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Vu sa gestion absurde du coronavirus, ce n'est pas de l'État que dépendra le succès du déconfinement

Vu sa gestion absurde du coronavirus, ce n'est pas de l'État que dépendra le succès du déconfinement | Re Re Cap | Scoop.it
Une femme porte un masque pour se protéger du coronavirus et passe devant une banderole de l'artiste Regis Leger alias Dugudus, remerciant les soignants, les commerçants, les forces de l'ordre, le personnel de la poste et les agriculteurs, le 16 avril 2020 à Paris.

 

Les préfets n’ont rien de mieux à faire que de poursuivre les maires qui prennent des arrêtés pour obliger à porter des masques, alors que dans la crise du coronavirus, les collectivités s’adaptent plus vite.

 

Les relations entre collectivités et État depuis les lois de décentralisation sont très souvent conflictuelles et se focalisent généralement sur trois points: la clarification des compétences, l’allègement des contraintes normatives et les relations financières. La loi NoTRe de 2015 devait améliorer les relations entre État et collectivités, pourtant un sujet devient récurrent dans ces conflits, celui de la protection des populations et notamment les sujets de santé publique.

Soucieux de l’inquiétude de leur population au regard d’un certain nombre de technologies ou de produits, de nombreux maires ont été conduits à prendre des arrêtés pour réduire, encadrer voire interdire un certain nombre d’agissements. Il y avait eu des précédents voici une dizaine d’années avec les arrêtés anti-OGM que l’État avait violemment combattus, avec le plus souvent des succès devant les juridictions administratives. Le fait est que les maires ont finalement gagné puisque la France ne cultive pas d’OGM. Ils avaient simplement anticipé une orientation qui paraissait inéluctable dans la mesure où ces produits n’avaient strictement aucun intérêt pour les consommateurs et les populations. 

La bataille a continué depuis 2017 avec l’expansion du compteur Linky contre lequel de très nombreux maires sont intervenus pour interdire leur pose de force sur leur territoire. Fidèle allié de l’État, le conseil d’État a tranché en sa faveur en considérant que les maires n’avaient aucune compétence pour agir en la matière car la compétence avait été transférée aux communautés de communes et d’agglomération. Ce faisant, il n’a pas eu à trancher sur le fond et en particulier les questions liées à la santé (en particulier l’impact sur les électro-sensibles, les hypertendus, les diabétiques etc.), à l’utilisation abusive des données (reconnue ultérieurement), au risque d’incendie et surtout à l’absence totale d’intérêt pour 98% des consommateurs. Heureusement, les tribunaux judiciaires ont opportunément rappelé que le domicile était inviolable et que Enedis et ses sous-traitants ne pouvaient y pénétrer de force. De plus, certaines communes ont directement traité avec Enedis et ont obtenu que ne soient posés les compteurs que chez les personnes qui l’acceptaient. En conséquence, une fois encore, les maires ont peut-être perdu devant le tribunal administratif et le conseil d’État mais ont néanmoins fait progresser le sujet et défendu leur population.

Avec la question des arrêtés anti-pesticides, le sujet a changé de dimension, la question sanitaire était cette fois-ci indiscutable tant les études accablantes pour la toxicité des pesticides et en particulier du glyphosate se sont accumulées au cours des dernières années. Les tribunaux administratifs ne s’y sont du reste pas trompés puisque même si certains ont donné tort aux communes, cependant que d’autres leur donnaient raison, ils ont quasiment tous admis la toxicité du produit et la carence de l’État à protéger la population. Dans ces conditions, pourquoi avoir validé les déférés préfectoraux contre les arrêtés du maire? Tout simplement parce que l’État, effectivement titulaire d’une police spéciale en matière de pesticides, a voulu faire juger que même lorsque cette police n’était pas exercée convenablement (ce que le Conseil d’État avait estimé dans un arrêt précédent de juin 2019), les maires n’étaient pas pour autant autorisés à protéger leur population. C’est bien entendu gravissime et témoigne d’une double erreur juridico-politique:

 

- D’une part, la prétention d’un État qui fait de la prévention sanitaire un objectif plus que subsidiaire à interdire aux autorités publiques locales au motif qu’elles seraient “incompétentes”, “non-sachantes” de mettre en place des politiques de prévention

- Une fausse interprétation du principe de précaution qui en quelque sorte ne trouverait plus à s’appliquer à partir du moment où l’État aurait décidé de ne pas en faire usage. 

Le sujet du COVID-19 est une illustration à la puissance 10 de l’“absurdie” dans laquelle nous vivons. Depuis le début de l’épidémie, l’incapacité dans laquelle l’État s’est trouvé de disposer de masques l’a conduit, au lieu d’encourager tous les Français à se protéger autant qu’ils le pouvaient, à nier l’efficacité des masques voire à déconseiller leur usage et à faire croire aux Français (mais qui l’a cru) qu’ils étaient trop stupides pour savoir mettre un masque.

Désormais, non seulement l’Organisation Mondiale de la Santé recommande l’usage massif des masques mais surtout les exemples des pays étrangers démontrent que ceux qui s’en sortent le mieux sont ceux qui ont distribué des masques à leur population et ont testé leurs population pour isoler les malades. Désormais, on sait que le déconfinement est impossible sans masques. Cela signifie que cette politique au minimum stupide sur le plan sanitaire va de plus être catastrophique sur le plan économique. En effet, le déconfinement sera gagné ou perdu à une échelle locale et les villes vont jouer un rôle majeur comme l’a rappelé Carlos Moreno qui, depuis le début de cette pandémie n’a cessé de suggérer de bonnes solutions qui n’ont été adoptées que très tardivement ou pas adoptées du tout. Il n’est donc pas surprenant de voir des villes, à commencer par la Ville de Paris et sa maire Anne Hidalgo, proposer une stratégie de déconfinement le 12 avril, l’État n’ayant pas été encore capable de présenter à l’échelle nationale une telle stratégie.

De même de nombreux maires, aujourd’hui, anticipent le déconfinement, notamment en prenant des arrêtés obligeant le port du masque sur leur territoire à partir bien entendu du moment où ils permettent à leurs concitoyens d’en disposer. Ce qui est intolérable c’est que les préfets n’aient rien de mieux à faire que de poursuivre les maires qui prennent des arrêtés pour obliger à porter des masques et qu’un tribunal donne raison à l’État en considérant que c’est une atteinte aux libertés. Certes, devoir porter un masque est une atteinte à la liberté, mais devoir rester chez soi est une atteinte aux libertés bien plus considérable et si la réduction de cette atteinte en passe par le port du masque obligatoire, merci le masque!

Les collectivités territoriales s’adaptent nettement plus vite que l’État jacobin. S’il existe deux catégories de masques -les masques de protection respiratoire (type FFP2…) pour la protection du porteur, les masques chirurgicaux (masques médicaux) pour la protection de l’environnement du porteur- dont la fabrication est fortement encadrée par un règlement européen, les maires de manière beaucoup plus pragmatique face à une absence de stock, prônent l’utilisation de barrières anti-projections dont l’efficacité ne peut être optimale qu’avec un usage généralisé.  

Depuis le changement de doctrine, chaque employeur, dont les collectivités territoriales, se doit d’avoir un stock de masques pour ses employés. Les collectivités n’y dérogent pas. C’est pour ça que depuis le début du confinement les agents d’entretien de la ville de Paris portent un masque. Ces stocks sont exclusivement limités aux agents.

Néanmoins, pour parfaire les stocks pour d’autres usages, les collectivités font appel à leur réseau pour importer des masques réglementaires. Il n’est pas étonnant dès lors de voir des présidents de région et des maires de grandes villes commander directement des masques. Ainsi, Jean-Pierre Hamon, président de la fédération des médecins de France estime: “Il y a eu une défaillance totale de l’administration centrale sur les masques, c’est normal que les présidents de régions et les maires se prennent en main pour en obtenir”. 

S’il est logique qu’il y ait un contrôle et une gestion des priorités collectives, la réquisition sur le tarmac des aéroports, sans avoir prévenu personne et après l’avoir nié, des masques commandés par des régions, n’est pas logique en dehors des masques FFP2 qui doivent être destinés aux soignants en priorité et dont le circuit de distribution passe par les organes centraux de l’État. 

Les différents reculs de l’État dans la protection des populations et l’incapacité d’un état central d’être prêt face à une crise et pire encore de reconnaître son impréparation sont lourds de conséquence. C’est pour cela que les collectivités se chargent de prendre le relais pour réussir le déconfinement en temps et en heure et c’est en bonne connaissance des territoires qu’elles ont la capacité d’amorcer un redémarrage économique solide.

Et pourtant ce n’est pas la stratégie envisagée, en effet celui-ci réduit autant que faire se peut le pouvoir des maires pendant que dans le même temps le gouvernement augmente ceux des préfets par un train de déconcentration accompagné d’une liberté quasi-totale de déroger à toutes les normes. C’est une hérésie économique, sociétale et politique.

Le caractère de plus en plus liberticide et antidémocratique du fonctionnement actuel de nos institutions est lourd de menaces pour l’avenir politique mais il est à très court terme catastrophique sur le plan de la lutte immédiate contre le covid-19, pour le déconfinement et le redémarrage de l’économie puisque grâce à cette politique, la France risque de perdre un ou deux mois dans la reprise par rapport à ses voisins immédiats qui ont beaucoup mieux géré qu’elle la crise (pays du Nord et Allemagne en particulier et bien entendu par rapport à l’Asie).

Soutenons nos maires et nos collectivités territoriales contre cet acharnement insensé.

 

Corinne Lepage Avocate, ancienne ministre de l'Environnement, députée européenne de 2009 à 2014, Présidente de CAP21/Le Rassemblement Citoyen  

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L'urgence économique ne justifie pas une régression sociale dont le gouvernement a toujours rêvé

L'urgence économique ne justifie pas une régression sociale dont le gouvernement a toujours rêvé | Re Re Cap | Scoop.it

Si le projet tel que modifié par le conseil d’État et le Sénat prévoit que les mesures prises au titre de l’urgence sanitaire (prévue par la loi pour durer jusqu’au 1er avril 2021) cessent avec l’urgence sanitaire, il n’en va pas de même des mesures prises en ce qui concerne l’urgence économique.

Le gouvernement entend que des mesures prises au prétexte de l’urgence économique pourraient perdurer au-delà du maintien de cette urgence. C’est là tout le problème.

Personne ne conteste le bien-fondé d’une loi sur l’urgence sanitaire et permettant de déroger (momentanément) aux règles habituelles pour assurer la continuité des entreprises, le paiement des salariés, les règles de délai, etc… N’est pas davantage contestable sur le principe le report du deuxième tour des élections municipales même si la tenue du premier tour n’était vraiment pas une bonne idée ni sur un plan sanitaire, ni sur un plan politique, ni sur un plan juridique.

Mais, ce texte pourrait bien se révéler un détonateur politique d’une extrême gravité. On n’abordera pas ici la question des élections municipales et des reports divers avec toutes les difficultés juridiques et possiblement contentieuses qui en résultent. Plusieurs points sont problématiques en particulier au niveau des libertés publiques et de leur contrôle. Mais, on ne se limitera ici qu’au point majeur.

En effet, si le projet tel que modifié par le conseil d’État et le Sénat prévoit que les mesures prises au titre de l’urgence sanitaire (laquelle est prévue par la loi pour durer jusqu’au 1er avril 2021 sauf décret pris en conseil des ministres réduisant cette durée) cessent avec l’urgence sanitaire, il n’en va pas du tout de même des mesures prise en ce qui concerne l’urgence économique et l’adaptation à la lutte contre l’épidémie. Bien au contraire, s’agissant d’ordonnances qui peuvent intervenir dans le délai de trois mois, prolongé de quatre mois c’est-à-dire durant sept mois, il est au contraire prévu, conformément à la Constitution, que ces ordonnances doivent être déposées sur le bureau du Parlement dans le délai de deux mois. Il faut rappeler qu’une ordonnance qui autorise le gouvernement à intervenir dans le domaine législatif doit être ratifiée par le Parlement pour devenir une loi. Mais, si elle n’est pas ratifiée, elle reste un acte réglementaire bien entendu applicable. Cela signifie très clairement que le gouvernement entend que des mesures prises au prétexte de l’urgence économique pourraient perdurer bien au-delà du maintien de cette urgence. Et c’est là tout le problème.

 

Si effectivement les ordonnances procèdent à des régressions des droits des individus, droits sociaux ou droits démocratiques en utilisant la crise actuelle, les conséquences politiques vont être ravageuses.

 

 

En effet, en regardant très attentivement toutes les mesures qui peuvent être prises, on constate aisément qu’elles permettent de multiples régressions du droit social. Ainsi, le conseil d’État dans son avis rappelle (point 28) que s’agissant de la possibilité de dérogations aux stipulations conventionnelles relatives à la durée du travail, au repos hebdomadaire, au repos dominical ainsi que les conditions d’acquisition des congés payés et d’utilisation du compte épargne-temps du salarié “le législateur ne saurait porter au contrat légalement conclu une atteinte qui soit pas justifiée par un motif d’intérêt général suffisant sans méconnaître les exigences résultant des articles 4 et 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789”. Il exhorte donc le gouvernement à ce que l’atteinte portée ne soit pas excessive. Mais, le caractère excessif ou non est jugé par rapport à l’urgence économique et sanitaire. S’il n’y a plus l’un et l’autre, la mesure n’a plus aucune justification. Or, aucune disposition du texte prévoit sa disparition automatique ce qui signifie bien évidemment que le gouvernement a l’intention de procéder à de profondes modifications de l’État de droit qu’il s’agisse de droit social ou du droit de la démocratie environnementale. En effet, le texte prévoit expressément la possibilité de modifier les règles relatives à la concertation, à la consultation du public et aux enquêtes publiques.

Comme par hasard, on retrouve là une série de réformes dont le gouvernement a toujours rêvé sans oser ou parvenir à les réaliser.

Devant le Sénat, le gouvernement a osé dire que la temporalité allait de soi. Si c’était vrai, pourquoi ne l’a-t-il pas inscrit dans le texte comme il l’a fait pour l’urgence sanitaire? Évidemment, parce que tel n’est pas son intention. On retrouve là, les mêmes arguties que celles qui avaient conduites à refuser d’inscrire dans la loi la date de sortie du glyphosate dont on sait maintenant qu’elle ne se produira pas… une fois encore les promesses n’engagent que ceux qui croient.

Sauf que si effectivement les ordonnances procèdent à des régressions des droits des individus, qu’il s’agisse de droits sociaux ou de droits démocratiques en utilisant la crise actuelle, les conséquences politiques vont être ravageuses. Elles le seront d’autant plus que nos concitoyens ont parfaitement compris qu’ils n’avaient pas été protégés à titre individuel en ne disposant pas de masques, de gants, de gels hydroalcooliques, de tests comme en disposent les citoyens des pays industrialisés et qu’ils n’avaient pas été protégés à titre collectif du fait de la destruction de l’hôpital public, malgré les appels au secours lancé depuis des mois par tous les professionnels de santé, et ce pour des choix budgétaires mettant en exergue d’autres priorités accroissant les inégalités.

Prenons garde qu’aux conséquences humaines, économiques, sociales de la pandémie actuelle ne vienne s’ajouter une frustration légitime tirée d’une part de mesures refusées par l’immense majorité du corps social et d’autre part du sentiment d’être une fois encore considérés comme des imbéciles.

On ne peut pas impunément en même temps appeler au civisme, au sens de la responsabilité, au co-partage de la gestion de la crise et profiter de cette dernière pour faire passer des mesures injustifiées, impopulaires et parfaitement contre-productives sur le long terme.

 

Corinne Lepage

Avocate, ancienne ministre de l'Environnement, députée européenne de 2009 à 2014, Présidente de CAP21/Le Rassemblement Citoyen

 

 

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La crise du coronavirus va être analysée comme l'une des plus grandes défaillances de l'État

La crise du coronavirus va être analysée comme l'une des plus grandes défaillances de l'État | Re Re Cap | Scoop.it

Face à la propagation du coronavirus et pour désengorger l'hôpital Emile Muller de Mulhouse, un hôpital militaire de campagne est installé et des soldats français patrouillent lors de son installation, le 20 mars 2020, au quatrième jour de confinement.

Il y a eu imprévoyance caractérisée puisque prévenue en janvier, la direction générale de la santé n’a pas jugé utile de commander des millions de masques, de gants, de gels hydroalcooliques et de tests.

 

Nous savons tous que la confiance est le socle de la démocratie et que sans confiance dans la parole publique, il ne peut y avoir de débat démocratique. Cette défiance qui se généralise a pour corollaire la montée du populisme, le développement massif des fake news ou du complotisme.

Ce que nous avons vécu depuis le début de l’année en ce qui concerne la crise du coronavirus sera très probablement analysé comme une des plus grandes défaillances qui puissent être reprochée à notre État, non seulement sur le plan du fonctionnement démocratique pour les raisons que l’on indiquera ci-dessous, et sur le plan tout simplement de la protection des personnes physiques qui demeure le premier objectif d’un État. On rappellera que le droit à l’intégrité de la personne est le premier des droits de l’Homme.

Une politique d’imprévoyance caractérisée

Une politique de déni de la gravité de la situation qui a fait assimiler le Covid-19 à une “grippette” ce qu’il n’était évidemment pas et qui conduit à écarter les scénarios les plus pénalisants connus dès l’origine mais considérés comme improbables. C’est une violation majeure du principe de précaution qui, en présence d’un risque incertain mais dont les conséquences pouvaient être gravissimes, exige que les mesures de précaution soient prises, ce qui n’a pas été le cas. Cette politique de déni a non seulement et des conséquences très graves sur les mesures prises mais également sur l’état d’esprit de notre population et notamment tous les moins de 70 ans qui ont considéré qu’ils ne risquaient rien, puisque c’était la doxa officielle. D’où “le retard à l’allumage” de la prise de conscience y compris après l’annonce de mesures de confinement, sans que le mot ne soit utilisé par le chef de l’État.

 

Le droit à l’intégrité de la personne est le premier des droits de l’Homme. Il y a eu violation majeure du principe de précaution.

 

Une politique d’imprévoyance caractérisée puisque prévenue courant janvier, la direction générale de la santé n’a pas jugé utile de commander des millions de masques, de gants, de gels hydroalcooliques et bien sûr de tests. Cette politique gravement fautive a mis en danger des centaines de milliers de personnes voire davantage à commencer par les soignants qui ne disposent même pas des moyens de se protéger! C’est stupide et criminel alors même que les considérations budgétaires n’auraient même pas dû être prises en compte, non seulement parce qu’il s’agissait de la vie des gens mais encore parce que le rapport coût/avantage était évidemment sens inverse.

 

Une politique de communication biaisée

Une politique de communication biaisée est mise en place, destinée à cacher cette erreur de départ d’une part et l’imprévoyance d’autre part. Dire depuis des semaines, et bien avant que nous arrivions en phase 3, que les tests étaient inutiles et devaient être réservés aux cas les plus graves. De même, nous voyons bien que les pays du monde qui ont mis en place des tests à très grande échelle ont des taux de létalité plus faibles (0,2% en Corée du Sud et en Allemagne).

Même si effectivement seuls les masques FFP2 protègent totalement, affirmer que les autres masques ne servaient à rien a été contre-productif et ne servait à répondre qu’à la pénurie actuelle. Les masques doivent aujourd’hui être destinés aux personnels les plus exposés faute de préparation, alors que les masques simples sont des facteurs de diminution du risque avant confinement et désormais pour les sorties autorisées, à commencer par les publics les plus vulnérables, les travailleurs les plus exposés... Du reste dans les pays voisins, ces masques semblent être considérés comme un minimum. 

Enfin, des décisions d’une parfaite incohérence puisque pour des raisons politiciennes et non de santé publique (car les raisons de santé publique ne pouvaient conduire qu’à une décision différente) les élections municipales ont été maintenues. Ainsi, nos concitoyens se sont-ils vus conspués pour avoir pris le soleil dimanche alors même qu’ils étaient vivement encouragés à aller voter le même jour. Comment pouvoir croire à un danger majeur lié à la rencontre des autres lorsque l’État lui-même vous invite à aller voter, sans du reste la plupart du temps protéger convenablement les membres des bureaux de vote? Alors, aujourd’hui, l’État sanctionne le défaut de confinement, car le confinement intégral est devenu une nécessité absolue. Mais n’est-il pas responsable en premier chef des difficultés avec lesquelles nos concitoyens se plient à cette discipline? Certes, l’appel au civisme est nécessaire et même indispensable. Mais il ne peut y avoir de civisme sans respect absolu par l’État des règles d’honnêteté, de transparence dans la prise de décision et de mise en place des moyens nécessaires à la sauvegarde des personnes. Or, si les moyens nécessaires à la sauvegarde de l’économie sont mis en place, ceux nécessaires à la sauvegarde des personnes ne le sont toujours pas. 

 

Aujourd’hui, l’État sanctionne le défaut de confinement. Mais n’est-il pas responsable en premier chef des difficultés avec lesquelles nos concitoyens se plient à cette discipline?

 

Ce sont donc les bases du pacte démocratique et républicain qui sont à refonder tant en ce qui concerne les priorités qu’en ce qui concerne le mode de gouvernance. C’est évidemment valable pour les deux parties. 

Les citoyens non respectés

Du côté citoyen, le sens de la responsabilité doit évidemment être développé. Mais, cela signifie un mode de gouvernance refondu. Il repose tout d’abord sur une profonde solidarité entre les concitoyens, à l’opposé des divisions qui n’ont fait que s’accroître au cours des dernières années. Solidarité et interdépendance sont une évidence. Cela signifie d’une manière générale, qu’il ne pourra plus être possible dans l’avenir de considérer que l’avis des citoyens dans les différentes procédures de concertation, consultation ou autres enquêtes publiques diverses et variées sont sans intérêt. La considération et le respect des citoyens doit être un impératif et la co-construction devenir une habitude. On ne peut pas en même temps appeler à la responsabilité, au civisme, au rôle essentiel du citoyen et l’oublier ultérieurement. 

Du côté des gouvernants, la gouvernance est à réinventer. Information ne signifie pas communication et toute information doit être exacte et véridique. La confiance implique d’admettre que le décideur public peut avoir un doute, une ignorance, une difficulté et qu’il est préférable de l’admettre plutôt que de la camoufler dans une communication qui entretient la défiance. La question des priorités doit impérativement être revue. Il est évident que la priorité absolue donnée à la réduction du déficit budgétaire a été tragique pour l’hôpital et le service public sanitaire. Et de plus, ce choix se révélera très probablement à long terme comme infiniment plus coûteux pour les dépenses publiques que ne l’aurait été le maintien à niveau élevé du service public hospitalier. Le même constat peut être fait dans d’autres services publics comme la police, la justice et même dans une certaine mesure l’éducation. Le retour aux besoins fondamentaux d’une Nation, à un service public digne de ce nom (ce qui ne signifie pas que tout doit être dans le service public) sera une exigence évidente.

Le principe de précaution ignoré

L’utilisation du principe de précaution, qui en l’espèce a été manifestement ignoré puisque les scénarios les plus pénalisants -qui se révèlent les bons, malheureusement- ont été écartés, probablement pour des raisons budgétaires et des erreurs de jugement. C’est précisément parce que l’on peut se tromper qu’il est essentiel, en cas d’incertitude avec des risques graves de prendre toutes les mesures de précaution qui peuvent l’être même si elles se révèlent ultérieurement inutiles. Il est clair que le principe de précaution a très mauvaise presse dans certains milieux économiques, à Bercy et dans les hautes sphères du pouvoir. Il serait très utile que le droit soit appliqué et que ce principe qui a une valeur constitutionnelle, rappelé par le conseil constitutionnel récemment, soit effectivement appliqué.

 

On ne peut pas en même temps appeler à la responsabilité, au civisme, au rôle essentiel du citoyen et l’oublier ultérieurement.

 

Enfin, le mode de prise de décision lui-même est interpellé. Le conseil scientifique qui entoure le président de la République pour ses décisions est une excellente initiative. Mais, on peut s’interroger sur la manière dont la décision relative au maintien des élections a été prise car le président de ce comité a paru particulièrement évasif à ce sujet. La différenciation entre évaluation du risque et gestion du risque est absolument essentielle et la gestion ne peut être que l’affaire du politique, qui en prend la responsabilité sur la base de l’évaluation faite par les experts.

Bien d’autres sujets pourraient être abordés et le seront dans les jours et les semaines qui viennent. 

Le drame du COVID 19 laissera plus que des traces. Le Président de la République a parlé de rupture à juste titre. Ce n’est qu’à ce prix que la confiance pourra de nouveau avoir un sens et une réalité.

 

Corinne Lepage Avocate, ancienne ministre de l'Environnement, députée européenne de 2009 à 2014, Présidente de CAP21/Le Rassemblement Citoyen

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Pandémie de Coronavirus : méfiance à tous les étages ?

Alors qu'en France, l’union sacrée a prévalu face à l’irruption de la pandémie de Covid-19, cette dernière semble se fissurer à mesure qu’apparaissent les premières questions sur la gestion de la crise sanitaire et sur l'après-pandémie.

De plus en plus de questions se posent : faut-il ou non généraliser le port du masque pour freiner la progression de la pandémie de coronavirus ? Doit-on aller plus loin, et surtout plus vite, dans l’usage de la chloroquine, ce médicament initialement développé contre le paludisme et les lupus ? Ou encore, faut-il surveiller étroitement les mouvements de tout un chacun, afin d’éviter une deuxième vague de contamination, une fois le confinement levé ? Débat entre nos invités, autour de Raphaël Kahane.

Nos invités :

- Corinne Lepage, avocate, ancienne ministre de l’Environnement, présidente de CAP21/Le Rassemblement Citoyen

- Anne Nivat, grand reporter, reporter de guerre, indépendante,

- Philippe Douste-Blazy, médecin cardiologue, ancien ministre de la Santé, président de UnitLife

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Ne pas confondre prévention et précaution

Ne pas confondre prévention et précaution | Re Re Cap | Scoop.it

Les débats autour de la chloroquine démontrent une parfaite méconnaissance (de bonne ou mauvaise foi) autour des concepts de prévention et de précaution. Mon tweet du 20 mars, qui visait simplement à interroger sur la manière dont la proposition du professeur Raoult avait été reçue par l’administration française (qui comptabilise plus de 150 000 impressions…), a fait l’objet d’un certain nombre de critiques. Certains me reprochant de ne pas être médecin – mais je ne me suis jamais pris pour tel – d’autres dénonçant ma méconnaissance des principes de base des essais de médicaments. Même si je ne suis qu’une juriste, je sais parfaitement ce qu’est une autorisation de mise sur le marché, ce que sont des études à comité de lecture et quelles sont les procédures à suivre pour obtenir le droit d’utiliser une molécule. Je sais aussi que la guerre entre laboratoires pharmaceutiques et instituts pour être les premiers à trouver la molécule et la mettre sur le marché est sans limite.

C’est la raison pour laquelle il convient de mettre un peu de rationalité sur le sujet. Ceux qui de bonne foi rappellent les effets secondaires de la chloroquine ont raison : ils existent (risque de cécité, risque cardiovasculaire, risque sur le foie et les reins) et sont parfaitement connus puisque le produit est utilisé dans la lutte contre le paludisme depuis 20 ans. Ceux qui doutent de l’effet thérapeutique concernant le Covid-19 dans tous les cas de figure ont peut-être également raison. Tout comme ceux qui mettent en lumière que la procédure normale de reconnaissance du produit pour cette pathologie n’a pas été suivie et qu’il faut plusieurs semaines pour qu’elle le soit.

Mais Là n’est pas le sujet. Il ne faut pas confondre prévention et précaution.

On rappellera une fois encore que la prévention vise à éviter un risque identifié dont la probabilité est connue. Le risque lié au Covid-19 l’est de plus en plus ; il est mortel à hauteur de 15 % pour les personnes âgées et peut faire des ravages dans toutes les populations.

La précaution vise à prévenir un risque incertain, aux effets qui pourraient être très graves mais dont la réalisation est incertaine.

Il faut bien entendu se préoccuper de la prévention avant de se préoccuper de la précaution, en essayant évidemment de faire en sorte que les deux puissent être traités convenablement. C’est précisément parce que l’on privilégie la prévention sur la précaution que l’on accepte de vacciner malgré des risques d’effets secondaires ; c’est précisément parce que l’on privilégie la prévention sur la précaution que l’on utilise pour lutter contre le cancer des médicaments dont les effets secondaires peuvent se révéler redoutables.

En l’espèce, comme le rappelle Président de la République, nous sommes en état de guerre. Cela signifie que nous devons tout faire pour lutter contre ce virus et en réduire aussi vite que possible la pandémie. À ce jour, il semble qu’il n’existe rien d’autre que la chloroquine. Personne n’a proposé de l’utiliser de manière préventive et la question de son usage dépend bien entendu du choix du médecin en fonction de l’état du patient. Mais si le risque est un risque mortel, il est clair que la prévention doit l’emporter sur la précaution et que l’utilisation de ce médicament doit être possible, même s’il présente des risques d’effets secondaires. C’est du reste la position extrêmement prudente prise par le conseil scientifique et annoncée le 23 mars.

Il est vrai qu’il est dangereux de déroger aux règles habituelles de mise sur le marché des produits médicamenteux. Mais, nous sommes dans des circonstances exceptionnelles, ou pour reprendre les termes juridiques en état d’urgence sanitaire. Nous n’avons pas le temps de passer par les protocoles habituels pour un produit utilisé depuis 20 ans et très bien connu des praticiens. L’utilisation grandeur nature, que fait aujourd’hui à Marseille et qui se généralise dans le sud-est, permettra très vite de savoir si le traitement fonctionne. La petite ouverture- qui sera sans doute  jugée par certains médecins comme trop modeste, est également intéressante pour les patients traités et pour la collectivité.

Cette controverse démontre la difficulté d’adapter le droit et les principes qui le sous-tendent en période exceptionnelle. Le pragmatisme, l’humilité devant la nouveauté et l’ampleur de la crise, l’humanisme sont des vertus cardinales.

Voilà 25 ans que je défends le principe de précaution, je n’ai nullement l’intention d’arrêter. Mais, il s’agit ici de le combiner avec le principe de prévention qui est premier. La décision du Conseil scientifique est un premier pas. S’il s’avère concluant, il reste un problème majeur : disposerons-nous de tous les cachets nécessaires ? Ce médicament coûte très peu cher, ce qui explique sans doute la violence d’un certain nombre de réactions venues d’amis de laboratoires qui sont engagés dans des processus visant à mettre en place de nouveaux médicaments. Mais, encore faut-il qu’il soit fabriqué et, la position prise par Donald Trump pour en acquérir des centaines de milliers voire des millions risque de rendre beaucoup plus difficile l’accès des autres malades, dont les nôtres, à cette molécule.

Espérons que cette fois-ci, nous aurons pris la précaution de faire fabriquer massivement et suffisamment vite ce médicament qui, s’il fonctionne permettra de réduire le temps de la maladie et donc le nombre de malades à terme.

 

Corinne LEPAGE

Ancienne ministre de l’Environnement

Avocate à la cour

Huglo Lepage Avocats

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