiller Régional "Cap 21/Société Civile" d'Auvergne Rhône-Alpes

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