Ce journaliste politique du Monde qui écrit aussi pour la SNCF | Campagnes en France | Scoop.it

Première historique dans le journalisme français lors de la soirée électorale du dimanche 22 mars: c’est un robot qui a assuré la majorité du travail de rédaction sur LeMonde.fr. Le robot-rédacteur a écrit environ 36.000 articles, présentant de manière factuelle les résultats dans chaque canton et/ou chaque ville.

 

Toujours signés de la même manière: «Ces textes ont été écrits en collaboration avec Data2Content, une marque de la société Syllabs».

Data2Content n’est pas spécialement un esthète de l’écriture. Il a produit peu ou prou 36.000 fois le même texte à trous, en comblant, pour chaque canton ou ville, les trous avec les résultats donnés par le ministère de l’Intérieur. Qui a dit que les journalistes se faisaient dicter leurs articles par le pouvoir ?

 

Ce premier robot-rédacteur français respecte les 8 premiers devoirs de la charte de Munich, document de référence de l’éthique journalistique. Il me semble plus tendancieux sur les 2 derniers devoirs de la profession:

«9. Ne jamais confondre le métier de journaliste avec celui du publicitaire ou du propagandiste ; n’accepter aucune consigne, directe ou indirecte, des annonceurs 10. Refuser toute pression et n’accepter de directives rédactionnelles que des responsables de la rédaction.»

Un robot aussi spécialiste des rampes d’escalier

Le robot ne mérite pas sa carte de presse: il travaille aussi pour plusieurs sites commerciaux. Data2Content, l’agence qui a programmé le robot, rédige des textes pour voyages-sncf.com, location-vacances-express.com et Inox Design. Voici ses différentes productions.

(...)

Y a t-il «ménage», comme on dit quand un journaliste se compromet en travaillant pour une entreprise ? On pourra arguer que le robot, et donc le journaliste, n’est pas programmé tout à fait de la même façon quand il travaille pour LeMonde.fr ou voyages-scnf.com. Certes, mais Nelson Monfort n’est pas tout à fait le même quand il couvre les Championnats du Monde d’athlétisme pour France 2 et quand il fait une vidéo promotionnelle pour Areva.

Bien sûr, je trolle. Les 36.000 articles du Monde.fr sont une très intéressante première mondiale. Jamais un robot n’avait été programmé pour faire un travail journalistique d’une telle ampleur. Le premier article signé par un robot date d’il y a tout juste un an, sur le site du Los Angeles Times, à l’occasion d’un tremblement de terre à L.A. L’article était alors strictement encadré par les rédacteurs du journal, qui avaient appuyé sur «envoyer» avant toute publication. Le texte avait été enrichi par la suite par les rédacteurs du journal.

Qui est responsable juridiquement ?

L’arrivée des «robots-journalistes» — ou des «robots-rédacteurs» comme préfère les appeler Data2Content — pose cependant de nombreuses questions éthiques. Par exemple, qui est responsable juridiquement si le robot venait à tenir des propos diffamatoires ? Est-ce le directeur de la publication du Monde, l’entreprise qui l’a développé, l’ingénieur qui l’a codé, le journaliste du Monde qui a travaillé avec lui ou le robot lui-même (mais alors qui est-ce?) ?

Le robot du Monde montre que la crainte de voir les robots remplacer les journalistes est en partie infondée. Les humanoïdes ne peuvent pour l’instant remplir que des tâches subalternes, bêtes et méchantes. Pour les présidentielles, l’article de résultats est écrit par un journaliste du service politique. Pour les régionales, quelques stagiaires seront peut-être appelés à la rescousse pour couvrir les 13 régions. Pour les cantonales, où il y a autant d’articles de résultats à écrire que de journalistes en France, il faut forcément un robot pour faire le sale boulot. La solution pourra toutefois être réutilisée pour les régionales, pour publier les résultats par ville.

Robot vs. Madagascar

Enfin, à noter une bonne nouvelle pour ceux qui craignent une délocalisation des journalistes: d’après Data2Content, sa solution éditoriale est plus efficace qu’une rédaction offshore ! Dommage que LeFigaro.fr n’ait pas sous-traité ses résultats à des rédacteurs basés à Madagascar, on aurait pu comparer les deux.