La lettre de Toulouse

À la mi-avril, c’est déjà un signal d’alerte pour cet été. « Les réserves artificielles et les nappes phréatiques se sont plutôt bien remplies. Mais la neige a beaucoup fondu alors qu’il y a quelques années, la fonte assurait un remplissage de la Garonne jusqu’à la mi-juillet », souligne Jean-Michel Fabre, vice-président du conseil départemental en charge de l’Environnement. Cette situation, liée à une période de sécheresse qui a obligé des agriculteurs à arroser les semis, n’est pas nouvelle. Et les projections des prochaines années décrivent une diminution de moitié des débits d’été sous l’effet du réchauffement climatique.
En 2017, le conseil départemental a pris la tête d’une réflexion, qui associe collectivités, gestionnaires et usagers, sur la préservation de la ressource en eau dans le bassin d’alimentation de la Garonne, de sa source espagnole jusqu’à la confluence de l’Ariège, à Portet. Et ce « projet de territoire », tel que la loi le prescrit depuis le drame de Sivens en 2014, vient de franchir une étape décisive avec l’approbation, par le préfet Etienne Guyot, du plan de 32 actions élaboré par les divers acteurs et surtout un panel de trente citoyens tirés au sort, une Convention citoyenne pour le climat avant l’heure qui a travaillé en 2019 et dont les propositions ont toutes été retenues.

Méthode nouvelle

C’est cette méthode nouvelle pour travailler sur un sujet sensible – avec la création de réserves d’eau -, que le préfet a ainsi validée, estime Jean-Michel Fabre. Car en la matière, tout a changé. « On ne part plus de la seule idée qu’il faut créer des réserves. On joue simultanément sur tous les leviers. » Et ce sont bien d’autres leviers, à commencer par les économies d’eau, que le projet de territoire Garon’Amont vise d’abord à activer.
Le vice-président en donne deux exemples. En renégociant avec EDF, gestionnaire des barrages pyrénéens, une quantité d’eau plus importante a pu être obtenue pour soutenir l’étiage de la Garonne l’été (de 52 à 70 millions de m3 en 2020). Le nouveau plan de gestion du canal Saint-Martory, propriété du conseil départemental, a, lui, permis l’économie de 5 millions de m3. « C’est cinq fois Sivens », souligne Jean-Michel Fabre, et cela sans avoir bâti un seul Sivens.
La création de nouvelles réserves figure bien dans la feuille de route du projet de territoire. Mais il s’agit d’abord de déterminer les besoins nécessaires et, pour l’heure, de construire un cahier des charges consensuel de ces retenues du futur.

Dès cette année-là, plusieurs actions ont été entreprises pour mieux utiliser les réserves existantes (lac de Filhet, réalimentation de Montbel, négociation avec EDF sur les lacs hydroélectriques d'altitude…) et pour économiser l'eau (dans la gestion des canaux, avec le virage environnemental souhaité de l'agriculture…).

Cette réflexion, qui concerne tout type d'usager, ne peut se mener sans se tourner vers la population. C'est le sens des «projets de territoire» voulus par la loi et donc de la consultation publique qui débute aujourd'hui, journée mondiale de l'eau, à l'échelle du bassin de la Garonne amont, des Pyrénées à la confluence de la Garonne avec l'Ariège à Portet.

Le Département, et le comité de pilotage (s'y ajoutent l'État, la Région, l'Ariège, les Hautes-Pyrénées, le Gers, le Val d'Aran, l'Agence de l'eau et Toulouse Métropole), ont mis le paquet. Un panel de trente citoyens, tiré au sort parmi 3000, est au cœur du dispositif. À l'occasion de quatre rencontres de deux journées, il leur sera demandé beaucoup : élaborer les grandes orientations mais aussi la liste d'actions à entreprendre. Des ateliers thématiques, des rencontres avec les citoyens sont aussi prévus. Le site www.garone-amont.fr, qui recueillera les avis, inclut tout le travail technique sur le sujet. En ces temps de demande de participation citoyenne, l'originalité de la méthode, qui n'est pas une première, est à souligner.

L'avis du panel «sera pris en compte par les élus du Département qui décideront», affirme Jean-Michel Fabre, vice-président de la collectivité, y compris sur la création de réserves. Et ce n'est bien qu'après cet avis que le travail sur celles-ci commencera. La concertation est prévue jusqu'en juin. La restitution par le Département aura lieu à l'automne en vue de décisions «avant la fin de l'année».

Repères

Le chiffre : 52

millions de m3 > Stock estival. Chaque été, quelque 52 millions de m3 d'eau, stockés dans les lacs hydroélectriques pyrénéens, sont disponibles pour soutenir le niveau de la Garonne.

Économies d'eau, meilleure utilisation des réserves existantes, créations de nouvelles retenues : « sur tous ces leviers, il faut un plan d'action ».

Jean-Michel Fabre, vice-président du conseil départemental

Un panel de citoyens au cœur de la consultation

La concertation pilotée par le conseil départemental repose sur quatre piliers : la création d'un panel de citoyens, des rencontres avec les habitants, des ateliers de travail thématiques et la création d'un site internet : https://www.garonne-amont.fr/

Trente personnes, tirées au sort parmi 3000, et volontaires, forme le panel qui se réunira pour la première fois aujourd'hui à Saint-Gaudens. Sa mission est de réfléchir aux actions à mettre en œuvre. Les ateliers sont ouverts à tous. Ils sont organisés par thèmes : agriculture (le 11 avril à Montesquieu-Volvestre), biodiversité (le 17 avril à Portet), tourisme… Les rencontres avec les habitants ont pour but de susciter des contributions de personnes qui ne seraient pas intervenues. Elles sont programmées sur les marchés, dans les collèges, des clubs de jeunes… En ligne à partir d'aujourd'hui, le site présente l'ensemble des documents et permet de recueillir des avis. Le Département déploie des moyens importants en recrutant quatre cabinets spécialisés. Le projet de territoire est financé à 70 % par l'Agence de l'eau et à 30 % par le Département.