Corinne Lepage : "Monsanto n'a plus le droit de cultiver son maïs en Europe" | Re Re Cap | Scoop.it

La députée européenne, qui vient de créer une nouvelle formation politique, le Rassemblement citoyen, revient sur l'actualité des OGM en Europe.
La fondatrice de Cap21 a été reçue lundi par François Hollande. La fondatrice de Cap21 a été reçue lundi par François Hollande. © AFP
Par Hugo Domenach
Députée européenne et fondatrice du parti centriste écologiste Cap21, Corinne Lepage a été reçue lundi par François Hollande après une précédente visite en mars. Elle sera de nouveau reçue en septembre pour discuter du positionnement politique et des propositions de sa nouvelle formation, le Rassemblement citoyen, lancée fin mars. Selon elle, il s'agit d'une confédération qui doit accueillir aussi bien des personnes morales (partis, associations) que des personnes physiques et conduire des listes aux municipales dans les petites et moyennes communes. Pour Le Point.fr, elle revient sur l'actualité des OGM et du maïs MON810 de la société Monsanto, dont l'interdiction de culture en France vient d'être levée par le Conseil d'État, et juge la politique du gouvernement.


Le Point.fr : Peut-on à la fois être écologiste et se prononcer en faveur de la culture des OGM sur notre territoire ?

Corinne Lepage : Je ne crois pas qu'il faut se prononcer pour ou contre une technologie. Je suis contre l'usage des OGM tels qu'ils existent. Et je crois qu'il est difficile d'être écologiste et de ne pas avoir cette attitude. Car il n'y a pas suffisamment d'études et nous n'avons pas suffisamment de recul pour juger de l'impact sanitaire de telles cultures. Et pour l'instant, nous n'avons pas la capacité technique d'empêcher une contamination minimale entre les différentes cultures. D'ailleurs, la loi européenne prévoit que la mention "sans OGM" peut être appliquée jusqu'à 0,9 % d'OGM dans un produit, ce qui constitue un mensonge.


La France est-elle aujourd'hui souveraine pour autoriser ou refuser la culture d'OGM sur son sol ?

C'est tout le débat qui a lieu au Parlement européen. Le rapporteur du texte reprend ma proposition de permettre à un État d'interdire la mise en culture des OGM sur son territoire. Mais le texte a été bloqué en conseil des ministres. Il n'a pas obtenu la majorité. Dans ce dossier, la France a une position ambiguë. J'espère que Philippe Martin (le nouveau ministre de l'Écologie, NDLR) aura une position offensive dans ce dossier. Je m'étonne d'ailleurs que José Bové soit un des seuls écologistes européens à s'être prononcé contre ce texte.

Il y a une catégorie d'OGM dont on parle moins et dont la culture est autorisée en France, les OGM cachés. Faut-il les interdire ?

La plupart des OGM dont on parle sont obtenus par transgenèse (l'introduction d'un gène étranger dans la plante, NDLR), alors que les OGM cachés sont obtenus par mutagenèse (l'accélération de la mutation du gène, NDLR). Ce dernier procédé est couvert par une directive dictée par les lobbys. Je demande l'application de la même législation pour les deux types d'OGM. D'ailleurs, Philippe Martin semblait être plutôt aligné sur ma position.


Monsanto pourrait-il aujourd'hui cultiver son maïs MON810 en France ?

Cette variété est aujourd'hui la seule plante OGM cultivée en Europe. Le MON810 a été autorisé en 1997. À l'époque, il y avait très peu d'études faites sur le sujet et la culture avait été validée. Mais l'autorisation, qui ne dure que dix ans, est périmée. Normalement, une nouvelle autorisation aurait dû être demandée neuf mois avant la fin de la dernière. Dans le cas contraire, l'ancienne autorisation reste valable, mais que pour quelques jours. Or, en 2013, il n'y a encore rien eu. En Europe, Monsanto vit donc sur une autorisation périmée depuis longtemps. La France pourrait dénoncer cet état de fait.


Vous sortez d'un rendez-vous avec François Hollande. Considérez-vous que la politique du gouvernement se préoccupe suffisamment des thématiques écologiques ?

En ce qui concerne les préoccupations écologiques du gouvernement, pour moi, la question doit être plus large que le traitement de telle ou telle problématique. Le problème, c'est que le gouvernement ne définit pas de cap clair de la France dans dix ou vingt ans. Il est trop dans la méthode Coué et dans le déni de réalité. C'est vrai pour les enjeux écologiques qui sont colossaux. Nous avons eu une météo anormale. Il n'y a pas eu de printemps en France. Ce fut l'année la plus chaude dans le monde. Pourtant, le sujet climatique est presque sorti des radars, alors qu'il est majeur. C'est vrai pour beaucoup d'autres sujets, comme la retraite ou l'islam en France.


Il est essentiel d'avoir le courage d'affronter les problèmes. Et cela ne se traduit pas dans les choix économiques du gouvernement. Il ne s'agit pas de faire plaisir aux écolos, mais d'orienter les investissements. La Chine investit 200 milliards, les États-Unis 150 et le Japon 50 dans les économies vertes, et nous, seulement quelques centaines de milliers d'euros. Si la question posée est : est-ce que les choix économiques intègrent suffisamment la dimension écologique ? Alors, ma réponse est non. Delphine Batho a raison quand elle dit que les investissements d'avenir sont insuffisants.

Mais le problème majeur en France tient surtout à la méfiance qui devient de la défiance entre les citoyens et la classe politique nationale. Les politiques sont la catégorie de gens en qui la population a le moins confiance. C'est dû à des affaires judiciaires et à un fonctionnement des partis hors du temps. Avec le Rassemblement citoyen, j'ai pensé qu'il serait utile de construire une coopérative dans laquelle la société civile aurait un pouvoir équivalant au politique. Il faut créer un nouveau mouvement intégrant des cadres, des PME, des associatifs et tous les corps de la société pour qu'ils partagent le pouvoir avec les hommes politiques. Il faut travailler de bas en haut, et non de haut en bas, pour trouver des solutions sur la transition économique, la gouvernance et les problèmes de société.