« Dans dix ans, le pétrole on va en rire » | Re Re Cap | Scoop.it

Autrefois trésorier de Guyane Écologie, Harry Hodebourg vient d’être nommé délégué régional de Cap 21 – Le rassemblement citoyen. Ce mouvement politique fut initialement créé par l’avocate Corinne Lepage, ministre de l’écologie sous le gouvernement Juppé de 1995 à 1997 et est à l’origine du Modem de Bayrou. Ce parti peu audible dans les médias prône la participation citoyenne effective dans l’action politique et défend le concept d’« économie verte ». Il n’était pas représenté en Guyane. C’est aujourd’hui chose faite. Entretien avec Harry Hodebourg. 

 

Comment allez-vous organiser le mouvement ?

Dans un premier temps, la présidente Corinne Lepage et son secrétaire général Jean Rapenne m’ont nommé délégué régional. On est en cours de constitution d’une association locale indépendante dans son fonctionnement.

 

 

Avez-vous ouvert les adhésions, avez-vous des sympathisants ?

Pour l’instant, les adhésions on peut les faire directement à Cap 21 en France. On fonctionnait pareil à Guyane Ecologie. J’ai déjà pas mal de contacts, pas seulement à Cayenne mais y compris a Saint-Laurent. Là on est en cours de constitution même si ce n’est pas le moment le plus propice parce qu’il y a des gens qui ne sont pas là, malgré tout, ça prendra forme en juillet. Mais ça ne nous empêche pas de travailler sur le programme.

 

 

Que sont les lignes directrices de Cap 21 LRC Guyane ?

Le premier objectif est le rassemblement citoyen. C’est le premier pilier pour le renouvellement de la démocratie, pour sortir du système avec toujours des politiciens professionnels qui cumulent plusieurs mandats. On est engagé pour un renouvellement démocratique qui se base sur la société civile.

La deuxième chose, c’est un engagement pour une « transition économique, sociale et écologique dans un monde qui change ». Corinne Lepage a remis son rapport sur l’économie verte, avec 100 propositions, à Ségolène Royal. On estime que la Guyane ne va pas bien. La France ne va pas bien. A l’échelle de la planète, on peut pas dire que le monde va bien. Ce sont donc des propositions pour changer nos manières d’agir.

 

Avez-vous prévu de rejoindre une liste candidate à l’élection de l’Assemblée unique ?

Je n’ai rien prévu. Il n’y aura pas de liste Cap 21. Ça n’a pas été créé pour ça. C’est presque un hasard du calendrier. Je n’ai pas quitté Guyane Écologie pour des divergences. J’étais un peu dégoûté de la vie politique.

Après, sur mon compte Twitter, ils [Cap 21] ont vu que j’étais engagé, ils m’ont contacté.

Ce serait manquer de respect qu’un parti qui vient de se former parte pour les élections. Par contre on va publier un programme, travailler à des propositions et on va apporter des contributions pour le renouvellement de la classe politique.

 

Mais comptez-vous rejoindre une liste ?

Si, si, j’ai dit que je suis disponible. Mais ce n’est pas un objectif à tout prix. Je ne coure pas après tout le monde. Au moment où je vous parle il n’y a pas de contact pris, mais de fait ça va se faire.

 

Des femmes ou des hommes politiques vous ont-ils approché pour vous rejoindre ?

Oui, mais je ne peux pas les citer.

 

On entend souvent les observateurs dirent que l’éclatement de tel courant politique en plusieurs partis nuit aux uns et aux autres. La création de Cap 21-LRC Guyane ne va-t-elle pas fragiliser la posture écologiste guyanaise incarnée à ce jour par Guyane Ecologie ?

Au contraire. Plus il y a de voies et de voix – sachant que Cap 21 n’est pas qu’écologiste, mais aussi humaniste et engagé – plus c’est bénéfique à la Guyane. Électoralement, il peut y avoir un éparpillement des voix. Aujourd’hui, pour la première fois, il y a un président écologiste à la tête du pays [France]. Il ne parle que de ça ! Même le pape en parle avec son encyclique sur l’écologie.

 

Une fois formés, vous soutiendrez les groupes pétroliers, les orpailleurs, qui souhaitent s’implanter ou qui travaillent en Guyane ?

Ça c’est le passé. Dans dix ans, le pétrole on va en rire. Il va rejoindre la pierre taillée, dans l’histoire de l’humanité. Moi je suis orienté pour le futur de la Guyane : l’économie verte, l’exploitation de la biodiversité, les ressources pharmaceutiques, l’agroécologie dans un pays où on souffre terriblement de la dépendance alimentaire. Le futur c’est la connaissance.

 

On pourrait vous objecter que « la connaissance » ne fait pas vivre un pays ni même ses habitants.

Ce n’est pas la pollution qui aide non plus à mieux vivre. Ce que je veux dire, c’est qu’il faut de la connaissance qui produit des richesses. On a un centre spatial qui reçoit des satellites qu’on remonte ici. Mais il n’y a pas d’Ariane Valley autour du centre spatial. L’IUT est obligé de fermer une section autour de la technologie.

Le pétrole : on l’a vu dans les premiers sondages exploratoires, a déjà fait fuir les ressources halieutiques [Pour les cétacés et tortues marines le risque est avéré. Pour les poissons, selon le comité régional des pêches, la sismique les aurait impactés. Deux études, de l’Ifremer, de Shell, ne le confirment pas] si bien que Shell proposait un million au comité régional des pêches et des élevages marins (CRPMEM). C’est super le pétrole, mais on ne va ni le boire ni le manger.

Surtout avec les évolution technologiques. On parle souvent des énergies hydrauliques, biomasses, éoliennes … Mais avec le solaire on a l’énergie qu’il nous faut. On va faire une plateforme pétrolière qui va nous rester sur les bras.

 

Justement, la préfecture, le conseil régional, les fonctionnaires et privés de l’environnement et de l’énergie sont actuellement à l’ébauche de la programmation pluriannuelle de l’énergie. On dit que c’est la feuille de route de la politique énergétique de la Guyane pour les huit ans à venir. Elle intervient dans un contexte chahuté, avec des prix de l’énergie en hausse globale, une étude barrage controversée puis annulée, des difficultés de logement, de déplacements, une inégalité d’accès aux services de base de l’énergie. Quel est votre regard sur la politique d’aménagement du territoire et de l’énergie ?

On nous dit que sur tout le territoire il n’y a pas assez d’énergie. Il y a aussi beaucoup de coupures, les sites isolés ne sont pas reliés. Donc le service public d’électricité n’est pas bien assuré.

J’ai bien entendu que [l’ex] directeur d’Edf disait qu’on risquait d’être en stress énergétique, donc effectivement il faudra augmenter la production.

Mais la grande différence avec la majorité régionale c’est qu’ils font des simulations sur la demande d’énergie avec deux ou trois multinationales minières qui demandent en fait de l’énergie. On sait qu’ils veulent allouer jusqu’à 20 % de l’énergie à ces compagnies qui prennent deux ou trois emplois et qui ne laissent pas grand-chose aux citoyens. On fait des extrapolations en incluant des grosses consommations d’énergie, en restant toujours dans le vieux schéma où on ne fait pas d’économie d’énergie.

La première source d’énergie ce sont les négawatts, les watts qui ne sont pas produits ni consommés. Pour autant, il faut se donner les moyens. Sur le barrage, José Gaillou [conseiller régional Guyane Ecologie] avait dénoncé le conflit d’intérêt, mais aussi l’idée même du barrage. J’ai toujours été solidaire de ce point. Les barrages c’est une technologie dépassée.

Bon ils ont fait marche arrière. Mais ce sont des éclairés tard.

Dans l’urgence, pour les dix ans, il faudra moderniser la centrale de fuel sans verser dans une utopie. Aujourd’hui on a déjà toutes les graines d’un bouleversement énergétique. L’Australie, dans moins de dix ans aura 50 % de son pays en solaire. On pourrait être autosuffisant d’ici une quinzaine d’années avec les énergies renouvelables. Il ne faut pas paniquer, et chercher des solutions innovantes.

Après je dénonce une certaine incohérence : le groupement Guyane Énergie Climat [antenne régionale dont l’élue déléguée est Hélène Sirder]. Ces mêmes gens qui sont là, nous disent qu’il y a trop de zones protégées. On ne peut pas dire qu’on s’engage pour le climat et être engagé pour l’exploitation minière…

 

Vous n’avez pas répondu tout à l’heure par rapport à l’orpaillage légal. Soutenez-vous cette activité ?

L’orpaillage, je suis contre. Pourtant comme beaucoup de Guyanais, mon arrière grand-mère est arrivée en Guyane en 1934 pour travailler l’or à Saül. Sauf qu’aujourd’hui, l’or c’est un peu dépassé.

J’entends bien qu’on puisse faire une exploitation raisonnée, moderne, mais je demande à voir. Tant qu’il y aura de l’orpaillage légal, il y aura de l’illégal car l’orpaillage légal détecte des sillons vers lesquels vont les illégaux. C’est la réalité du terrain, la réalité géologique. Voire ils se réinstallent sur des sites que l’orpaillage légal a délaissé pour encore gratter les restes. Donc compte-tenu du dégât environnemental mais surtout humain, on ne peut pas se dire qu’on est humaniste en encourageant l’orpaillage, avec les dégâts, notamment sur les populations du fleuve.

La mine ce n’est pas que l’or. Il y a d’autres ressources non exploitées, donc je ne suis pas contre les miniers à 100 % mais il faut des miniers responsables et des retombées locales, je pense notamment aux terres rares. Il y a des gisements identifiés, mais il y a une mise sous cloche…

 

… une mise sous cloche par qui ?

Par l’État. On sait qu’il y avait des gisements d’autres minerais et que l’État n’a pas souhaité une exploitation de ça.

 

Vous nous dites, « l’orpaillage je suis contre », et maintenant vous plébiscitez l’extraction des gisements miniers, l’exploitation des terres rares. Il y a une contradiction.

Non il n’y a pas de contradiction, car je vous ai dis que l’exploitation de l’or techniquement est particulièrement néfaste. Mais toutes les exploitations ne sont pas identiques.

Ce n’est pas pareil pour les autres minerais. Quand on part sur une nouvelle exploitation, il faut trouver un équilibre, entre l’agression du territoire comme ça se fait par l’orpaillage et une exploitation plus moderne. L’or a déjà fait ses preuves sur l’agression. (…) La Guyane doit participer au progrès.

 

Le 21 mai, le Mdes a réclamé la tenue d’un congrès des élus pour statuer sur une demande de rétrocession foncière. Il semble que sous la pression des parlementaires et de l’exécutif régional Paris consente mollement à se séparer de plusieurs dizaines de milliers d’hectares. Pourquoi selon vous le gouvernement bloque-t-il à rétrocéder du foncier ?

Si il y a bien un sujet qui fait l’unanimité c’est bien cela. Ce n’est même pas que les élus. L’ensemble des Guyanais ne comprend pas que l’État s’approprie 90 % des terres. Je pense que c’est le seul sujet qui fait consensus.

On a besoin des terres pur bâtir, pour l’agriculture. L’État, évidemment ne veut pas rétrocéder parce que si vous avez 100 euros et que je vous les demande, vous préférerez les garder. L’État a un patrimoine qui a une valeur, c’est de la cupidité, de l’égoïsme. Un sentiment humain, même si l’État est une entité abstraite. On subit une certaine forme de discrimination parce qu’il n’y a qu’en Guyane qu’il y a cette situation. Mais je pense que ça va bouger.

 

Pour finir, puis-je vous demander quel est votre métier ?

Chef d’entreprise. Je tiens un salon de relaxation.