Pesticides: une proposition de loi créant un fonds d’indemnisation | Re Re Cap | Scoop.it

Sénat : une proposition de loi créant un fonds d’indemnisation pour les victimes des pesticides

 

Sur la proposition de Madame Bonnefoy, le Sénat vient d’adopter une proposition de loi créant un fonds d’indemnisation pour les victimes des pesticides, que les maladies soient contractées ou non à l’occasion d’un exercice professionnel. Le Sénat présente cette mesure comme une mesure de justice sociale qui est due au monde agricole. Certes, on peut se réjouir que les victimes des pesticides puissent être indemnisées si tant est que les drames sanitaires liés à l’utilisation des pesticides puissent être réparés par une allocation financière.

Mais, un tel fonds d’indemnisation ne s’attaque évidemment pas au problème principal qui est celui de l’interdiction de l’utilisation de pesticides dont la toxicité est de plus en plus évidente. Au contraire, dans une certaine mesure, on peut considérer qu’un tel fonds d’indemnisation risque de contribuer au maintien de l’usage de ces produits dangereux puisque les victimes potentielles seront indemnisées. Et c’est en cela que ce fonds est problématique puisqu’il ne s’accompagne en réalité pas d’une interdiction des produits les plus dangereux. Certes le projet de plan publié le 19 janvier pour réduire la dépendance l’agriculture aux produits phytopharmaceutiques prévoit-il de s’opposer au renouvellement d’autorisation des produits les plus préoccupants. Mais en attendant, le glyphosate a été renouvelé pour cinq ans et aucune interdiction n’a été édictée. On est donc dans une situation très différente de celle du fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante créé alors que la loi avait proscrit toute utilisation de l’amiante et que par voie de conséquence il ne s’agissait que de réparer le passé. De surcroît, on observera que à ce jour, aucun responsable du drame de l’amiante qui tue 3000 personnes par an et coûte une fortune, n’a fait l’objet d’une condamnation. Bien au contraire, alors que le conseil d’État a jugé que l’État avait commis une faute lourde à partir de 1977 en laissant utiliser un produit finalement interdit qu’en 1996, la procédure pénale semble devoir se terminer par un non-lieu général !

 

Dès lors, créer aujourd’hui un fonds d’indemnisation pour les victimes de pesticides non professionnels est une première étape vers une déresponsabilisation de tous ceux qui, en toute connaissance de cause, ont mis sur le marché, autorisé, voire utilisé des produits dont la toxicité est de mieux en mieux établie. De plus, s’il est normal que ce fonds d’indemnisation ne soit pas supporté par le contribuable mais qu’il le soit par les fabricants, il est difficile de ne pas voir là une forme de reconnaissance d’un droit à polluer et à nuire qu’il ne peut évidemment pas être. En définitive, pour être vertueux, un tel fonds ne devrait être créé que pour autant qu’un plan de sortie des phytosanitaires avec interdiction immédiate à très court terme des produits les plus controversées dont le Roundup soit adopté, et que la loi précise de la manière la plus évidente qu’un tel fonds est sans incidence sur les responsabilités éventuelles des uns et des autres dans la pollution chimique majeure à laquelle nous sommes tous directement ou indirectement confrontés.

 

Corinne Lepage