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Fessenheim est le symbole de l’hypocrisie énergétique française

Fessenheim est le symbole de l’hypocrisie énergétique française | Re Re Cap | Scoop.it

La décision du Conseil d’État, jeudi 25 octobre, d’annuler le décret de fermeture de la centrale nucléaire de Fessenheim révèle, selon l’autrice de cette tribune, l’hypocrisie d’un système énergétique sur lequel le pouvoir politique n’a pas de prise.

 

L’annulation du décret de fermeture de Fessenheim par le Conseil d’État est apparue comme une forme de scandale : comment l’absence de délibération correcte (sans doute tout à fait volontaire) de EDF (dont l’État possède 84 % des parts) pour demander la fermeture de la centrale peut-elle primer sur une volonté politique très clairement affichée ? Pourtant, le scandale n’est pas dans la décision du Conseil d’État, même si ce dernier a toujours validé (sauf pour Creys-Malville) toutes les décisions, même les plus illégales, dès lors qu’elles défendaient le nucléaire. Il est dans l’organisation même du système. En fait, Fessenheim est le symbole de la parfaite hypocrisie du système, qui semble s’inscrire dans l’État de droit mais qui n’est qu’une stratégie permanente de contournement des règles.

Contournement tout d’abord des normes de sécurité qui conduit à une prise de risque délibérée. Cette centrale, construite dans une zone hautement sismique, en contrebas de plus de 8 m du canal du Rhin, avec une simple enceinte de confinement, sans tour de refroidissement, est en elle-même le modèle de ce que l’expérience nous a appris à éviter si nous ne souhaitons pas Fukushima chez nous. D’où l’exaspération de nos voisins et la concentration de la contestation européenne sur cette centrale. Mais il y a plus grave encore.

  • Incapable de respecter les normes européennes en ce qui concerne la concentration des produits chimiques dans l’eau, EDF a obtenu néanmoins l’autorisation de fonctionner par dérogation, l’absence de motivation de ces dérogations ayant fait l’objet d’un arrêt du Conseil d’État sans aucun effet puisque le même arrêté a été repris sans davantage de motivation. La seule motivation est qu’il n’est pas possible de faire autrement… mais est-ce une motivation ?
  • Incapable de respecter les règles de sûreté mises en œuvre en ce qui concerne la tenue des générateurs de vapeur, puisque certains générateurs de vapeur de Fessenheim font partie des pièces falsifiées construites au Creusot. EDF a obtenu de l’Autorité de sûreté nucléaire le droit de fonctionner sans que les règles de qualité ne soient remplies et sans que les critères initiaux ne soient satisfaits…
  • Incapable enfin de respecter les propres règles que l’Autorité de sûreté nucléaire vient de fixer pour la fermeture. En effet, l’Autorité de sûreté nucléaire vient de reconnaître que, faute d’avoir fait les travaux nécessaires à une prorogation au-delà de 40 ans ni même de les envisager, Fessenheim devait fermer une fois passé le délai de 40 ans. Sauf que ce délai est passé, puisque la centrale a été mise en service le 1er janvier 1978… elle aurait dû fermer au 31 décembre 2017. Mais là encore, contournement des règles puisque le délai est computé non pas à partir de la mise en service mais en computant le délai par tranche de 10 ans, en se fondant sur les visites décennales qui ont été repoussées au fur et à mesure du temps. La dernière visite décennale ayant eu lieu en 2012, cela donne un délai à 2022.. soit 45 ans.

Il serait peut-être temps d’appliquer à l’industrie nucléaire des règles de rationalité

Le deuxième système de contournement mis en place est purement financier. Pour « accepter » la fermeture de Fessenheim, EDF a obtenu de l’État le versement d’une indemnité de 400 millions d’euros plus le manque à gagner résultant d’un fonctionnement possible de 50 ans. On croit rêver ! Il s’agit tout simplement d’une supercherie destinée à contourner les règles d’aides d’État qui interdisent à la France de continuer à subventionner comme elle le fait le système nucléaire. Rappelons que le contribuable a déboursé la bagatelle de 7 milliards d’euros en 2017 pour renflouer Areva et EDF, la première étant en faillite et la seconde fort mal en point. Mais, la fermeture de Fessenheim étant maintenant décidée par l’ASN pour cause de manquement aux règles de sûreté indispensables au prolongement de la durée de vie au-delà de 40 ans, il n’existe plus aucune raison pour que le contribuable se voie contraint de verser la moindre indemnité à EDF. A fortiori, cette centrale ne présentant évidemment pas les qualités nécessaires et ce d’autant plus que les règles post-Fukushima y sont inapplicables, EDF ne dispose d’aucun fondement juridique pour demander quelque autre indemnité que ce soit. Il serait peut-être temps d’appliquer à l’industrie nucléaire des règles de rationalité, d’admettre ce que tous les autres pays ont admis, à savoir l’absence de rentabilité de cette énergie et de développer réellement et massivement le renouvelable, le stockage et l’efficacité énergétique. Ce n’est visiblement pas la stratégie choisie, la France continue à investir massivement dans cette industrie du passé et, pour éviter les fourches caudines de la Commission européenne, la pseudo indemnisation de Fessenheim est une trouvaille.

Enfin, le comble de l’hypocrisie réside dans l’organisation juridique, qui prive le pouvoir politique de réaliser ses choix énergétiques. En effet, le Code de l’environnement dans sa rédaction actuelle exclut toute intervention du pouvoir politique pour fermer une centrale nucléaire et donc appliquer les choix énergétiques qu’il prétend faire. Une centrale nucléaire ne peut fermer que si l’exploitant le demande ou si l’Autorité de sûreté nucléaire l’exige pour des raisons de sûreté. Dans ce cas, le pouvoir politique peut également agir sur avis de l’ASN. EDF ayant décidé de porter la durée de fonctionnement de ses centrales nucléaires à 50 ans - c’est ce qui figure dans sa comptabilité comme si l’ASN n’existait pas –, elle n’a aucune raison de demander leur fermeture. Sa seule obligation consiste à respecter le plafond –et non le plancher comme elle le soutient – de production d’électricité nucléaire prévu par la loi. D’où la contrainte de demander la fermeture de Fessenheim si Flamanville ouvrait un jour….

Il est donc indispensable de sortir de l’hypocrisie et de modifier la loi pour permettre au gouvernement de décider, pour des raisons de politique énergétique, de la fermeture de centrales nucléaires. Ne pas procéder à ce changement équivaut à continuer à prendre les Français pour des imbéciles en prétendant faire des choix que l’on est dans l’impossibilité de réaliser.

En définitive, l’arrêt du Conseil d’État a pour avantage de nous ramener dans la réalité et non dans la fiction dans laquelle nous avait introduit le « faux » décret de fermeture de Fessenheim. La programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) et les limites évidentes de l’exercice qui résulte de l’absence de pouvoir juridique du gouvernement confortée par l’inutilité totale de ses représentants au conseil d’administration — qui s’abstiennent sur les sujets majeurs pour cause de conflits d’intérêts — doivent conduire à sortir de l’hypocrisie et à répondre enfin au souhait d’une majorité de Français : organiser une sortie raisonnée et rationnelle du nucléaire.

 

Corinne Lepage est présidente de Cap21/Le Rassemblement citoyen.

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#ParlonsVrai : Fessenheim, stop ou encore?

#ParlonsVrai : Fessenheim, stop ou encore? | Re Re Cap | Scoop.it
La centrale de Fessenheim (Crédit : Wikipedia Commons)

 

Aujourd’hui, le conseil d’administration d’EDF doit statuer sur l’acceptation ou non de l’indemnisation prévue pour la fermeture de Fessenheim. On croit rêver ! En réalité, le gouvernement a tout faux depuis le début sur la question de Fessenheim et la question de la dangerosité est parfaitement mal posée. Depuis le début, le gouvernement a tout faux, dans la mesure où la question de la sûreté et la question du changement de politique énergétique ont été mélangées.

En effet, l’annonce de la fermeture d’une centrale nucléaire, en l’espèce Fessenheim, devait être le premier acte concret du changement de politique énergétique de la France et le premier acte symbolique de la réduction de la part du nucléaire dans le mix énergétique. Poser la question sous cette forme permet de comprendre la bataille menée par EDF et de manière plus générale le lobby nucléaire pour s’opposer à tout acte concret qui pourrait suggérer un changement dans le mix énergétique. Quoiqu’il en soit, ayant décidé de réduire la part du nucléaire à 50 % en 2025, le gouvernement par la même décidait de la fermeture de 15 à 17 réacteurs selon la Cour des Comptes. Pour arriver à ce résultat, il est évident qu’il fallait commencer au cours du présent quinquennat cette nouvelle politique. C’est un choix politique et il devait donc s’imposer comme tel.

Autrement dit c’était à l’État d’imposer à EDF la fermeture des réacteurs qu’il avait décidée, la question de l’indemnisation ne devant en réalité se poser que pour les actionnaires étrangers dont il semblerait de surcroît qu’ils étaient prêts à ne rien demander. De plus, la position d’EDF de réclamer une indemnisation est d’autant plus choquante que dans le même temps elle refuse de payer les dividendes dus à l’État pour 2016 soit plus de 2 milliards d’euros et réclame une recapitalisation à hauteur de plusieurs milliards. Elle est donc particulièrement malvenue à exiger, en raison d’un choix énergétique de l’État une indemnisation. La question de l’emploi pouvait naturellement être évoquée sauf que la fermeture de Fessenheim n’implique évidemment pas la perte d’emplois de ceux qui travaillent puisque la maintenance et tous les travaux nécessaires à la mise à l’arrêt puis à la procédure des démantèlements justifient bien évidemment de très nombreux emplois. Personne ne s’est jamais donné le mal d’apprécier réellement le nombre d’emplois concernés et la capacité d’EDF de reclasser ces personnels dans les autres centrales nucléaires, voire de les former pour leur permettre d’accéder à des emplois dans les énergies renouvelables ,secteur infiniment plus propice à l’employabilité. Mais ce n’est pas la voie choisie par le gouvernement qui a décidé de s’en remettre à EDF pour décider de la fermeture des centrales nucléaires. Ce choix absurde conduit à demander à une entreprise et ses salariés à se faire hara-kiri, ce qui n’a aucun sens. Ce choix est un choix de la Nation et il doit donc être imposé à EDF.

 

Mais le choix de Fessenheim n’était pas un hasard. Non seulement cette centrale comporte des risques intrinsèques liés à sa situation (risque sismique auquel s’ajoute un risque d’inondation, lesquelles peuvent être cumulées), mais de surcroît, sa sûreté et sa sécurité sont en cause. En effet, cette centrale qui est la plus vieille, n’a pas de double enceinte de confinement, n’a pas de tour de réfrigération, pollue l’eau en dehors de toute limite légale (de telle sorte qu’il a fallu attendre 2015 pour qu’elle dispose d’un arrêté de rejet liquide chimique qui n’est qu’une somme de dérogations). À cela s’ajoute un défaut récemment constaté sur le générateur de vapeur du réacteur numéro deux à la suite des malversations commises au Creusot et qui ont donné lieu à une saisine du parquet par l’autorité sûreté nucléaire. Ceci explique qu’un des deux réacteurs ait été mis à l’arrêt. S’ajoutent à cela des demandes réitérées du gouvernement allemand de fermer cette centrale et le fait qu’elle est considéré comme le symbole d’une centrale dangereuse par les parlementaires européens qui siègent à Strasbourg. Certes, l’autorité de sûreté nucléaire a non pas prolongé la durée de vie de la centrale puisqu’en droit français aucune durée de vie n’est fixée, mais fixé de nouvelles prescriptions après la troisième visite décennale. Elle n’a pas non plus demandé l’arrêt définitif de la centrale mais seulement l’arrêt d’une des deux tranches pour les raisons ci-dessus indiquées. Quoiqu’il en soit ,la confusion entre l’une et l’autre de ces deux raisons conduit à la situation ubuesque actuelle.

De toute façon, et quelque soit la décision prise aujourd’hui, Fessenheim ne sera pas fermée avant la fin de quinquennat pour la simple et bonne raison qu’une procédure de fermeture dure environ deux ans. EDF déposera peut-être une demande de fermeture mais l’autorisation de fermer ne peut intervenir avant 2019…. Et une demande peut toujours être retirée… bref, Monsieur Lévy a joué la montre. Mais, contrairement à ce qu’il croit, le temps joue contre lui.

 

Le nucléaire est de moins en moins rentable, de plus en plus dangereux du fait de la vétusté et de la capacité d’EDF à faire face à ses obligations. Monsieur Chevet, président de l’autorité de sûreté nucléaire, a lui-même affirmé lors de ses vœux l’inquiétude qui était la sienne devant les difficultés d’EDF à faire face à ses obligations pour des raisons financières. Si tel est le cas, alors la sûreté n’est plus assurée et les conséquences doivent en être tirées.

 

Vous connaissez mes engagements politiques, mais ma vie ne se limite pas à de la politique politicienne. Avocate, j’ai plaidé dans de nombreuses affaires liées à la défense de notre environnement. A travers de nombreux ouvrages j’ai décrypté le monde tel qu’il est et proposé des solutions pour améliorer certes notre environnement, mais aussi les conditions de vie de ceux qui le peuplent, de tous ceux qui espèrent mieux y vivre, de vous, de moi, de nous citoyens.

 

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Le rendez-vous en "off" de Corinne Lepage à l'Elysée

Le rendez-vous en "off" de Corinne Lepage à l'Elysée | Re Re Cap | Scoop.it

C'est un drôle de rendez-vous qui a eu lieu à l'Elysée, lundi 29 juillet. Le président de la République, François Hollande, a reçu "une quarantaine de minutes" l'écologiste centriste Corinne Lepage.

"Cette rencontre était prévue depuis trois mois. Et ce n'était pas inscrit à l'agenda, explique la députée européenne. Nous nous étions vus en mars, déjà en 'off', pour parler du lancement de mon mouvement, le Rassemblement citoyen, et nous avions convenu de nous revoir trois mois après", continue l'ancienne ministre d'Alain Juppé.

Mme Lepage, présidente de Cap 21, un petit parti écologiste centriste, a en effet lancé fin mars le Rassemblement citoyen, une confédération qui doit accueillir aussi bien des personnes morales (partis, associations) que des personnes physiques. "C'est une coopérative de gens conscients des difficultés de notre pays. Nous voulons faire bouger les choses de bas en haut. Il faut lutter contre la ségrégation entre le politique et la société civile", expliquait alors Mme Lepage.

 

 

" Conversation politique "
Le Rassemblement citoyen est ambitieux : il veut conduire des listes aux municipales dans les petites et moyennes communes et " dépasser le clivage droite-gauche ". Même si Corinne Lepage ne veut travailler ni avec l'UMP ni avec l'Union des démocrates et indépendants (UDI) de Jean-Louis Borloo, mais seulement avec le centre et le centre-gauche.
 Les " axes principaux " de ce mouvement sont, entre autres, la sortie progressive du nucléaire et du pétrole ; " le retour à l'idéal républicain " (laïcité, non-cumul des mandats, lutte contre la corruption), ou encore " encourager l'esprit d'entreprise ". C'est justement pour parler de tout cela, selon Mme Lepage, que ce rendez-vous avec le chef de l'Etat a eu lieu. " Nous avons eu une conversation politique. Le Rassemblement citoyen intéresse beaucoup François Hollande. C'est pour cela d'ailleurs qu'il a souhaité que cette rencontre soit rendue publique ", assure Mme Lepage.
 Selon l'ancienne vice-présidente du MoDem, le chef de l'Etat a émis le souhait de " recevoir en septembre une délégation du Rassemblement citoyen à l'Elysée ".
 Est-ce un prélude à une future collaboration entre l'avocate spécialiste en droit de l'environnement et le président de la République ? " Si on me demande de revenir, c'est que notre démarche l'intéresse ", veut croire Corinne Lepage, même si son entrée éventuelle au gouvernement n'est pas à l'ordre du jour.
 En revanche, du côté de l'Elysée, l'on " s'étonne de l'intérêt porté à cette rencontre ". Et l'on se refuse à tout commentaire - notamment savoir si cette rencontre a été faite pour énerver Europe Ecologie-Les Verts -, tout en étant un brin moqueur. " La question des Verts a été abordée lors de notre premier rendez-vous ", affirme, quant à elle, Mme Lepage.
 D'autres sujets ont tout de même été évoqués lors de cette rencontre. Comme les questions autour de la méthode de gouvernance et des moyens de lutter contre " l'élargissement du fossé entre société civile et politiques ". Mme Lepage et M. Hollande ont aussi échangé autour des thèmes " écolos " comme " les questions de transition énergétiques " ou encore " la grande inquiétude " de la députée européenne autour de la centrale nucléaire de Fessenheim. 

 Abel Mestre
 © Le Monde

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L'état de nos centrales le montre, le choix de l'énergie nucléaire est dans une impasse

L'état de nos centrales le montre, le choix de l'énergie nucléaire est dans une impasse | Re Re Cap | Scoop.it

L'état de nos centrales le montre, le choix de l'énergie nucléaire est dans une impasse.

 

Toute l'infrastructure nucléaire et tous les projets sont mis en cause pour des raisons diverses...

 

La France a incontestablement été un des leaders mondiaux du nucléaire même si la dépendance des centrales PWR à Westinghouse n'a jamais été réellement soulignée. Mais elle ne l'est plus. On peut le regretter tant sur le plan Industriel que sur le plan technologique, mais c'est une réalité. Du reste, les déboires rencontrés sur la construction des EPR sont expliqués par Areva et la filière nucléaire par une perte de savoir-faire liée au départ à la retraite des concepteurs et constructeur des centrales nucléaires du programme Messmer. Mais, les difficultés technologiques et techniques auxquelles se heurtent EDF comme Areva ne se limitent pas à l'EPR et c'est en réalité toute l'infrastructure nucléaire et surtout tous les projets qui sont mis en cause pour des raisons diverses.

 

 

Tout d'abord, le choix de l'EPR se révèle être un fiasco industriel, économique et financier. Ce réacteur de troisième génération, conçu en réalité à la fin des années 80 et au tout début des années 90 (comme ministre de l'environnement 1995, j'ai eu à le connaître), s'est révélé beaucoup plus onéreux que prévu (de l'ordre de 10 milliards d'euros le réacteur en l'état actuel des choses), soumis à des difficultés techniques particulières liées à sa conception et par voie de conséquence impossible à exporter. On se souvient encore des envolées lyriques de Madame Lauvergeon qui évoquait la vente de 34 EPR avant 2020! En réalité, nous en avons vendu trois en 2007, Hinckley Point ne pouvant être considéré comme une exportation puisqu'EDF est l'exploitant d'Angleterre. Et surtout, le feu vert qui serait donné par l'autorité de sûreté nucléaire malgré les anomalies graves relevées dans la cuve et le couvercle de Flamanville n'a rien d'encourageant. Comme l'a souligné un des membres du comité d'experts chargés de rendre un avis, qui accepterait d'acheter une voiture dont les marges de sécurité seraient réduites de 50 % ? Ce feu vert donné du bout des lèvres, par l'autorité de sûreté nucléaire n'a été rendu possible que par un décret scélérat autorisant les dérogations à la réglementation directe nucléaire. Il va de soi que tous ceux qui ont participé à cette opération en porteront à titre personnel la responsabilité. Ce saut dans le vide s'explique par le château de cartes qui menaçait de s'écrouler en cas de refus de validation de la cuve et du couvercle de la part de l'autorité de sûreté nucléaire. Dans ce cas, la Commission Européenne refusait de valider la recapitalisation d'Aréva, Hinckley point ne se faisait pas, nos partenaires chinois étaient en droit de se retourner contre Areva et EDF ne pouvait pas faire face à ses obligations financières. Ce sont donc des raisons purement financières et non pas de sécurité qui sont à l'origine de ce feu vert ce qui bien évidemment en cas de problème conduira à rechercher la responsabilité des décideurs, quels qu'ils soient. Mais, quoi qu'en dise l'industrie du nucléaire, l'EPR n'a pas d'avenir compte tenu de son coût et de son incertitude technologique. Il faudra donc se tourner éventuellement vers d'autres types de réacteurs, ATMEA ou autre que la France ne fabrique pas aujourd'hui. L'EPR est donc une technologie en voie d'extinction...

 
 

Et, les soucis ne se limitent pas à l'EPR mais concernent les réacteurs en activité. Il faut rappeler qu'EDF considère comme acquise la prolongation à 50 ans de ses centrales nucléaires hormis Fessenheim. C'est aller bien vite en besogne et considérer de manière très méprisante l'autorité de sûreté nucléaire, assimilée à un organisme à la botte de l'exploitant. Les anomalies détectées sur la cuve de Flamanville ont conduit à découvrir de véritables malversations et des falsifications de documents au Creusot dans la réalisation d'autres cuves de réacteurs en activité. Et le repérage des mauvaises pratiques ayant continué, l'autorité de sûreté nucléaire a donné un délai au 31 octobre à EDF pour fournir le programme de revue de tous les composants fabriqués sur le site et un délai au 31 décembre 2018 pour avoir achevé les travaux correspondants, qui pourraient nécessiter des arrêts de tranche. Un premier document publié en septembre 2017 fait état de 471 irrégularités concernant les pièces de 12 des 18 centrales nucléaires françaises. Une paille ! La centrale de Belleville-sur-Loire a même été placée début septembre 2017 "sous surveillance renforcée", une première dans l'histoire nucléaire française qui résulte des "carences" constatées par l'autorité de sûreté nucléaire de la part de l'exploitant. Ces défauts viennent s'ajouter aux désordres constatés au début de l'année 2017 par l'IRSN sur le défaut de mesure sur le système d'injection d'eau de secours des 34 réacteurs de 900 MW. Non seulement c'est extrêmement grave car en cas d'accident, cette situation peut mettre en péril le refroidissement du réacteur mais, sur le plan procédural cela démontre l'absence totale de contrôle par EDF de ses systèmes alors qu'elle est la première responsable de la sûreté.

 

 

Et, la faiblesse des résultats d'EDF en 2016 et probablement 2017 viendra pour partie de la non disponibilité des réacteurs mis à l'arrêt pour des raisons de sûreté, entraînant des surcoûts dans les investissements et des non rentrées dues à l'absence de fonctionnement. Ainsi, les investissements nécessaires pour atteindre un niveau de sûreté suffisant risquent d'être élevés, voire très élevés avant même que l'autorité de sûreté nucléaire n'ait entamé la campagne d'audit préalable à une éventuelle prolongation de la durée de vie au-delà de 40 ans des réacteurs. Cette prolongation est donc très aléatoire, posant à EDF une équation insoluble sur le plan technique comme sur le plan financier. À ce tableau déjà bien noir s'ajoutent les conséquences d'un dérèglement climatique qui s'accélère. Plusieurs réacteurs nucléaires ont dû cet été être mis à l'arrêt en raison du réchauffement des cours d'eau rendant impossible une pollution thermique supplémentaire. Plus grave encore, les phénomènes extrêmes qui n'ont évidemment pas été pris en compte lors de la conception des réacteurs les mettent en péril dans les mêmes conditions que l'usine Arkema au Texas dont l'incendie à la suite du passage de l'ouragan Harvey a déjà donné lieu au dépôt d'une série de plaintes. Qu'en serait-il si c'est usine chimique que l'on a laissé brûler faute de pouvoir faire autrement avait été une centrale nucléaire ?

 

 

Les réacteurs ne sont pas seuls en cause. Le projet CIGEO d'enfouissement des déchets radioactifs à Bure, non seulement soulève des difficultés majeures en termes de financement (25 milliards selon le ministère de l'écologie 35 milliards selon l'ANDRA) mais également des difficultés techniques difficilement compréhensibles alors que le projet est à l'étude depuis plus de 20 ans. Ainsi, l'IRSN a relevé quatre points remettant en cause la conception du stockage et en particulier les conséquences d'un incendie dans une alvéole stockant des déchets bitumineux. Dans la foulée, l'autorité de sûreté nucléaire a également exprimé ses réserves sur un projet fortement contesté localement, qui ne semble manifestement pas pouvoir être engagé à court terme, voire à long terme.

Enfin, les projets d'avenir sont menacés. Il n'y en a pas pour le retraitement. EDF est contraint d'y recourir pour maintenir l'emploi à la Hague, moyennant un coût de près d'un milliard par an. Une reconversion de l'usine phare d'Aréva se posera inévitablement dans les années qui viennent. Astrid qui est un prototype de réacteurs de quatrième génération, qui réédite Superphénix (échec technique et fiasco financier à plus de 10 milliards) semble davantage regarder vers le passé que vers le futur qui pourrait bien être celui de réacteurs à thorium, si le nucléaire a un avenir. Ce réacteur qui dans le meilleur des cas pourrait connaître un avenir industriel dans les années 2050, coûterait 5 milliards, somme dont le ministère de l'écologie reconnaît lui-même qu'elle ne pourra peut-être pas être mobilisée. Quant à ITER, projet international qui vise à réaliser la fusion nucléaire, avec 10 ans de retard sur la production programmée du premier plasma (2025 au lieu de 2015) et un budget qui a explosé (20 milliards aujourd'hui), il continue à être très contesté sur le plan technique et très menacé sur le plan financier, le parlement européen étant de plus en plus réticent à accepter ce financement.

Au total, les choix technologiques que la filière nucléaire a faits ne sont manifestement pas optimaux (et c'est un euphémisme) et, mise dans l'impossibilité de sortir de ses choix, elle se trouve bien évidemment dans une impasse.

 

Corinne Lepage

Avocate, Ancienne députée européenne Cap21, ancienne ministre de l'Environnement

 

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#ParlonsVrai : sécurité ou électricité, accident ou confort, il faut choisir.

#ParlonsVrai : sécurité ou électricité, accident ou confort, il faut choisir. | Re Re Cap | Scoop.it

Le choix nucléaire était destiné à assurer l’indépendance énergétique de la France, une électricité bon marché et un approvisionnement constant.

 

En 40 ans, nous avons accompli l’exploit de perdre sur les trois tableaux. L’énergie nucléaire ne garantit pas l’indépendance puisque nous ne possédons pas d’uranium sur notre territoire (du reste l’Allemagne ne compte pas l’énergie nucléaire parmi celles qui assurent l’indépendance nationale) ; elle est en passe de devenir la source d’électricité la plus chère et elle ne nous protège pas d’un risque de black out. En revanche, le choix nucléaire n’était pas destiné à nous exposer un risque majeur… tout au moins sur le papier. Or, c’est pourtant ce qui est en train de se passer. En effet, en raison des malversations commises au Creusot, des conséquences qui en sont résultées sur les cuves et les générateurs de vapeur, sur l’absence de contrôle suffisant de la part d’EDF sur ces matériaux, des anomalies graves ont été constatées sur près de la moitié du parc nucléaire français. L’autorité de sûreté nucléaire a donc demandé la mise à l’arrêt et le contrôle d’un certain nombre de réacteurs.

 

Du fait des pressions qui ont été exercées sur l’Autorité de Sûreté Nucléaire en particulier au motif du grand froid, des redémarrages ont été autorisés alors que les règles posées par l’autorité de sûreté nucléaire sur le niveau maximal de fuites de carbone autorisées ne sont pas respectées. Dans un arrêt rendu mercredi, le conseil d’État a évidemment validé ce choix. Le mot a tout son sens.

 

En effet, le conseil d’État s’est toujours montré un allié fidèle de la filière nucléaire, refusant de voir à la fin des années 80 que le programme électronucléaire était en surcapacité et jugeant le contraire, refusant de voir l’année dernière quelque risque que ce soit lié à la centrale nucléaire de Fessenheim alors même qu’il est apparu qu’une des cuves présentait des anomalies graves et acceptant aujourd’hui de voir fonctionner des centrales nucléaires qui ne sont pas aux normes en raison de la satisfaction des besoins défendue par EDF. Quoiqu’il en soit, nous sommes arrivés à un stade où il ne faut pas choisir entre boire et conduire mais entre avoir de l’électricité ou risquer un accident majeur.

Ce choix cornélien n’est évidemment pas acceptable et seule, la production massive de renouvelable peut nous tirer de ce mauvais pas. Mais, la primauté donnée à la production d’électricité sur la sûreté l’est encore moins. Tout d’abord, elle est radicalement contraire à la directive communautaire sur la sûreté nucléaire qui fait de la sûreté une priorité absolue; d’autre part, elle nous fait courir un risque majeur pour lequel en cas d’accident, chacun est en train d’organiser son irresponsabilité. Et, le conseil d’État en validant cette priorité donnée à la production couvre d’une certaine manière en raison de sa propre irresponsabilité, la responsabilité des autres. Mais, ne nous y trompons pas.

 

Il est évident qu’en cas d’incident ou d’accident, il est bien peu probable que les responsables restent à l’abri car ils sont en définitive assez facile à identifier.

 

Vous connaissez mes engagements politiques, mais ma vie ne se limite pas à de la politique politicienne. Avocate, j’ai plaidé dans de nombreuses affaires liées à la défense de notre environnement. A travers de nombreux ouvrages j’ai décrypté le monde tel qu’il est et proposé des solutions pour améliorer certes notre environnement, mais aussi les conditions de vie de ceux qui le peuplent, de tous ceux qui espèrent mieux y vivre, de vous, de moi, de nous citoyens.
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